Ce que peut changer le G5 sahel

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Les chefs d'Etat lors du sommet G5 Sahel

Selon l’adage, l’union fait la force, seul on est plus vulnérable qu’à plusieurs. Après trois années, de colloques et réunions, l’initiative du Groupe des 5 (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad) de mettre en place une force conjointe, est sur le point de prendre vie avec pour objectifs de lutter contre le terrorisme, et de promouvoir le développement dans la zone sahélienne.

Ce n’est pas la première initiative de la sorte, il y a un an, se tenait à Bamako, la réunion du Comité d’Etat-major opérationnel conjoint. La structure créée en avril 2010 et basée à Tamanrasset comprend le Mali, le Niger, l’Algérie et la Mauritanie. Elle ambitionnait de mettre en place une force de plusieurs milliers d’homme, certaines sources évoquant jusqu’à 75000 en fin 2012, dans le but de lutter contre la criminalité transfrontalière et le terrorisme.

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Carte des pays membres du CEMOC

L’initiative algérienne visait aussi à soutenir, les 3 pays qui ont des capacités militaires bien inférieures aux siennes, pour lutter efficacement contre le terrorisme. Elle comptait contrer l’influence grandissante de la France et des Etats-Unis dans la zone, dans la zone sahélienne.

En 2013, les Américains évoquaient la nécessité de mettre en place une force capable de combattre les groupes terroristes et tou

tes les formes de criminalité au sahel, qui serait dirigée par l’Algérie. A ce moment-là on pensait réactiver le CEMOC et à y associer le Tchad. Face aux réticences d’Alger et à l’urgence de la situation, les 5 pays ont pris la décision de créer le G5 sahel, bénéficiant de l’appui de l’Union africaine (En vertu de l”architecture paix et sécurité); de la France et des Nations-Unies.

Pays membres du G5 Sahel

Dans les années 2000 le Mali était clairement indexé comme étant le maillon faible de la zone, ses alliés l’accusaient notamment de faire preuve de complaisance et d’une certaine naïveté à l’égard d’Aqmi. Le Mali pour sa part arguait, que sans une coopération franche aucun de ces Etats ne pouvaient lutter seul contre ces fléaux. Il y avait un peu de vérité dans chacune des positions.

Depuis, le basculement du Mali en 2011, le pays peine à se remettre sur pieds, et les groupes armés terroristes, se multiplient, pour mieux s’associer. Les forces onusiennes présentes au Mali,  et la force Barkhane, on du mal à faire et la réponse politique à la crise tarde à venir des autorités maliennes, notamment à travers la mise en oeuvre diligente des dispositions de l’Accord pour la paix d’Alger. Les attaques terroristes se multiplient, des groupes radicaux contrôlent des pans entiers du territoire malien, et n’hésitent pas à mener des opérations dans les pays voisins.

Dans la région de Mopti plusieurs groupes radicaux et criminels, prospèrent des deux côtés du fleuve, et y font régner la loi, le Burkina Faso et le Niger ont été attaqués à partir de la Région. Ces groupes mobiles traversent, les frontières poreuses sans difficultés pour commettre leurs attaques. La Mauritanie est pour le moment épargnée.

L’organisation entend lier les questions de développement et de sécurité, afin de lutter efficacement contre le terrorisme et la criminalité transfrontalière, un programme global estimé à 14 milliards de dollars a été esquissé. Actuellement on chiffre à 400 millions de dollars le cout de déploiement de 5250 hommes, dont 100 millions seraient déjà acquis.

Sur le plan politique, les 5 pays concernés sont membres du club des pays les plus pauvres de la planète, caractérisés par la mauvaise gouvernance, une situation humanitaire précaire et un fort chômage des jeunes.

Sur le plan militaire, l’armée tchadienne a su démontrer un certain savoir-faire sur le terrain, elle est sans doute supérieure celle de ses partenaires, mais elle souffre de la mauvaise gouvernance, et des mouvements d’humeur assez fréquents au sein des bataillons. Les forces armées des pays qui composent le G5 Sahel, font face aux mêmes difficultés liées au manque de moyen et de formation du personnel. Le Mali et le Niger sont les pays qui doivent fournir le plus de soldats à la force, car ayant plus de frontières à couvrir.

3 zones de patrouilles ont été définies:

  • La frontière Mauritanie/Mali, longue de 2200 km sera surveillée par deux bataillons, qui auront un droit de poursuite, jusqu’à 50 km à l’intérieur du territoire voisin. Ce n’est pas nouveau en 2010, la Mauritanie avait déjà mené des incursions en territoire malien et même procédé à des bombardements contre des cibles terroristes d’après Nouakchott. Au Mali on a plutôt parlé de victimes civiles notamment deux femmes (selon les dires du Maire de Ber d’alors, Sidi Ibrahim Ould Sidatt aujourd’hui Chef de la Coordination des mouvements de l’Azawad).

