Comment sortir de la Transition ? Le Mali en quête d’une gouvernance de pays en guerre !

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  1. Examen des pistes de solutions de ce qu’il y a à faire (2è partie de 2)

À n’en pas douter, l’évaluation de ces politiques conduit à la fatalité de l’incompétence comme le taureau qui voit la corde qu’on lui tend et y met la patte… La tragédie malienne se voit à ce taureau conscient de son instinct et non de la pensée qui se faire prendre où l’homme ne le doit pas. Cette tragédie qui fait demander le secours de celui dont seulement la confiscation de Kidal vient rappeler son occupation passée du pays. Tragédie qui fait déclarer rompre seulement après lui, laissant ainsi l’imagination errer sur ses dispositions préalables prises, soit internes de terre brûlée ou externes d’encerclement… Tragique enfin de renouveler le mandat d’une entité occupant le terrain juste pour commencer à en avaler les couleuvres…

Ensuite, le deuxième point d’enseignement est fourni par l’actualité politique de revirement, notamment la récente loi électorale et son balisage électoral malgré les écueils non comblés, plus le passage d’explications du chef de gouvernement de ce pays en guerre devant son parlement pour rallier l’opinion et ceindre les reins pour l’effort de guerre. Il faut noter la coïncidence de la posture jubilatoire de l’Adema, creuset désincarné de la classe politique actuelle, tout délire “démocratique” d’un trentenaire dans une méconnaissance sans doute feinte des mécomptes de ses mandats présidentiels. Citons, en bref, le naufrage de l’école malgré l’accroissement des classes, la corruption avec les fonctionnaires milliardaires et les spéculations foncière et immobilière, la justice instrumentalisée, les irrédentismes et l’alliance des “démocrates en armes” et des “démocrates convaincus et patriotes sincères”, l’armée sous les “flammes de la paix” capitulardes, une décentralisation pour plaire aux bailleurs, etc. Si ta chèvre va avec celle qui mange le gombo, ta chèvre mangera aussi le gombo…

Les palabres du Cnt dans cet oral aident à mieux comprendre ce qui nous arrive. Il a été dit que le Mali ne quittera ni Cedeao ni Uemoa, la Minusma restera et le Mali ne pourra battre monnaie tant l’échec du franc malien sous Modibo Keita devrait nous dissuader… que l’accord de défense avec la France sera amendé, etc. Ces prémisses dessinent une tendance lourde signalée par des propos comme “la Constitution sera révisée” et actée par décret de rédaction d’une nouvelle. Sous le masque de nouvelle constitution, un accord non discuté et encore moins accepté par le parlement malien va donc amender la Constitution ! Morceaux insolites de viande sur notre tô : un chef de gouvernement ayant rendu fréquentable son chef l’indexe pour un décret Hac retardataire, l’inspire à la baisse de 4 à 2 ans de transition assortie d’un chronogramme avec révision constitutionnelle et encaisse une promulgation amère d’une loi électorale de tous les dangers et sous les projecteurs ! À ce rythme, serons-nous mangés avec intelligence ou à la sauce au gombo épargné par notre chèvre ?

Pourquoi cet abandon de la ligne du peuple pour celui des partis politiques dont on connaît la réputation ? Est-ce la projection d’une faiblesse qu’on ne souhaite pas, de la ruse ou de l’incompétence qu’on ne veut pas, ou simplement de la trahison qui est la somme des deux ? En attendant d’y voir plus clair, on peut tirer quelques enseignements de la loi électorale dont le rejet de l’idée d’indépendance dans la gestion des élections en paraissant recadrer le zèle d’un premier ministre pose en fait la question pertinente de savoir pour qui roulent les colonels, les partis politiques ou presque l’Adema et ses métastases, soi-même ou les deux ? Les gesticulations actuelles avec la Minusma et avec les chefs religieux qui restent les médiateurs du pouvoir et désignateurs des chefs de gouvernement malgré les amères leçons des régimes défunts montrent nos colonels en pleine ivresse d’une campagne électorale dont on a sécurisé à l’avance la gestion des résultats mais dont les illusions et les imprévus les conduiront à écrire eux-mêmes pour qui la guerre est une affaire trop sérieuse à être confiée. Le constat est que les coups d’État ont toujours visé peu ou prou à séculariser le pouvoir militaire dans l’action politique dont l’Udpm fut la plus achevée et l’Adema la plus héritière…

