Cablegates ou les murmures de l’oncle Sam de Amadou Wane : Analyse de la stratégie chinoise en Afrique par François Géré, président de l’Institut Français d’Analyses Stratégiques (IFAS)

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François Géré est le président de l’Institut Français d’Analyses Stratégiques (IFAS), basé à Paris et expert en politique étrangère, ayant une expertise particulière sur les questions de sécurité transatlantique. Il enseigne également les relations internationales aux officiers supérieurs français. Il assiste régulièrement à des conférences en Chine sur l’invitation des organisateurs pour offrir les points de vue français et européens sur une gamme de sujets. En 2010, il offrit cette analyse sur les activités chinoises en Afrique à des diplomates américains.

Géré se rend en Chine généralement pour participer à des conférences formelles où il donne une présentation sur un sujet donné. Avec le temps, ses entretiens en Chine devinrent familiers. Une fois qu’une conférence se termine, ses interlocuteurs lui invitaient à une discussion confidentielle. Géré est convaincu que ces sessions étaient menées par des membres des services de renseignements chinois. Les discussions pouvaient se poursuivre jusqu’aux premières heures du matin. Elles consistaient presque entièrement de questions sur un sujet précis. Les entretiens se faisaient toujours en anglais, avec un interprète traduisant pour ceux qui ne parlaient pas la langue de Shakespeare. En Chine, la machine étatique ne s’arrête jamais. Géré remarqua que bien que ses interlocuteurs chinois étaient agréables, leurs comportements étaient toujours formels. Selon lui, les chinois entretiennent très peu de rapport personnel avec les autres. Ils ne semblent pas comprendre qu’établir une amitié permet à l’autre de s’ouvrir à eux. C’est un élément de leur détermination mais aussi un de leurs points faibles.

Le premier conseil de Géré fut que la Chine doit se comporter en tant que bon citoyen du monde. Il nota la poursuite agressive des ressources par la Chine. Les offres d’aides chinoises exigent l’utilisation exclusive des matériaux, de la main-d’œuvre et de la technologie chinoises. Sous le couvert de la « non-ingérence », la Chine reste indifférente vis-à-vis des préoccupations politiques et des droits de l’Homme du pays d’accueil. Elle est prête à être très généreuse avec l’élite africaine pour assurer la réalisation de ses objectifs, même si très peu de cette richesse bénéficie à la population. Géré nota qu’il y avait déjà des réactions négatives de la part des africains en réponse à la présence croissante de la Chine. Il prédisait que la situation pourrait s’empirer si la Chine ne changeait pas sa stratégie, une stratégie qui manque de la composante sociale consciencieuse. Il y a quelques mois, des abattoirs illégaux d’ânes ont été découvertes au Mali, la viande et les peaux destinées pour la clientèle chinoise. Malheureusement, l’exportation des ânes ne se limite pas qu’au Mali. Selon un reportage de CNN, le Niger a interdit l’exportation des ânes vers la Chine quand les prix sont devenus exorbitants. Les autorités ont rapporté qu’environ 80 000 animaux avaient été vendus en 2016, contre 27 000 en 2015. Elles ont averti qu’à ce rythme la population d’ânes serait « décimée ». Le Burkina Faso prit les mêmes mesures après que 45 000 ânes fut abattus en six mois sur une population totale de 1,4 million. Ces pratiques irritent les populations locales.

Les chinois ne semblent pas se rendre compte qu’ils risquent d’être perçus comme les nouveaux colonisateurs de l’Afrique et que le ressentiment à leur encontre pourrait se répandre rapidement et devenir beaucoup plus sérieux que les mouvements anticoloniaux d’autrefois. Selon Géré, payer à un leader national une grosse somme d’argent pour une concession de matières premières, ou la construction d’un nouveau stade de sport, ou salle de concert ne donne pas à la Chine le droit de faire ce qu’elle veut.

La Chine doit agir en tant qu’Etat responsable pour tout un éventail de questions relatives aux conditions de travail, à l’environnement, à la lutte contre la corruption, à l’Etat de droit, si elle veut maintenir un semblant de bonnes relations avec les africains. Géré pense que la confiance en soi que la Chine avait développée pendant le début de son boom est maintenant devenue une arrogance. Cette posture n’est pas saine, ni pour la Chine ni pour le reste du monde. L’approche de la Chine est agressive sur tous les fronts et l’ombrage qu’elle prend quand elle perçoit même la moindre critique risque de tourner l’opinion mondiale contre elle.

Amadou O. Wane

Collaborateur externe, Floride, Etats-Unis

amadou@amadouwane.com

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