Ce que je pense : De la modernisation de l’administration

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La modernisation de l’administration publique a comme champ de compétence: la superstructure gouvernementale, les services centraux de l’Etat, les services rattachés, les services déconcentrés, les collectivités décentralisées, les Etablissements publics à caractère administratif (EPA). Les Etablissements publics à caractère industriel et commercial ( EPIC) pourraient en être également en raison du fait que leur vocation industrielle et commerciale est souvent doublée d’une mission de service public. Et comme le prescrit la loi 98-012, la modernisation concerne également les Cours et tribunaux, les services des Forces armées et de sécurité, les services des institutions constitutionnelles.

C’est dire donc que le sujet du présent article couvre toutes les structures de l’Etat ayant une mission de service public.

La mission de service public se caractérise par son impartialité, sa neutralité, son sens de l’équité, son accessibilité tant en qualité que en quantité et par son “affordabilité”, c’est à dire son accessibilité en termes de coûts.

La modernisation de l’Administration publique doit viser à réaliser plus d’efficacité, d’efficience, de productivité, de célérité, de transparence. Elle doit également consacrer l’obligation de rendre des comptes de la part des responsables en charge, d’abord vis à vis de leurs administrés, ensuite vis à vis des mécanismes légaux de suivi et de contrôle de leur travail .

A mon avis, la modernisation de l’Administration publique devrait se faire dans trois(3) directions selon les modalités ci-après:

I- les éléments matériels de la modernisation.

Il s’agit là de l’utilisation optimale des outils technologiques et les techniques déjà existants pour les adapter au contexte de l’Administration malienne pour plus de rationalisation , de productivité et de transparence. Là il ne s’agit pas de réinventer la roue. Le Mali devra faire le tour des administrations publiques de pays tiers les plus en avance dans ce domaine pour répliquer et améliorer leur exemple. Cet aspect de la modernisation est en perpétuelle évolution. En conséquence, une fois la mise à niveau assurée, on devra veiller à ne plus subir de retard. On devra rester à l’avant garde.

Ci-dessous quelques éléments matériels de modernisation de l’Administration publique:

a-  Rendre obligatoire l’utilisation de l’outil informatique dans le traitement des dossiers confiés aux agents publics. Le système des serveurs locaux sera vulgarisé pour servir à l’archivage de la documentation et à la centralisation de l’information avec différents degrés d’autorisation d’accès.

b- Assurer la construction et la mise en service diligente d’une infrastructure Intranet gouvernementale et une autre pour l’Administration publique en général. Cette infrastructure fournirait l’accès aux documents de base par secteur concernant le droit positif mis à jour.  Elle permettrait des échanges en temps réel entre tous les agents au sein d’une structure, mais également entre les différentes structures du gouvernement et entre les administrations. Elle prévoirait une plateforme pour des échanges simultanés entre plusieurs structures et des séances de téléconférences et de vidéoconférences. Elle doit permettre de suivre en temps réel niveau d’exécution des décisions et des instructions au niveau d’un service donné.

Chaque cabinet de ministère et chaque siège des administrations centrales disposera d’un ou de plusieurs terminaux reliés à l’infrastructure citée. Le niveau d’autorisation d’accès est géré par les administrateurs en fonction du niveau de responsabilité de l’agent.

L’infrastructure proposée doit créer une plateforme permettant d’assurer, à terme, la tenue de Conseils de Ministres “sans papier”.

c-  Vulgariser le système de mémorisation sur la  carte à puce ou sur le “Cloud” pour éviter le transport physique des documents. Ainsi les documents seront accessibles quel que soit le lieu.

d – En plus du système intranet, il faut généraliser l’accès à internet pour les recherches en ligne. Il est également important de créer des interfaces permettant aux usagers de l’administration d’accomplir les formalités en ligne sans avoir besoin de se présenter physiquement à un guichet.

e- Limiter l’impression des documents seulement à la version finale, si besoin en était, faisant ainsi l’économie de l’utilisation du papier.

f- Favoriser le télétravail pour donner plus de flexibilité aux agents.

Ce sont là quelques exemples. La liste n’est pas exhaustive.

La réalisation de ce premier volet de la modernisation de l’Administration requiert des compétences que seule la jeune génération possède, d’où l’importance de rajeunir les effectifs de l’Administration responsables de l’internalisation des outils technologiques.

 

II- les éléments procéduraux de la modernisation.

Il s’agit là des pratiques à instituer afin de rendre l’usager du service public confortable en présence de l’administration. Il s’agit de faire en sorte que l’administration ne soit plus un épouvantail pour l’usager du service public. Présentement l’usager du service public a tendance à éviter l’administration en raison de la mystification et des tracasseries que les personnes en charge lui font subir.

En cela nous serons aidés par la loi très avant gardiste n°98-012 AN RM du 19 janvier 1998 sur les Relations entre l’Administration et les usagers de Services publics.

Cette loi dont “les dispositions […] s’appliquent aux Cours et tribunaux, aux services des Forces armées et de sécurité, aux services des institutions constitutionnelles…”  garantit l’accès des usagers aux services publics sur une base égale et sans aucune discrimination. Toute atteinte à ce droit est passible de peines ou, à défaut, de sanctions disciplinaires.

– L’usager doit être informé des motifs des décisions négatives l’affectant.

