Cheick Sidy Diarra, ancien secrétaire général adjoint des Nations Unies donne son avis sur le projet de Constitution remis par la Commission de finalisation au Président de la Transition le 24 février 2023. Il est venu à la conclusion que « les rédacteurs du présent projet de Constitution veulent nous prescrire un régime où un seul homme ou une seule femme prendrait le destin de la Nation en main….C’est un accaparement similaire des pouvoirs entre les mains d’un seul homme qui nous a conduit là où nous sommes ». Et d’ajouter «…La Nation malienne ne cherche pas ce type de régime pour sortir de la crise. Elle veut un système où les contre-pouvoirs sont établis pour rééquilibrer le fonctionnement des institutions ».
1- Des innovations :
– A la différence de l’avant-projet qui relatait le cadre contextuel de la crise actuelle, le préambule du projet de Constitution a été rendu intemporel et a été centré sur les aspirations profondes du Peuple malien. Au titre des nouvelles aspirations nous avons celle «de promouvoir les idéaux de la refondation portés par le Peuple malien » qui vient s’ajouter aux acquis démocratiques de mars 1991. C’est un compromis intelligent qui peut aider à réconcilier les Maliens ;
– La préservation de l’environnement et des ressources naturelles pour les générations présentes et futures sont d’autres aspirations nobles figurant dans le préambule ;
– Enfin, la promotion des droits des personnes vivant avec un handicap arrive à point nommé ;
– L’article 9 déclare que le mariage est l’union entre un homme et une femme. Il exclut donc toute autre forme d’union ;
– L’article 24 para 2 prescrit que « tous les citoyens âgés de 18 ans au moins peuvent être mobilisés aux côtés des Forces armées et de sécurité pour la défense de la Patrie »;
– L’article 30 para 3 dit que « La capitale de la République du Mali est Bamako. Elle peut être transférée en tout autre lieu du territoire national par une loi. » ;
– L’article 31 érige les langues nationales en langues officielles du pays, et relègue le Français au rang de langue de travail ;
– L’article 35 sanctionne le détournement des ressources de l’Etat par les détenteurs du pouvoir ;
– L’article 40 consacre le rôle de veille citoyenne des organisations de la société civile ;
– L’article 44 confie au Président de la République la responsabilité de définir la politique de la Nation. Cette fonction est du ressort du Gouvernement dans la Constitution actuelle ;
– L’article 46 para 1 prescrit que tout candidat à la Présidence de la République doit renoncer à toute autre nationalité que la nationalité malienne d’origine au moment de déposer sa candidature ;
– L’âge plafond pour être candidat à la Présidence de la République est fixé à 75 ans (article 46 para 3) ;
– L’article 61 prévoit que le Président de la République, une fois par an, fait un discours devant le Parlement réuni en congrès sur « l’état de la Nation » ;
– L’article 69 autorise le Président de la République à dissoudre le Parlement et à le rétablir, si dans les 120 jours suivant la dissolution, il n’y a pas d’élections ;
– L’article 73 para 2 prévoit la possibilité pour le Parlement de destituer le Président de la République pour Haute trahison ;
– L’article 78 rend le Gouvernement responsable exclusivement devant le Président de la République ;
– Le Gouvernement présente devant le Parlement le plan d’action du gouvernement tiré du discours annuel du Président de la République. Le Parlement peut en débattre, mais ne peut le voter ;
– L’article 95 crée le Sénat comme 2e chambre du Parlement. ¾ des membres du Sénat sont élus au suffrage indirect et ¼ est nommé parmi les autorités et légitimités traditionnelles, les Maliens de l’extérieur et parmi les Maliens ayant honoré la Nation ;
– L’article 96 prévoit que les Maliens de l’extérieur seront représentés à l’Assemblée Nationale;
– L’article 106 dit que tout député ou tout sénateur, qui démissionne de son parti politique ou de l’organisation qu’il représente, perd son siège de député ou de sénateur ;
– L’article 129 para 2 consacre comme mode d’administration de la justice que « Les modes alternatifs et traditionnels de règlement des différends sont autorisés dans les conditions déterminées par la loi. » ;
– L’article 131 para 3 prescrit que « Les jugements sont rédigés dans les délais prévus par les lois et règlements en vigueur, sous peine de sanction administrative » ;
– L’article 136 ouvre la possibilité pour le justiciable de saisir le Conseil supérieur de la magistrature ;
– La moitié des membres du Conseil supérieur de la magistrature est choisie parmi des personnalités qui ne sont pas magistrats (article 137) ;
– L’article 153 prévoit que la cour constitutionnelle statue sur l’exception d’inconstitutionnalité au profit des justiciables ;
– Le titre V, chapitre IV, articles 156 et suivants créent la Cour des comptes comme une institution ;
– Le titre VI ajoute la fonction de protection de l’environnement au mandat du Conseil économique, social, environnemental et culturel (CESEC) ;
– L’article 168 prévoit la participation des organisations des femmes et de jeunes au CESEC ;
– Le titre VIII consacre les Autorités et Légitimités traditionnelles ( article 179) ;
– L’article 188 prescrit que « Les faits antérieurs à la promulgation de la présente Constitution couverts par des lois d’amnistie ne peuvent, en aucun cas, faire l’objet de poursuite, d’instruction ou de jugement. »;
– L’article 190 met fin aux activités de la Haute Cour de la justice dès la promulgation du présent texte.
