Collectif des ressortissants du nord – Forum National : Analyses et Propositions

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Le Forum National s’est tenu les 27 et 28 avril 2013, sous la haute Présidence d’honneur du Pr. Dioncounda Traoré, Président de la République par intérim, Chef de l’Etat.

Le Contexte et les Objectifs

Le Forum National sur les crises du Nord s’est tenu les 27 et 28 avril 2013 au Centre International des Conférences de Bamako (CICB). La cérémonie d’ouverture s’est déroulée sous la Présidence d’Honneur du Pr. Dioncounda Traoré, Président de la République par intérim, Chef de l’Etat, qui, a adressé encouragements, orientations et suggestions aux participants. Les participants se sont félicités de l’attention soutenue des plus hautes autorités du Mali.

Le Forum a pris place seulement trois mois après le lancement effectif des opérations militaires de libération des zones occupées, et à un moment où l’insécurité a été radicalement réduite. En effet, si les attentats de kamikazes, de voitures piégées, et les coupures de routes entretenues par le MNLA continuent encore par-ci et par-là, la plupart des villes du Nord, la ville de Kidal exceptée, ont été libérées. Le défi majeur reste la réconciliation des cœurs, les efforts accrus pour recoudre le tissu social et la réussite du «vivre ensemble», la reprise effective des activités économiques et des actions de développement, ainsi que la livraison des prestations des services essentiels et du paquet minimum de prestations sociales, destinés aux communautés les plus fragiles et les plus démunies du Nord.

Les travaux préparatoires du Forum ont suivi une procédure stricte couvrant, entre autres, des travaux techniques d’analyse, de recherches-actions et concertations par les six Panels du Collectif des Ressortissants du Nord (COREN), de multiples réunions de restitution et de validation des résultats intermédiaires, ainsi que des Assemblées générales de même nature, animées cette fois, en présence des représentants publics (des membres du gouvernement, ainsi que, s’agissant des Régions du Nord, de leurs élus, gouverneurs, préfets, fonctionnaires de l’Etat et des collectivités), des membres des diverses associations du Nord et de la diaspora malienne, des autorités traditionnelles, coutumières et religieuses, du secteur privé et de la société civile et des partenaires techniques et financiers, ainsi que, selon les besoins, des groupes cibles spécifiques tels que les femmes, les jeunes et les minorités visibles. Le processus a été inclusif, participatif et largement ouvert à toutes les sensibilités ethnoculturelles et géographiques du Mali.

La présente Résolution générale traite des résultats des travaux du Forum National, c’est-à-dire de l’analyse des dernières évolutions du contexte et de la situation dans les Régions du Nord, des suggestions d’actions prioritaires des six Panels, ainsi que des éléments que ceux-ci ont identifiés pour la préparation de la contribution du COREN à la vision future et aux programmes de développement du Mali nouveau.

La Direction du COREN, sur la base des recommandations et suggestions issues du FORUM NATIONAL, aura la charge d’élaborer immédiatement et de soumettre à une validation en suivant les procédures jusqu’ici observées, d’une part un Plan d’Action simple, mais équilibré et par ailleurs, un Chronogramme  de mise en œuvre auquel seront attachés les indicateurs de performance et de suivi/évaluation des progrès.

Résultats DES TRAVAUX DES PANELS:

A. Les Panels 1 et 4 soulignent:

– La nécessité d’une mise en œuvre harmonisée des programmes décennaux sectoriels,

– Tout en relevant que la décentralisation a connu des avancées significatives au Mali, il est recommandé que les approfondissements futurs couvrent une analyse fouillée des réalités spatiales et socioéconomiques de nos terroirs ruraux,

– La décentralisation incluant déjà le concept de dévolution de pouvoirs et une plus grande autonomie d’action sur un espace donné de niveau hiérarchique inférieur, il serait prudent, s’agissant des actes d’administration, d’utiliser les termes de «décentralisation Intégrale» et d’éviter le mot «autonomie» qui a une connotation prêtant à confusion,

– Au plan national, un effort particulier doit être porté, à présent, sur la réduction des écarts de perceptions entre les responsables publics et leurs d’administrés respectifs, écarts dus à un recours souvent insuffisant à nos langues nationales dans la communication publique en direction desdits administrés,

– Le COREN devrait à présent renforcer sa capacité de faire des plaidoyers solides afin de rendre plus effective sa capacité d’influencer les politiques publiques,

– Il y a une urgente nécessité de disposer d’une armée professionnelle, disciplinée, plurielle, engagée et capable d’assumer ses missions régaliennes sur toute l’étendue du territoire national, y compris dans la région de Kidal,

– Les besoins de refondation de l’Etat sont évidents et ne souffrent d’aucune contestation. Toutefois, l’exercice de réforme de l’Etat se devra d’inclure un mécanisme efficace de constitution de leaderships compétents et respectés, tenus par des systèmes de gouvernance performants, des leaderships qui devront être fortement enracinés dans les circonscriptions qu’ils sont appelés à diriger.

ACTIONS ET RECOMMANDATIONS des Panels 1 et 4:

1. Actualiser le Plan Décennal de Développement des Régions du Nord du Mali PDDRN et poursuivre sa mise en œuvre,

2. Reconstruire une armée professionnelle, disciplinée, plurielle, engagée et intégratrice, capable d’assurer avec efficacité la sécurité des citoyens et de préserver efficacement l’intégrité du territoire national,

3. Cheminer rapidement vers une «Décentralisation Intégrale» qui prendrait en compte les questions de sécurité et internaliserait les notions de République, de Patrie et de Nation.