– L’accès aux documents administratifs à caractère non nominatif est libre pour les usagers du service public. Toutefois, ce droit ne s’applique pas aux documents sensibles  dont la liste est limitativement énumérée dans la loi.

– L’accès aux documents à caractère nominatif est permis, sauf si le document comporte des secrets personnels ou professionnels.

– L’article 20 prescrit que chaque administration crée un mécanisme d’accueil et d’information à l’intention des usagers de service public.

– La loi fixe un délai maximum de 30 jours à l’administration  pour répondre aux demandes de l’usager du service public, à moins que des délais plus courts ne soient prévus par des textes particuliers.

– L’article 22 définit des voies de recours à la disposition de l’usager du service public.

Les dispositions de la loi sont renforcées par des pratiques comme la création de guichets prioritaires pour les personnes du 3e âge, les femmes enceintes et les personnes affectées par un handicap.

Il faut éduquer les usagers sur ces droits et prendre des dispositions pour les faire respecter par différentes administrations. Les administrations doivent être évaluées sur la base de respect de cette loi.

– La création de guichets uniques éloignant l’usager de la multitude de prédateurs est une nécessité.

– La création d’interfaces permettant à l’usager d’accomplir ses formalités administratives en ligne accélérerait la procédure.

–  L’usager doit pouvoir participer à l’évaluation de l’agent public qui traite son dossier. L’agent concerné devra porter un signe d’identification lisible à distance. Des formulaires d’évaluation doivent être disponibles sur le lieu de la prestation ainsi qu’une urne dans laquelle la fiche d’évaluation remplie serait glissée. Le contenu de l’urne ne serait accessible qu’aux responsables hiérarchiques.

Cela étant dit, l’usager du service public n’a pas que des droits. Il a aussi des devoirs dont celui de s’acquitter des impôts et taxes.

– L’usager doit être sensibilisé sur ses devoirs.

– L’administration doit simplifier la catégorisation fiscale de l’administré ainsi que les procédures de règlement des impôts et taxes, de préférence par la mise en ligne des procédures.

– Des terminaux portatifs connectés aux réseaux faciliteraient le recouvrement  des taxes par les agents publics.

III- le contenu ou la substance de la modernisation.

Ce point concerne les changements de fond dont l’Administration publique a besoin pour sa mise à niveau. Ce volet est également très évolutif et ne peut énuméré de manière exhaustive. Nous en identifierons quelques éléments:

a- Il faut procéder à un travail continu d’évaluation des procédures administratives dans chaque secteur et identifier les phases non essentielles de la procédure afin de les éliminer et réduire le nombre d’intervenants et les délais des formalités.

b- Il faut encourager la pratique des “Compacts” qui sont des contrats annuels entre les chefs de services et les supérieurs et avec la Direction (Management) fixant l’objectif stratégique et les objectifs spécifiques, les moyens nécessaires pour les atteindre, les résultats attendus et le mécanisme de suivi et d’évaluation. Ces compacts sont arrêtés en collaboration avec  la structure chargée de les mettre en œuvre.

c- Il faudrait généraliser l’utilisation des “delivery units” qui sont de petites structures de contrôle et suivi de 4 ou 5 personnes rattachés au cabinet du Ministre ou à la direction de l’établissement public et dont la vocation est de suivre en temps réel l’évolution  des dossiers et le niveau d’exécution des projets.

d- encourager l’utilisation de la pratique des “Mémorandum” et des “Talking Points” au sein des administrations.

e-  Il faut mettre en place un système formation continue et de mise à niveau des agents publics sur les nouvelles pratiques de modernisation de l’Administration.

f- Il faut également soutenir les recherches dans le domaine du droit administratif et de pratiques administratives.

g- Il faut constamment être à la quête de logiciels nouveaux pouvant améliorer la productivité de l’Administration.

h- Il faut mettre en place un incubateur de projets de logiciels ayant trait à l’administration.

i- Il faut créer un système de distinction et de récompense pour les meilleurs agents, les meilleurs cadres et les meilleurs managers sur une périodicité mensuelle et annuelle.

Les efforts en matière de modernisation de l’Administration doivent être guidés par le seul souci d’assurer la prise en charge des besoins des administrés de manière égale, sans discrimination, efficace dans les délais les plus courts possibles tout en assurant la qualité et l’accessibilité.

Ces besoins sont en évolution constante, d’où la nécessité d’une adaptation continue des prestations y afférentes.

Votre avis est important.

Ma prochaine contribution sera consacrée aux moyens que le Mali pourrait mobiliser pour financer ses grands travaux d’infrastructure et son développement socioéconomique en général.

A bon entendeur salut!

Cheick Sidi Diarra

kelendji2@gmail.com

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2 COMMENTAIRES

  1. La proposition est très bonne mais vous n’êtes pas au courant de l’existence de l’Agence des Technologies de l’Information et de la Communication (AGETIC) qui a en charge l’intranet de l’administration.
    Actuellement au Mali, beaucoup de structures sont interconnectés et beaucoup de processus sont dématérialises et s’effectuent directement en ligne et cela dans au niveau de Bamako et de toutes les capitales régionales.
    Il reste encore à faire, mais l’AGETIC est à pied d’œuvre. Le conseil des ministres sans papier est une réalité au mali et ce système a mis en place par l’AGETIC.

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