Lutte contre le trafic d’êtres humains et l’exploitation sexuelle – Tribune conjointe de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, et de Mme Margot Wallström, ministre suédoise des affaires étrangères, dans le quotidien suédois «Svenska Dagbladet» (Stockholm, 8 mars 2019)
Aujourd’hui, à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, la Suède et la France lancent une initiative diplomatique conjointe pour lutter contre la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle. Nous avons décidé d’ élaborer une stratégie dans le but de combattre la traite des êtres humains et la prostitution, en Europe et dans le monde.
La Suède met en œuvre une politique étrangère féministe et la France mène une diplomatie féministe. Ensemble, nous voulons être le fer de lance de la lutte contre la traite des êtres humains. Nous espérons que d’autres pays se joindront à nous pour mener ces efforts essentiels en faveur des droits de l’Homme.
Les chercheurs ont clairement mis en évidence le lien existant entre prostitution et traite des êtres humains. Un seul chiffre suffit pour illustrer ce lien : en Europe, dans les grandes maisons closes, environ 95 pour cent des femmes sont originaires de pays étrangers, le plus souvent d’Europe de l’Est ou d’Afrique.
Les témoignages recueillis dans des maisons closes de pays d’Europe occidentale dans lesquels la prostitution est autorisée sont terrifiants. Des études prouvent que le risque de développer un syndrome de stress post-traumatique est plus élevé dans la prostitution qu’en temps de guerre.
Certains acteurs souhaitent légaliser la prostitution. Mais qu’elle soit légale ou non, elle implique toujours que des personnes vulnérables sont contraintes de vivre dans des conditions inhumaines. La Suède et la France se sont clairement prononcées contre la normalisation de la prostitution comme emploi. Nous sommes d’avis que la prostitution devrait toujours être considérée comme l’exploitation de la vulnérabilité d’une personne, et donc jamais comme un emploi. Nous refusons l’utilisation de l’expression « travail du sexe » et combattrons son usage.
La Suède et la France ont mis en place, comme de nombreux autres États, une législation pénalisant l’achat et non la vente d’actes sexuels. Ces législations sont efficaces pour réduire la demande de prostitution ainsi que pour faciliter l’aide aux victimes souhaitant sortir de la prostitution. En Suède, où cette législation existe depuis vingt ans, le nombre de personnes se prostituant est relativement faible, et le pays est considéré comme un marché qui présente peu d’intérêt pour la traite des êtres humains.
L’objectif de l’initiative diplomatique que nous lançons aujourd’hui est de renforcer la lutte contre la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle. Nous encouragerons la mise en place de législations en matière de prostitution de même nature que celles existant en Suède et en France.
Nos efforts seront renforcés en diffusant les connaissances sur la traite des êtres humains et la prostitution, en encourageant les débats et les discussions sur les rôles des deux sexes et l’égalité entre les hommes et les femmes, en soutenant les centres d’accueil des femmes et en améliorant par d’autres moyens la vie des victimes de la traite des êtres humains, ainsi qu’en apportant un soutien généreux à la santé et aux droits sexuels et reproductifs.
Nous mènerons notre lutte contre la traite des êtres humains conjointement avec d’autres acteurs. Nous souhaitons coopérer avec la société civile, les centres d’accueil des femmes et d’autres acteurs pour que notre politique soit la plus efficace possible.
Personne ne rêve de devoir se prostituer. Les victimes de la traite des êtres humains subissent des conditions de vie abominables, en Europe, au XXIe siècle. Nous ne pouvons laisser cette situation perdurer.
Contribution de l’ambassade de la France au Mali