En effet, le slogan démocratique de 1991 s’est dissous dans un multipartisme bon teint qui fut l’illusion convenable pour continuer à peu près le parti unique, n’en déplaise le trentenaire récent de l’Adema et les manœuvres feutrées d’un leadership subitement sorti de prison du silence destiné à faire oublier son rôle dans l’agonie malienne. Les hyènes en effet sortent progressivement du bois, candidats milliardaires planqués ou réfugiés sinon cadeautés de marchés publics de pays voisins pour blanchir leurs prises moins avouables et Adama-den de tout acabit, des maliens “tout court” aux “tout long”…  Bref, il faut tout craindre du contexte Cedeao d’un pays en guerre dont on déclare la punition terminée, où une de ses affiliations suspend légalement les sanctions sans que l’affiliation mère daigne obtempérer ni l’affiliation fille protester du déni. A fortiori aucune action en réparation après la levée d’embargo… Il s’agit d’ailleurs plus de tutelle que d’affiliation pour ce servage moderne avec son zèle apparemment dicté tant par le belligérant du pays en guerre que par la servilité des membres.

Un pays en guerre a de quoi se préoccuper que des élections, à plus forte raison qui assurent le succès de leurs bourreaux milliardaires. Un territoire occupé en entier excepté d’illusoires couloirs urbains peut-il être le siège d’une élection ou d’un vote ? Quelle sera sa signification et son contenu ? Où aboutira la rédaction d’une nouvelle Constitution même par les meilleurs nommés au lieu d’une rédaction du peuple ? Le minimum serait une Assemblée constituante pour réécrire la charte d’un pays qui a subi tant de convulsions. On reconnaît une idée locale à la peine de sa légitimation, ainsi des ANR même pour la fantomatique refondation, mais on constate qu’on ne s’y ose pas pour la Constitution dont l’idée suiviste vient plus d’ailleurs ! Nous sommes loin des Koumi Diossé, Babemba, Samori ou Firhoun. Vendre ainsi à faux poids et utiliser la pauvreté des maliens pour manipuler les plus affamés à des élections et slogans vides condamne à réécrire sans cesse des scénarios trompeurs d’un mauvais film…

Il faut faire la part des choses entre ce qui est transitoire et permanent et préparer les conditions de revitalisation politique pour la nouvelle gouvernance et bien choisir les gens pour animer une telle métamorphose. Au lieu de s’étourdir sur des concepts fantomatiques, il faut savoir d’abord ce que l’on bâtit, pas les enclos néo coloniaux qui ne sont pas viables, pas les états-nations qui sont faits pour la guerre, mais l’unité africaine sur une entité autochtone viable où chaque région s’administre, s’éduque, se soigne et travaille dans la solidarité et délègue la défense, la diplomatie, la justice à une instance exécutive commune. L’utilisation des concepts étrangers au lieu de nos propres mécanismes d’organisation sociale et politique nous aliène encore davantage que le système partisan au sujet duquel nous devons réfléchir à ses alternatives, en tout cas pour étoffer la solidarité africaine au lieu de la logique de segmentation. Nous devrions réfléchir à plus d’inclusion politique au sens que celui qui ne milite pas dans un parti est ipso facto exclus de la représentativité politique…

Aux problèmes qui nous font face, il faut trouver les solutions les plus innovantes, les moins coûteuses pour son peuple et surtout les plus efficaces. Celui qui va faire la guerre c’est parce qu’il n’a rien chez lui et vient chercher à manger… Nous avons eu suffisamment de leçons de colonisation, de faux secours, de génocides sous les apparences du vote innocent pour ne pas ajouter d’autres bévues à regretter plus tard ! Personne ne peut rien nous apprendre si nous sommes enracinés… Cessons de faire semblant et acceptons l’effort ! Rompre avec la gouvernance de détresse c’est rompre avec le faux populisme et les contradictions gênantes.

Enfin, le dernier point d’enseignement a été les attaques du 18 juin 2022 des villages de Diallassagou, Diawéli, Déguessagou vers Bankass faisant plus de 132 morts avouées et qui continuent la comptabilité macabre de la triple attaque du 24 avril 2022 contre les emprises de l’armée à Bapho, Sévaré et Niono. Il y a un contraste saisissant entre les odes à la montée en puissance des Famas ponctuées de shows d’hélicoptères, montrant qu’on semble oublier que c’est moins le matériel que les hommes qui se battent. Force doit rester aux Famas d’inverser la tendance lourde de l’assassinat gratuit des populations civiles par cette guerre.

