Pendant des décennies, la France fut le leader traditionnel parmi ses anciennes colonies et d’autres pays francophones d’Afrique. Mais, ce leadership se confronte à plusieurs défis. Selon un document confidentiel de l’Ambassade américaine à Paris, les États-Unis prévoit une baisse progressive de l’influence française en Afrique. Cette analyse est basée sur plusieurs facteurs : une nouvelle génération d’africains émerge, les africains commencent à regarder au-delà de la France pour répondre à leurs besoins et la capacité de la France de consacrer des ressources à l’Afrique se heurte à d’autres priorités de l’hexagone.
Après une longue présence coloniale, qui a officiellement pris fin il y a à peine deux générations, la France reste engagée en Afrique francophone, où elle tente de maintenir son influence politique, économique et culturelle. En 2005, elle avait cinq bases militaires permanentes au Tchad, en Côte d’Ivoire, au Djibouti, au Gabon et au Sénégal. En outre, d’autres unités servent avec les forces multinationales dans plusieurs pays africains. Environ 11 000 troupes françaises sont stationnées en permanence ou en déploiement temporaire en Afrique, soit 63% de toutes les forces françaises situées hors de la France métropolitaine.
Sur le plan politique, la France organise des Sommets biannuels, en alternance entre la France et l’Afrique, auxquels beaucoup de dirigeants africains assistent.
Culturellement, la France dirige l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), un groupe qui comprend les pays de l’Afrique francophone et sert à renforcer l’influence de la France. Les pays africains francophones participent à cette organisation plus pour des raisons pragmatiques que sentimentales. La “Francophonie” reste un concept important dans certains pays africains, mais son rôle en Afrique semble être en déclin comme le cas de l’ancienne Indochine française.
Du point de vue africain, certains éléments du modèle français restent importants et difficiles à changer. Le système éducatif, les structures gouvernementales et bureaucratiques, et les moyens de conduire les affaires sont encore ancrés chez beaucoup d’anciennes colonies. La langue française reste une force unificatrice et neutre dans certains pays où plusieurs langues locales cherchent à être la langue dominante. Puis, savoir lire et écrire dans une langue occidentale est encore considérée comme essentielle. L’Afrique continue de jouir d’un statut unique au sein de la politique étrangère française.
Bien que les dispositions décrites ci-dessus restent en place et continuent à fonctionner, il n’est pas clair si elles vont permettre à la France d’influencer l’Afrique francophone comme elle l’a si bien fait au cours de la période postcoloniale.
D’autres forces générationnelles, démographiques et politiques font qu’il devient de plus en plus difficile pour la France de maintenir son influence presque hégémonique en Afrique francophone.
Comme ses prédécesseurs, le président Jacques Chirac cultiva des relations étroites avec les dirigeants africains pendant des décennies. Il considérait beaucoup d’entre eux, tels que Bongo du Gabon, Deby du Tchad et Sassou du Congo, comme des amis intimes. Ces relations et amitiés ont été un élément important de la politique africaine de la France pendant des années. Cependant, Chirac fut peut-être le dernier d’une lignée de dirigeants français capables de maintenir de tels liens.
Le changement générationnel et démographique en cours en Afrique est en train d’affaiblir les liens entre l’Afrique et la France. Fini le temps où un bon nombre de première génération de dirigeants francophones étaient membres des établissements français, comme Senghor et Houphouët-Boigny. Les dirigeants africains francophones d’aujourd’hui semblent moins enclins à se plier si facilement aux volontés du gouvernement français. Ceci est le résultat d’un déclin général du profil international de la France et aussi du fait que les Africains sont de plus en plus exposés à d’autres sociétés, comme les États-Unis. Certains dirigeants africains, tels que Laurent Gbagbo de la Cote d’Ivoire, Abdoulaye Wade du Sénégal et Ismail Guelleh de Djibouti, n’étaient pas si accommodants comme leurs prédécesseurs.
Alors que les Africains, en dehors de la domination française, assument plus de leadership dans les affaires du continent, le déclin de l’influence française est susceptible de s’accélérer. A suivre…
Amadou O. Wane
Collaborateur externe,
Floride, Etats-Unis
amadou@amadouwane.com