2- Des innovations très peu inspirées par nos traditions :
Des innovations apportées au texte du projet de Constitution, très peu d’entre elles consacrent le retour à nos valeurs ancestrales telles que proclamées dans différents fora.
D’abord, le 3e âge n’est pas traité dans le projet de texte. Or ils sont les dépositaires de ces valeurs.
Ensuite, le recours aux modes traditionnels de règlement des différends (129 para 2), la consécration des Autorités et Légitimités traditionnelles (Titre VIII article 179), leur désignation au sein du Sénat parmi le ¼ des membres nommés (article 97 para 2) sont les seules dispositions consacrées à nos traditions.
Où sont donc passées les aspirations du Mali, « Héritier de grands empires et royaumes bâtis sur des valeurs socioculturelles endogènes devant inspirer les générations présentes et futures » (Préambule).
C’est à la matérialisation de ces valeurs que devaient s’atteler les rédacteurs de ce projet de Constitution. A défaut d’avoir réalisé cela, notre texte perd son authenticité. Il ne répond plus aux aspirations de la « Refondation » que la transition s’est fixées.
Le travail des rédacteurs du projet de Constitution devait tirer son inspiration non seulement des règles universelles de gestion de la société, mais surtout du contenu de la Charte des valeurs ancestrales en cours d’élaboration. Il semble que l’on a mis la charrue avant les bœufs.
3- Un texte hybride qui mélange les genres :
Notre texte devient, dès lors, un texte banal, qui fait un mélange non harmonieux des genres.
J’en veux pour preuve qu’il veut s’inspirer du régime présidentiel américain en optant pour une séparation totale des « pouvoirs ».
Sauf qu’il va beaucoup plus loin en attribuant au Président le droit de dissoudre le Parlement, disposition qui n’existe pas dans la Constitution américaine.
Notre texte va encore plus loin en accaparant tous les pouvoirs au profit du Président de la République :
– Il est le premier magistrat ;
– Il définit la politique de la Nation ;
– Il est le chef des forces armées et de sécurité ;
– Il est le chef de l’administration civile et militaire ;
– Il nomme et démet le Premier Ministre et les Ministres ;
– Il nomme les magistrats, les ambassadeurs, les gouverneurs ;
– Il peut dissoudre le Parlement et le rétablir sans organiser les élections ;
– Il décrète l’état d’urgence et l’état de siège en Conseil des Ministres ;
– Le plan d’action de son gouvernement ne peut être soumis au vote du Parlement. Celui-ci ne peut avoir aucun pouvoir sur le gouvernement;
– Le gouvernement est exclusivement responsable devant le seul Président de la République.
Les autres institutions sont très dépendantes du pouvoir de nomination du Président de la République ou simplement de la spoliation de fait de leurs attributions.
En contrepartie, on prétend que le Président de la République pourrait faire l’objet d’une procédure de destitution pour Haute trahison.
Mais c’est de la poudre aux yeux quand on s’imprègne des conditions de mise en accusation, des majorités requises pour y procéder.
Surtout si on tient compte du fait que le ¼ des membres du Sénat qui ne sont pas élus, mais plutôt nommés par le Président de la République constitue en fait une minorité de blocage de toute procédure devant le Sénat.
Par ailleurs, la commission compétente qui est mise en place pour examiner les faits peut décider toute seule de classer le dossier sans suite, sans en référer à la chambre du Parlement qui l’aura constituée.
Enfin, le Congrès réuni en chambre de jugement est présidée par le Président de la cour suprême, qui, lui-même est nommé par le Président de la République.