Il est temps d’arrêter les règlements de comptes inutiles et les scénarios coûteux de garder un pouvoir d’État en mal de vision. Nos fils, les jeunes militaires et leurs inspirateurs, pour valeureux qu’ils soient, ont fait ce qu’ils peuvent et doivent se plaçer sous l’autorité et la protection des aînés civils hors classe politicienne pour parachever le travail de rectification. Ils ont besoin de voir ce qu’ils ne peuvent faire et quitter leur zone de confort pour leur zone d’opportunité. La répétition est pédagogique et ainsi qui ne réfléchit pas et méprise les voix d’apostrophe de l’ami et de l’ennemi sera vaincu. C’est le peuple qui confère la légitimité et est en fin de compte le véritable propriétaire de la souveraineté qu’il a créée en insurrection ouverte contre l’insécurité et la mauvaise gouvernance et obligé à dépasser les règles habituelles, n’en déplaisent à l’agitation opportuniste interne et à la pression internationale.

La jeunesse civile et militaire doit cesser de s’annihiler par invectives inutiles et prise de menue monnaie ou de menu pouvoir. Il faut souder l’armée à son peuple par l’éclairage de l’avis populaire, son armature idéologique, pour éviter la bande, la vénalité des officiers et la force défiante, qui sèment le désordre, s’offrent en proie à ses rivaux et offrent la victoire à l’ennemi. Par la force des choses cependant l’armée se politise par un réel renouvellement, avec engagement pas seulement par la misère mais pour défendre et réformer le pays comme tout bon malien. Face au risque d’une dissolution du corps politique dans l’agression militaire, le recours à la force comme une solution politique est valide par réalisme de survie dans les conditions de la guerre par procuration. Quand les balles sifflent et le hasard de chaque malien attend son tour de finir du “terrorisme”, la force assume le rôle qui aurait dû revenir à la convention électorale. Certaines tactiques qui sensationnalisent et essentialisent la présence d’alliés dangereux doivent nous servir d’avertissement constant que ni l’annonce d’explosion d’IED contre eux ni les captures soudaines de chefs “djihadistes” ne doit nous duper et griser comme naguère avec des agences internationales d’information…

Il est temps d’abandonner la gouvernance par vidéomans et reprendre plus sérieusement l’initiative. Pour ses maigres gains informationnels, elle consacre la courte réflexion et l’inculture, détruit notre jeunesse, saborde nos institutions et obscurcit davantage l’action gouvernementale. De plus, la logique d’invectives par clashs et injures infantilise le débat public et détruit le tissu social plus même que la logique partisane de la classe politicienne. Généralisons donc la solidification malienne de nos discussions qui priorisent l’effectivité de l’action. Continuons d’armer notre défense et arrêter de nous affaiblir par l’influence néfaste d’une société civile financée du dehors et autres think-tanks trompeurs pour retrouver la voie de nos traditions de sauvegarde. Considérant l’école malienne dérivante depuis des décennies et le contenu incertain de l’information de nos jours, il faut redonner force à nos traditions éducatives, à l’éthique du travail et abandonner la gouvernance par la corruption.

Acheter des diplômes pour voler ne sert à rien, avoir des doctorats pour voler ne sert à rien, maintenir ses semblables sous la force, la ruse ou l’ignorance ne sert à rien, sauf à faire écran pour nos vrais sauveteurs parmi nous réduits à des spectateurs au bord de la route jonchée de ruines évitables. La force de l’insurrection populaire est la dissuasion ultime mais dont les enfants égarés éliment le tranchant. Le peuple doit être conscient qu’il est son seul sauveur. Pas besoin de publicité ou de fanfare pour peindre une situation calamiteuse. La libération du territoire doit aller de pair avec son développement sinon ce serait la guerre inutile. Ainsi, l’avènement des compétences morales et laborieuses est nécessaire et inévitable mais il faut en abréger le délai. La souris qui laisse sa route est appelée souris grasse. Mais l’homme retrouve toujours sa route quand il a assez souffert. Espérons qu’il ne soit pas trop tard pour l’appeler souris grasse. Nous n’avons qu’à nous en prendre à nous-mêmes car ce sont des fils du pays qui appuient ceux qui vivent de nous et nous combattent. Notre pays a besoin de tous ses enfants sérieux et capables pour les tâches urgentes de sa libération et de son développement. Faisons que ce soit par la manière loyale dont nous nous voilons la face.

Mr. Amadou Cisse

Fonctionnaire à la retraite de la Banque mondiale et

ancien membre du Conseil d’administration

Abscisse1@gmail.com

Washington, D.C., U.S.A

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