La Mauritanie a été confonté au mouvement Aqmi durant de longues années et reste en alerte. Depuis 2011 et un attentat à la voiture piégée manqué, le pays a poursuivi la politique offensive sur le plan militaire mais aussi social. L’armée s’est renforcée sur le plan social, le pays a investi dans les zones réputées être des repères pour terroristes, a mis à contribution ses imams pour déconstruire le discours radical, notamment dans les medersas. Il y a la nécessité de rester vigilant, notamment dans des zones comme la forêt du Ouagadou, où il y a une forte présence de groupes armés terroristes.

  • La frontière Mali/Burkina Faso/ Niger, bassin Liptako-Gourma, chaque pays fournira également un bataillon. En début d’années, la force barkhane avait déjà mené des opérations conjointes avec ces 3 armées pour traquer, les hommes d’Ansarul Islam de Malaam Dicko.

Dans cette région du Liptako-Gourma, il y a plusieurs conflits, notamment entre sédentaires et nomades depuis plusieurs décennies, liés au partage des ressources naturelles. Les groupes armées terroristes attisent ces querelles et réveillent les vieilles rancœurs, pour provoquer des troubles et déstabiliser la région. Face au recul de l’administration, ils se sont installés dans les zones environnantes et mènent des attaques contre les communautés situées de l’autre côté de la frontière (Burkina Faso, Niger).

  • La frontière Tchad-Niger sera surveillée, par 2 bataillons également, à noter qu’en mai 2017, les 2 pays et le Mali avaient convenu d’une convention judiciaire pour la mise en place de commissions rogatoires internationales, l’échange entre les États des actes judiciaires, la comparution des témoins, experts et personnes poursuivies et une politique de coopération en cas d’extradition.

La zone de patrouille s’étendra de la frontière libyenne, à la frontière nigériane, dans le sud, vers Bosso, ville qui a été à plusieurs reprises secouées par les attaques du groupe terroriste Boko Haram. Le Nord avec la frontière libyenne est un couloir très fréquentés par les groupes terroristes et criminels, qui font le voyage dans tout le sahel.

  • Les frontières nord (Algérie, Libye) ne sont pour le moment pas concernées.

Les pays du G5 sahel, ont le souhait d’agir sur trois axes, la sécurité, la gouvernance et le développement. La force sans projet politique, n’atteindra pas ses objectifs, et si un schéma précis de développement n’est pas mis en place, on risque d’échouer à contenir et à faire reculer la menace.

Sur ce plan des questions subsistent : quel modèle de développement pour la zone? Comment prendre en charge les populations nomades et sédentaires? Quelle politique de lutte contre la désertification? C’est sans doute là que réside la faiblesse du projet du G5 Sahel.

Les chefs d’Etat de la région, ont le plus souvent une vision sécuritaire de la question, or le problème est d’abord politique, ce qui les renvoie à leurs politiques de développement qui ont produit des résultats mitigés, du fait de la mauvaise gouvernance, de la corruption ou du manque de volonté tout simplement.

Toutes les politiques de développement initiées au Nord du Mali depuis 1990 ont eu des résultats mitigés, les sommes annoncées n’ont pas permis d’apporter les services sociaux de base aux populations. L’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali après 2 ans, en est encore à régler les détails sécuritaires (Patrouilles mixtes, Cantonnement, DDR) et les détails politiques. La partie concernant le développement a été mise entre parenthèses, les populations ne voyant pas les dividendes de l’accord, seront plus réceptives aux messages des groupes armés radicaux ou des groupes criminels.

Le G5 sahel, n’est donc pas la panacée, c’est un instrument supplémentaire dont le Mali pourra bénéficier pour tenter d’asseoir sa souveraineté sur une partie de son territoire dont le contrôle lui échappe. Pour réussir sa mission, le G5 sahel, aura besoin de l’appui de la force Barkhane sur plusieurs plans, ainsi que de la force de la Minusma. Le G5 aussi devra être un complément, une force sur laquelle la Minusma et Barkhane déjà débordées pourront se reposer.

Il faut insister sur l’aspect développement et le soutien à apporter aux populations pour les couper des groupes armés terroristes, et c’est là où réside la faiblesse de l’initiative, la crainte est que les sommes colossales annoncées ne soient pas utilisées correctement, comme trop souvent.

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