4. Réfuter le nom «Azawad» en tant que désignation de circonscriptions politiques et/ou administratives et se référer aux désignations consacrées que sont les Régions de Tombouctou (6ème), Gao (7ème) et Kidal (8ème).

B. Le Panel 3 relève:

S’agissant des aspects culturels: la destruction du «TOGOUNA» de Douentza, un lieu de culte, de rencontres, d’échanges, d’engagement et de règlement des litiges;

S’agissant des facteurs de conflits, (a) les contestations des décisions de justice, portant particulièrement sur le foncier et les élections; (b) la mauvaise gouvernance en tant que facteur objectif d’exacerbation des conflits – les frustrations nées de cas flagrants d’injustices et d’inéquités, la corruption, etc.; et (c) le déficit d’intégration et les difficultés de certains groupes à se faire intégrer au sein de leurs communautés.

S’agissant de l’Administration et de la Décentralisation: (a) les effets désastreux des vastes intrusions politiciennes dans les procédures publiques et dans la vie administrative, du fait d’une gouvernance insuffisante des institutions publiques (fréquentes mutations de statut légal des institutions, trop grande mobilité des cadres techniques, trop forte déperdition des compétences, des acquis d’expériences et des informations critiques); (b) les insuffisances de la couverture administrative et sécuritaire conduisant à une sous-administration de fait du territoire; (c) les lacunes graves  du découpage administratif  actuel peu respectueux des réalités spatiales, historiques et/ou ethno-socioculturelles; (d) l’insuffisante attractivité du Nord pour les fonctionnaires appelés à y servir, en raison des difficiles conditions de travail  et des faibles perspectives de carrière; (e) les déviations graves des procédures de recrutements dans l’armée – notamment à l’EMIA -, qui, de sa fonction de préparation à la défense de la Nation, est devenue un générateur d’emplois pour des enfants privilégiés, enfin (f) le délitement de l’autorité de l’Etat, notamment du point de vue de l’éthique, de la moralité et des comportements sociaux.

ACTIONS ET RECOMMANDATIONS du Panel 3:

1. Les projets et programmes Devront inclure des composantes de couverture des besoins de «solidarité»;

2. La gouvernance de gestion des projets/programmes devra être améliorée;

3. Soutenir un accroissement des investissements dans l’Education (y compris par la valorisation de l’éducation traditionnelle, et la création d’universités au Nord);

4. Renforcer les efforts d’administration du territoire, par un plus grand approfondissement de la Décentralisation;

5. Décentraliser les centres de formation militaire.

C. Les Panels 5 et 6 relèvent:

  • Les risques réels d’ethnicisassions du conflit;
  • La prolifération dangereuse des organisations à caractère ethnique et communautariste;
  • Les rôles, responsabilités et statuts du Coren;
  • Rôle des femmes/ jeunes dans la dénonciation des infractions.

ACTIONS ET RECOMMANDATIONS des Panels 5 et 6:

1. L’identification les victimes, en collaboration avec la Commission Juridique (appui à la création d’une association des victimes des exactions);

2. Assurer la prise en charge médicale et sociale des victimes (mise en place d’espaces d’écoute et de prise de parole pour les victimes);

3. Susciter et appuyer la création par l’Etat d’un fonds d’indemnisation au profit des victimes des exactions: cas de viols (forcé ou «consenti») avec ou sans enfants, préjudices physiques, enfants soldats, commerce vandalisé (attribuer l’appui proportionnellement au degré du préjudice subi et surtout ne pas attendre l’aboutissement de la procédure judiciaire pour la mise en œuvre);

4. L’organisation de rencontres intra et intercommunautaires pour restaurer et renforcer les liens du vivre ensemble à tous les niveaux (à commencer par le niveau des familles);

5. L’opérationnalisation de l’égalité entre les femmes et les hommes dans les réformes en cours dans notre pays.

D. Le Panel 2 relève:

Du fait du déclenchement de l’opération Serval:

  • Il a été mis un coup d’arrêt à l’offensive des Salafistes et djihadistes sur les régions centre et sud du pays;
  • Les villes de Douentza, Gao, Tombouctou et certaines moyennes et petites villes ont été libérées et sécurisées;
  • Toutefois, la situation  actuelle de la ville de Kidal demeure indécise;
  • Le Gouvernement a créé la Commission Dialogue et Réconciliation.

ACTIONS ET RECOMMANDATIONS du Panel 2:

1. Que les autorités politiques et militaires prennent les dispositions requises pour le redéploiement des forces armées et de sécurité dans tous les chefs lieux de régions, de cercles et de communes du Nord du Mali, ainsi que dans tous autres sites désignés comme stratégiques;

2. Qu’un service militaire obligatoire d’une durée de 18 mois soit instauré et qu’un corps de réservistes soit constitué afin de doter le Mali d’un vivier de combattants aptes et prompts à appuyer les forces armées et de sécurité dans la lutte contre le terrorisme et l’économie criminelle;

3. Que le COREN, en tant qu’organisation de la société civile des régions de Kidal, Gao Tombouctou et Mopti, crée un Instrument de Conciliation Inter Régional pour le Dialogue Social et la Paix, aux fins d’apporter des solutions consensuelles et durables, construites par Tous, pour l’émergence de la Vérité et l’éradication de l’Impunité.

Bamako, le 28 avril 2013

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