Pendant que les ministres des finances de la zone monétaire CFA se réunissaient à Paris le vendredi 30 octobre 2016, une déclaration fracassante sortait de la bouche de Carlos Lopes secrétaire général adjoint de l’ONU sortant : « Le franc CFA est un mécanisme désuet !» Apparemment, ce message n’a pas perturbé nos braves argentiers qui demeurent convaincus que c’est la meilleure chose pour nos pays. Cependant, des spécialistes africains ont à maintes reprises, dénoncé cet arrimage de la zone CFA au Franc Français puis à l’euro qu’ils trouvent anachronique. Notre compatriote nous avait envoyé cette réflexion, bien avant la « sortie fracassante » de Carlos Lopes tout juste avant les vacances. Mais la rédaction estime que cette contribution de notre compatriote Boubacar Touré, juriste résidant à Montréal, reste pertinente et mérite qu’on la partage. Lisez plutôt.
- DE L’ORIGINE DU FRANC CFA
- L’objectif :
L’évocation de l’usage du franc CFA évoque pour certains le souvenir d’un douloureux lien colonial encore ininterrompu, et pour d’autres la nostalgie de la poursuite d’une coopération France Afrique à travers un système qui permettra la pérennisation de leur pouvoir tant qu’ils adhéreront à la protection des intérêts français au détriment de la défense du bien-être de leurs populations. Loin des émotions, le sujet est fascinant, mais il suscite beaucoup d’appréhension, de polémique et de la rhétorique argumentaire sur le «pour ou contre». Il nous introduit sur des questions à la fois économique, politique et juridique. Il s’agit de la politique monétaire de tutelle qui a créé le franc CFA en vertu de l’article 3 du décret no. 45-0136 du 25 décembre 1945, instituant l’autorité monétaire française en Afrique. La monnaie fut créée et imprimée à Chamalières, par la Banque Centrale de France. L’objectif est de protéger les intérêts de la France à travers cette monnaie et non l’inverse. Le professeur Nicolas précise que l’Allemand Hermann Goning est néanmoins le grand père du CFA dont l’initiative a inspiré les autorités Françaises en Afrique. Une forme de néocolonialisme financière.
- Différentes mues du FCFA :
A l’origine de sa création, le CFA signifiait «comptoirs français en Afrique» ou « franc des colonies d’Afrique selon Wikipedia». En 1958, il devient «communauté française d’Afrique »;pour ensuite prendre la dénomination de «communauté financière d’Afrique». Malgré la subtilité des mots, se cache derrière l’acronyme, l’idée de «colonies françaises d’Afrique regroupées au sein d’une union financière». En quoi maliens, sénégalais, tchadiens, nigériens se retrouvent implicitement et encore avec une double identité caractérisée par une dénomination monétaire et d’appartenance française dissimulée?.
- Pays de la zone CFA :
Le CFA est une monnaie commune à plusieurs États d’Afrique, constituant une partie de la zone franc. Il est composé de :
- UEMOA (Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine), dont l’institution d’émission est la BCEAO(Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest). Cette union est représentée par 8 États dont le Mali;
- CEMAC (Communauté Économique et Monétaire d’Afrique Centrale), dont l’institution d’émission est BEAC ( Banque des États de l’Afrique Centrale )
- L’Union des Comores
- L’Île de la Réunion et Mayotte qui ont utilisé le franc CFA avant d’adopter tous deux le franc français puis ensuite l’Euro.
- Fonctionnement de la zone CFA :
4.1 Les instances décisionnelles sont : la Conférence des chefs d’États (organe suprême), le conseil des ministres et le conseil d’administration des banques centrales au sein duquel est représenté 2 français qui détiennent le droit de véto. Certains observateurs se demandent pourquoi ces derniers doivent siéger au sein du CA des institutions bancaires africaines; la réponse est simple la création du CFA et sa gestion est leur propriété exclusive contrairement aux dispositions statutaires qui sont bien résumées par le professeur Nicolas Agbohou. Pour mieux illustrer son analyse, celui-ci donne l’exemple d’une application pratique des mécanismes de prise de décision lorsqu’il fallait chasser le président Laurent Bagbo de la BCEAO. Par ailleurs lorsque les États africains veulent se donner le pouvoir d’exercer leur souveraineté, certains partenaires auraient trouvé le moyen de les contrôler. C’est ainsi que nous verrons plus loin pourquoi certains partenaires occidentaux avaient cherché très subtilement à siéger au sein des institutions monétaires africaines dont le projet était en gestation, mais la réponse des africains a été négative surtout qu’ils ont fraîchement en mémoire les reproches liés au fonctionnement du Fonds Monétaire International et les écueils de la gestion du franc CFA.
