Coalition pour le Mali : Nord-Mali: quelle mobilisation nationale pour quelles solutions de sortie de crise?

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    Introduction:

” Surveiller le Nord comme du lait sur le feu”.

Cette recommandation maintes fois réitérée ces dernières années n’a pas reçu toute l’attention attendue des pouvoirs publics.

Faute d’avoir surveillé le Nord comme du lait sur le feu, le Mali traverse la période la plus sombre de son Histoire depuis l’indépendance : rébellion séparatiste, coup d’Etat, partition et occupation  du pays par des groupes armés maliens et étrangers, effondrement de l’armée et de l’Etat, instabilité politique et leurs cortèges de souffrances indicibles et d’humiliations quotidiennes d’un peuple jusqu’ici considéré comme un des plus fiers d’Afrique.

La question du Nord a cessé d’être la question du Nord, c’est la question du Mali. Elle n’est l’affaire des seuls habitants ou ressortissants des régions du Nord. Elle est l’affaire de tout le Mali et de tous les Maliens.

Tiébilé Dramé

C’est tout le Mali qui doit se lever comme un seul homme pour affronter les atteintes à notre souveraineté nationale, à la dignité nationale de notre peuple, à l’intégrité du territoire national. C’est tout le Mali qui doit se lever pour panser les blessures infligées à notre Histoire, à l’Histoire de notre vieille Nation.

Faire de la question du Nord, la question nationale numéro 1, la question de tout le Mali, mobiliser et fédérer toutes les énergies pour contribuer au recouvrement de notre souveraineté, au rétablissement de l’intégrité du territoire et de la cohésion nationale ébranlée, telles sont les missions que la Coalition pour le Mali s’est assignées.

Il n’est pas normal que l’occupation des deux tiers du territoire national ne soit pas ressentie dans chaque village et dans chaque ville du Mali. La tragédie de l’occupation et de l’oppression qui en résulte doivent être présentes dans tous les actes de la vie nationale. La radio et la télévision publiques doivent ressembler à la radio et à la télévision  d’un pays aux deux tiers occupés.

Les pouvoirs publics, les élus,  les partis politiques, la société civile, les leaders communautaires et d’opinion sont lourdement interpelés! Les deux tiers du Mali ne peuvent souffrir dans l’indifférence du troisième tiers. La triste réalité de l’occupation doit imprégner tous nos actes, toutes nos décisions.

Les pouvoirs publics, les élus, les partis politiques et la société civile ont une responsabilité particulière dans la mobilisation nationale dans les circonstances historiques exceptionnelles que le pays traverse.

Mobiliser le pays tout entier requiert une obligation de vérité et un devoir d’inventaire sur nos responsabilités individuelles et collectives car ce qui nous arrive ne relève pas de la fatalité, mais bien de fautes de gouvernance, de responsabilités non assumées au moment où il fallait les assumer.

Sans remettre en cause  le pacte démocratique noué en mars 1991, sans renier, comme le tentent certains, les vingt années de pratique démocratique et de construction nationale, nous nous devons de nous poser des questions :

Où étions-nous, que faisions-nous, quand sous nos yeux, l’Etat chancelait?

Où étions-nous quand la gangrène de la corruption s’étendait en épargnant pas les secteurs de la Défense et de la Sécurité ?

Quand et comment des militaires libyens sont-ils  entrés au Mali avec armes et munitions?

Par quel(s) pays sont-ils passés avant de pénétrer sur notre territoire?

Nos autorités ont-elles pu ignorer l’introduction au Mali d’armes de guerre?

Comment AQMI s’est installé dans le Timétrine et le Teghar-Ghar ou dans la forêt du Wagadu?   Avec quelle autorisation? Quelles complicités?

Quel processus nous a conduits à être les intermédiaires permanents entre les payeurs de rançon et les ravisseurs d’otages étrangers de tous poils?

Comment sommes devenus le carrefour de la cocaïne en Afrique de l’Ouest?

Pourquoi et comment l’armée s’est effondrée devant les avancées rebelles?

Que s’est-il réellement passé à Aguel-Hoc entre les 20 et 24 janvier?

Comment AQMI s’est retrouvé si près de la garnison d’Aguel-Hoc et depuis quelle date était-il là?

Comment Amachach, Kidal, Gao et Tombouctou sont tombés?

Le Mali qui est aujourd’hui au fond de l’abîme se relèvera surement si nous sommes en mesure de nous pencher sur les causes profondes des crises que nous traversons et si nous veillons afin que notre pays, même affaibli, reste maître de son destin et maîtrise le processus de sortie de crise.

La résolution de la crise, la solution de la crise doivent rester dans nos mains. Ce qui suppose une forte volonté politique nationale d’un Mali dont le drapeau ne sera pas mis en berne, d’un Mali qui ne s’éclipse pas quand on parle de lui,  et dont la voix doit être entendue et écoutée chaque fois que nos voisins et partenaires se pencheront sur notre cas.

1-    De la solution politique : celle de la négociation! Elle doit être explorée jusqu’au bout.

