La corruption au Mali est un fléau qui détruit tout espoir de progrès économique. Chaque nouveau gouvernement promet une lutte à sa manière avec des résultats mitigés. Des rapports anti-corruption sont publiés années après années sans pourtant aboutir à des poursuites judiciaires.
Le président Amadou Toumani Touré (ATT) a créé la Cellule d’Appui aux Structures de Contrôle de l’Administration (CASCA) en 2003 pour enquêter sur les cas de corruption au sein du gouvernement, suite à un rapport accablant de la Banque mondiale en 2001. Dans le rapport, la Banque notait que la soi-disant « lutte contre la corruption » n’avait encore produit aucun résultat concret.
Bien que la CASCA, qui relève du président, commença à publier ses rapports en 2003, ses conclusions n’ont abouti à aucune condamnation. Ce fait n’a cependant pas dissuadé le président de continuer la mission de la Cellule.
Le rapport de 2005 révèle des irrégularités fiscales dans 159 ministères et agences qui ont reçu des fonds du gouvernement. Le rapport citait 34 illégalités à la Chambre de Commerce et d’Industrie du Mali (CCIM), dont 1.12 milliard FCFA de paiements à des bénéficiaires non identifiés et plusieurs millions de FCFA de paiements, sans factures ou reçus, à des entreprises et individus inconnus. Le ministère de l’agriculture paya 1.7 milliard FCFA pour des pesticides destinés pour la lutte contre le criquet pèlerin, mais n’a reçu qu’une seule commande d’une valeur de 900 millions FCFA. Tous ces cas ont été déférés devant la justice, mais restèrent sans suite.
La section du rapport la plus controversée concerne la gestion du Sommet France-Afrique de 2005 qui s’est tenu à Bamako. Tiébilé Dramé, ancien ministre des Affaires étrangères et candidat à l’élection présidentielle, était le président du Comité d’organisation. Après le Sommet, le Gouvernement du Mali, la France et d’autres partenaires internationaux ont salué ses efforts. Grâce à lui, le Sommet fut un succès retentissant. Mais neuf mois plus tard, Dramé fit face à des allégations de détournement de fonds publics. Dramé et ses partisans firent alors valoir quelques points en guise de réponse. Selon eux, les allégations ont été concoctées par ATT pour affaiblir un rival potentiel à l’élection présidentielle. Dramé produisit deux rapports concurrents à ceux du Gouvernement évaluant sa gestion du Sommet. Le premier rapport salua ses efforts. Dans le deuxième rapport, les références à sa bonne gestion furent remplacées par des accusations de fraude et d’actes répréhensibles.
Pour défendre Dramé, le PARENA publia une réfutation point par point très convaincant, montrant que d’autres entités du Gouvernement étaient responsables des dépenses et factures citées par la CASCA.
La CASCA en tant que cellule au sein de la Présidence souleva de sérieuses questions sur son indépendance. Parmi les 159 cas inclus dans le rapport 2005-2006, aucun d’eux ne concerne la présidence. Les rapports précédents n’ont abouti à aucune convocation. La Cellule fut soupçonnée d’être un outil de règlements de comptes politiques plutôt qu’une structure de lutte contre la corruption.
Selon Terence McCulley, ambassadeur des Etats-Unis au Mali entre 2005 et 2008, les accusations contre Tiébilé Dramé auraient peut-être pu être crédibles si elles venaient du Bureau du Vérificateur General. Mais elles furent perçues comme un moyen d’entraver la campagne présidentielle d’un rival, et une vengeance pour son refus de supporter la campagne du président.
La corruption a atteint un niveau alarmant au Mali, aucun secteur du gouvernement n’échappe à son emprise. La sécurité du pays est mise en danger lorsque les ressources pour la défense nationale sont régulièrement détournées en toute impunité. Une justice indépendante et saine est la première étape dans la lutte contre la corruption et la tâche n’est pas négligeable.
Amadou O. Wane
Collaborateur externe,
Floride, Etats-Unis
amadou@amadouwane.com