Le résultat de cet accaparement, c’est un déséquilibre plus profond entre les institutions, l’institution présidentielle dominant toutes les autres institutions qui finissent par ne faire que de la figuration.
Le Premier Ministre n’a plus le pouvoir de proposer ses ministres. Il est nommé et démis dans les mêmes conditions que ses ministres. Ils sont tous responsables devant le seul Président de la République.
Le Premier Ministre n’exerce plus aucune autorité sur ses Ministres. La solidarité gouvernementale n’existera plus.
Le Premier Ministre n’a plus à sa disposition l’administration ni les forces de sécurité pour faire exécuter les décisions de l’Etat. Il devra obtenir à chaque fois l’autorisation du Président de la République.
Le Parlement ne peut plus voter une déclaration de politique générale du gouvernement. Il peut débattre du plan d’action, sans droit de vote. Le gouvernement n’est pas responsable devant lui.
Cette situation nouvelle fait de la représentation nationale une simple boite d’enregistrement, or il convient de noter que les députés sont élus au suffrage universel au même titre que le Président de la République lui-même.
Les institutions judiciaires et juridictionnelles et la Cour des comptes sont soumises aux fourches caudines du Président de la République, de par ses pouvoirs de nomination et de promotion.
Les rédacteurs du présent projet de Constitution veulent nous prescrire un régime où un seul homme ou une seule femme prendrait le destin de la Nation en main.
Les mêmes causes produisant les mêmes effets comme le dirait l’autre, notre histoire récente nous rappelle que c’est un accaparement similaire des pouvoirs entre les mains d’un seul homme qui nous a conduit là où nous sommes.
On doit en tirer les enseignements pour ne pas tomber dans les mêmes travers, sinon ça se terminera exactement de la même manière, c’est à dire des excès qui vont entrainer la désobéissance civile et le parachèvement. Le cycle sera à l’infini.
Je prends date !
Quels que soient la force, l’intelligence et le sérieux de la personne concernée, elle ne sera qu’un être humain faillible et sujet à des influences positives ou négatives.
La Nation malienne ne cherche pas ce type de régime pour sortir de la crise. Elle veut un système où les contre-pouvoirs sont établis pour rééquilibrer le fonctionnement des institutions.
C’était cela notre revendication pendant le Dialogue National Inclusif et je suppose, pendant les assises nationales de la refondation.
Et cela le reste encore aujourd’hui.
A la place de l’homme ou de la femme providentielle, trouvons le juste milieu en nous donnant des institutions inspirées de nos traditions, qui établissent un équilibre entre tous les enfants de la nation, entre les collectivités et les territoires, entre les jeunes et les personnes âgées, entre hommes et femmes, entre Maliens de l’intérieur et ceux de la diaspora, entre les conscrits et corps habillés. L’inclusion doit prioritairement concerner les personnes vivant avec un handicap, les personnes du 3e âge. Tout cela devra s’accompagner d’une gouvernance vertueuse et inclusive de la gestion de la chose publique.
Enfin, l’article 188 sur l’amnistie viole la Constitution de 1992 et viole ce projet de Constitution. Il ne peut donc prospérer.
Cheick Sidi Diarra
(Ancien Secrétaire général Adjoint des Nations Unies)
NB : Le titre et le chapeau sont de la rédaction
Monsieur DIARRA, à cause de Dieu laissez les maliens en paix. Logiquement, tu ne dois même pas s’immiscer dans cette question du Mali.
Tu te glorifies à chaque sortie ancien Secrétaire général adjoint des Nations Unies, on s’en fout de ce titre car tu n’as rien fait pour le Mali. Si c’était un sénégalais qui avait eu ce poste, il allait tout faire pour aider ces compatriotes sénégalais et créer des projets pour son pays. Mais, je n’ai rien appris de tes appuis envers le Mali ni envers les maliens en terme de promotion.
Donc, on n’a plus besoin des gens comme toi qui ont fait le plaisir de n’aider personne sauf le moi seul. Après on vient nous tympaniser avec vos diatribes indignes, vos actes non patriotiques.
A cause de Dieu, laissez nous en paix et garde ton ancien titre avec toi.
Un ivoirien ou wolof à ce poste allait promouvoir des cadres de leurs pays et tirer des projets onusiens vers son pays mais toi et certains maliens dans d’autres institutions sont méchants, cyniques et hypocrites.
Laissez nous en paix, cette constitution est la bonne, la meilleure.
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