Le 24 novembre 2008, la presse malienne rapporta que la Cour suprême du Mali enquêtait sur les finances du Bureau du Vérificateur Général (BVG), la seule institution indépendante de lutte contre la corruption. Les journaux citaient de graves irrégularités financières au sein du BVG.
Le directeur de comptabilité de la Cour suprême, Ouena Baba Niaré, avait déclaré au journal l’Aube que l’enquête faisait partie des tâches régulières de la Cour, conformément aux lois sur la comptabilité publique du Mali. L’investigation des budgets du BVG par la Cour suprême couvrait trois ans. Le budget annuel du BVG était de 3 milliards de F CFA. Le Vérificateur Général, Sidi Sosso Diarra avait d’abord refusé de participer à l’audit financier, et menaça de démissionner. Mais il céda plus tard. Selon Adam Thiam, un ancien employé du BVG, la Cour suprême commença à auditer le BVG en décembre 2007 dans le cadre d’une procédure de révision obligatoire prévue pour chaque trois ans. Il confirma que l’audit avait eu lieu et n’avait révélé que des violations mineures. Depuis sa nomination en 2004 en tant que seul enquêteur indépendant contre la corruption, Diarra interpréta son mandat pour inclure les secteurs publics et privés du pays. Cela a suscité de la consternation, en particulier parmi les opérateurs économiques du secteur privé qui, évidemment, auraient préféré garder leurs finances secrètes.
Le premier rapport du BVG fut publié en juin 2007 et a couvert une période de quatre ans (2002 à 2006). Ce rapport documenta des cas de fraude et de mauvaise gestion totalisant 103 milliards de F CFA. Le rapport de Diarra a attribué plus de 70% de ce montant à l’évasion fiscale perpétrée par les entreprises d’importation de carburant et aux pratiques frauduleuses des douaniers responsables de la surveillance des importations de carburant. Les autres irrégularités concernaient l’Office du Niger, les ministères de la Santé, de l’Education et des Mines. Le rapport publié en juillet 2008 identifia environ 22 milliards de F CFA en perte de revenus en raison de la fraude et de la mauvaise gestion, principalement dans la douane. Malheureusement, les enquêtes du BVG n’ont produit aucune poursuite judiciaire.
Malgré ses désaccords avec Diarra, Thiam respecte et supporte son ancien patron. Il souligna à maintes reprises que les irrégularités révélées par l’enquête de la Cour suprême étaient le produit d’erreurs involontaires de la part de Diarra, et non des tentatives délibérées de détournement de ressources publiques pour un gain personnel. Les irrégularités étalées par la Cour suprême sont négligeables par rapport aux cas flagrants de corruption découverts par Diarra et son personnel depuis la création du BVG en 2004. Néanmoins, il n’y a aucune preuve indiquant que l’audit de la Cour suprême faisait partie d’un effort concerté, ou d’une vendetta, pour saper Diarra, le VG. Un fonctionnaire canadien doutait de l’impartialité des conclusions de la Cour suprême et nota que cette juridiction était connue pour son opposition à l’existence du BVG. Le Canada était le premier donateur international du BVG avec plus de 2 milliards de F CFA de don.
Le BVG est une institution parmi tant d’autres institutions anti-corruption créées par le gouvernement. Il n’a manifestement pas répondu aux attentes. Cet échec, cependant, n’est pas imputable au BVG mais à la justice malienne et au manque de volonté politique nécessaires. L’état général de la corruption est alarmant. Bien que plusieurs institutions anti-corruption fussent créées, les résultats sont mitigés. Ces institutions n’ont jamais eu assez de pouvoir pour être effectives. Tant que la corruption profite à certains au plus haut niveau de l’Etat, la volonté politique manquera. Et sans la volonté politique, le combat n’est qu’une mascarade.
Amadou O. Wane
Collaborateur externe,
Floride, Etats-Unis
amadou@amadouwane.com