Devons-nous ou pouvons- nous encore parler au MNLA?  Certains pensent que la déroute militaire du MNLA le marginalise  et l’exclut de toute négociation. Il me semble que, dans une perspective de solution démocratique globale et définitive, il doit être possible d’engager le dialogue avec le MNLA. Toutefois, il lui faudrait renoncer solennellement à sa déclaration d’indépendance, dissoudre son  “gouvernement” dit de l’Etat l’Azawad et se remettre sous la bannière du drapeau vert-or-rouge.

De la même manière, il faudrait explorer la possibilité de raisonner Ansar Dine et le MUJAO avant de s’engager dans l’option militaire. Car la solution politique ne doit pas exclure la préparation de l’option militaire.

2-    De la solution militaire : elle ne doit pas être entendue et comprise comme la substitution d’une force internationale aux forces armées nationales.  Une force africaine doit aider à la reconstitution de l’outil de défense et de sécurité du Mali. En cas d’opérations, la force africaine ne doit pas être seule en première ligne. Elle aura un rôle d’accompagnement et de soutien logistique. La responsabilité de libérer le territoire malien devant incomber en premier lieu aux forces maliennes.

3-    De la résistance intérieure : la résistance à l’oppression et à l’occupation est un devoir sacré et un droit imprescriptible pour tout peuple.

Aussi faut-il saluer la résistance de la jeunesse et des populations des régions occupées.

La résistance intérieure revêt une forme populaire (exemple: Nous pas bouger, MPSA, Brigade de Gao, Jeunesse de Goundam et de Tombouctou) et une forme armée (Ganda-Koy, Ganda-Izo, FNL, BBH: Boun Ba Hawi).

La résistance armée doit avoir des liens étroits (formation et équipement) avec les forces armées nationales, elles-mêmes sous  autorité politique civile, pour ne pas verser dans les logiques de milices et de violences intercommunautaires qu’il faut absolument éviter.

Les mouvements de résistance intérieure doivent être soutenus par une mobilisation de toutes les forces vives de la Nation, de toutes les populations au nord comme au sud du pays.

4-    Du soutien aux forces armées nationales : la restauration du moral de l’armée nationale, le rétablissement de la discipline et de la chaîne de commandement sont les conditions indispensables de la  refondation et de la restructuration de l’outil de défense nationale sans lesquelles la reconquête militaire des régions occupées est impossible. L’armée nationale recèle des femmes et des hommes de valeur au patriotisme avéré. Dans un pacte renouvelé avec le peuple, dans le cadre du principe républicain de soumission à l’autorité civile, elle saura être à la hauteur des attentes de la Nation.

5-    De la responsabilité des pouvoirs publics : Nous sommes de l’avis que les routes de Tombouctou, Gao et Kidal passent par Bamako, c’est à dire que la stabilité politique et institutionnelle est une condition sine-qua-none du rétablissement de notre souverainèté sur l’ensemble du territoire national. Aussi est-il nécessaire que, dans un sursaut national et dans le respect de la constitution restaurée, que les forces politiques et sociales s’entendent sur un minimum patriotique pour sortir de l’immobilisme et de l’inertie en vue de récupérer les régions occupées. Les pouvoirs publics se doivent d’avoir une vision réelle pour libérer le Nord. Ils doivent refuser la mise sous tutelle du pays en créant les conditions d’un Mali uni.

6-    De la responsabilité des gouvernements dont les ressortissants sèment l’instabilité et la guerre au nord du Mali :

Les pays frères dont des nationaux sont membres des groupes armés qui occupent notre territoire ont une responsabilité politique et morale particulière dans l’effort de stabilisation du Mali. Il est attendu d’eux un engagement déterminé à neutraliser leurs concitoyens qui écument le Nord de notre pays et sèment la désolation et la mort.

7-    Du rôle de la communication: dans les conditions d’un pays aux deux-tiers occupés,  la bataille de la communication sera décisive. Une information réelle sur la réalité de l’occupation et les souffrances de notre peuple dans les camps de réfugiés permettra de mobiliser le peuple. La radio publique nationale, les radios communautaires et la presse écrite ont un rôle irremplaçable à jouer.

Conclusion:

 En tirant les enseignements des accords de paix précédents, en en faisant une évaluation exhaustive, en dressant le bilan de la décentralisation et de la politique d’intégration nationale, en évaluant les processus participatifs de restauration de la paix (les rencontres inter et intracommunautaires ), nous devons conforter notre capacité nationale  à résoudre les graves crises qui menacent aujourd’hui l’existence même de notre Nation et qui sont sources de menaces pour la paix et la sécurité de notre sous-région.

Les communautés et les populations doivent être impérativement associées à toute recherche et formule de solution.

A la faveur de ces crises, la classe politique (peut-être pas seulement elle, mais surtout elle), doit se remettre en cause. Elle ne peut pas faire comme si rien ne s’était passé, comme si le 21 mars 2012 n’avait pas eu lieu.

Il faut sonner le glas du conformisme et du mimétisme en re- instaurant dans ce pays la culture du débat démocratique et pluriel.

Ainsi, du fond de l’abîme, de ces crises émergera fatalement, j’en suis sûr, un nouveau Mali façonné par toutes ces épreuves, capable de gérer de manière féconde sa pluralité.

Notre vieille Nation, forte de sa cohésion retrouvée, sera de nouveau debout, Inchallah!

Je vous remercie.

Par M. Tiébilé Dramé

Azalaï Hôtel Salam

Bamako, le 26 juillet

 

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