4.2 Jusque-là, la vision panoramique est séduisante et moins inquiétante sauf quand on commence à examiner l’organisation et le fonctionnement des institutions qui prennent des décisions comme la Banque Centrale de France, et le conseil d’administration de la BCEAO et BEAC. Cette intrusion nous révèle un asservissement total des pays membres qui n’ont aucun rapport de force ou de marge de manœuvre substantielle. Mais avant de se lancer dans cet exercice périlleux et son impact sur la conscience collective des africains, permettez-moi de vous accompagner à travers ce voyage historique pour comprendre cette politique monétaire qui entretient, ce que certains observateurs qualifient de : «rapport de domination machiavélique et de simple prédation». Ils fondent leurs critiques sur certains principes érigés en système comme les comptes d’opération, la fixité des parités, l’imposition du droit de véto (exercé subtilement par les représentants de la France au sein des conseils d’administration).
4.3 Il faut ajouter à ce constat l’arrimage du franc CFA à l’euro. Et comme vous le savez, la politique monétaire de l’euro est définie au sein de l’Union Européenne, ce qui donne à cette dernière un droit de regard sur la politique monétaire du franc CFA. Voilà comment l’utilisation du CFA devient un instrument de politique économique dont le contrôle échappe à la souveraineté des pays membres en plus d’hypothéquer leur développement économique jusqu’au jour où ces pays vont se réveiller et comprendre qu’ils doivent libérer le destin de leurs peuples de ce joug de recolonisation. Malheureusement une majorité de la classe politique africaine semble être insensible et indifférente à cette problématique, leur préoccupation étant éloignée des objectifs de bonne gouvernance et de développement économique.
4.4 Le Mali n’est pas à l’abri de ce constat sévère. Certains économistes «soutiennent que c’est le conseil d’administration qui détermine le niveau de développement ou de sous-développement qui est imposé aux États membres, chapeauté par la France». C’est la France qui détient la prérogative de dévaluer la monnaie-CFA. Rappelons que si «Robert Julien, a été maintenu gouverneur de la BCEAO de 1962-1974, c’est-à-dire, après l’indépendance de la plupart des États Africains; il n’y a pas de doute qu’on voulait perpétuer l’ordre ancien, disent certaines critiques». Toujours selon l’analyse de certains économistes, la centralisation des changes dans les comptes d’opération, profitent plus à la France qu’aux États membres. Il ressort de leur analyse que «la France utilise une partie des capitaux africains pour financer sa balance de paiement». Au début, le dépôt en France des avoirs des États membres était déterminé à 65% après 1973 pour passer à 50% en 2005. Mais selon certaines allégations et indiscrétions, ils prétendent que «certains chefs d’États africains seraient tenté d’aller au-delà de ce score, par complaisance ou pour se maintenir au pouvoir». Il serait intéressant de savoir si des intérêts sont payés sur ces dépôts constitués auxquels cas, les pays concernés deviendraient des rentiers. Quelques réflexions sur le fondement politique et juridique du sujet.
Par Boubacar Touré, juriste et patriote africain, Montréal, Canada)
Bibliographie
1-http://s2.lemde.fr/image/2015/07/08/768×0/4675135_7_5c84_coupures-de-10-000-francs-cfa-15-euros_5aa82f921ffbecea1d14b2a94d228714.jpg
2- http://www.bceao.int/Histoire-du-Franc-CFA-55.html
3- Wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Franc_CFA
4- www.youtube.com/watch?v=CU22YBONO60 & feature = youtube gdata player
5- www.youtube.com/watch?v =P01Fq66hyts
Une fois encore C’est LA faute à LA classe politique africaine.
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