I. Contexte et problématique
Monsieur Lamine KEITA est docteur en sciences économiques, ingénieur statisticien économiste de l’ENSAE-CESD-Paris. Il a été l’Assistant du directeur du CESD-Paris. Il a également été Conseiller en formation statistique de l’Union européenne à l’Ecole Supérieure du Commerce de Bujumbura au Burundi et à l’Ecole nationale d’Economie appliquée (ENEA) de Dakar au Sénégal.
Au Mali, il a été directeur du Centre d’Analyse et de Formulation de Politiques de Développement (CAFPD) à la Présidence de la République, puis Vérificateur au Bureau du Vérificateur général.
Dr. Lamine KEITA est auteur d’au moins une centaine d’articles sur les questions de développement économique et social, et auteur de 9 livres portant sur l’économie dotée de la monnaie comme instrument de mesure, discipline qu’il a dénommée l’Economie scientifique.
Le lancement de son dernier livre le samedi 4 septembre 2021, à la Fseg, a été l’occasion de montrer aux participants une spécificité de l’Economie scientifique, qui est, comme toute science dure, susceptible d’une expérimentation en grandeur nature, comme en laboratoire, à partir d’un cas concret, établissant, une bonne fois pour toutes, toute la différence d’avec l’économie habituellement comme telle.
II. La preuve par l’expérimentation
Il s’est agi, à travers cette expérimentation, de la conception et de la mise en œuvre d’un mécanisme monétaire permettant au Roi de pouvoir mettre la main sur l’or détenu par la population.
Dès l’annonce de cet objectif, les parties prenantes devraient, chacune en ce qui la concerne s’acquitter de ses activités dans le cadre d’un partage de rôle, qui mettait chacun des participants à la conférence en position de contribuer à faire l’histoire et non pas à rester passif en attendant de se la voir raconter par quelqu’un qui n’aura pas vu les acteurs, ni les premiers narrateurs d’une histoire qui manque aujourd’hui de témoins.
Cette expérimentation, la négation de la pratique empirique qui se contente passivement de rapporter ce que les ancêtres ont pratiqué, comporte trois étapes, à savoir :
- Concevoir la manière d’opérer;
- Réaliser l’expérience;
- Vérifier l’atteinte des résultats.
- III. Fixation d’un cadre social.
La grande salle de la conférence est notre royaume, dont l’auteur a été désigné Roi, appuyé de conseillers, placés au premier rang. La population constitue le reste de l’assistance. Cette population est porteuse d’or sur lequel le Roi veut absolument mettre la main.
Ainsi toute la population est partie prenante de cette expérimentation.
3.1. Au départ
3.1.1. Le Cabinet royal
Une question est discutée à l’interne par le cabinet royal, qui réfléchit pour trouver un mécanisme permettant au Roi de mettre la main sur l’or détenu par sa population, tout en assurant celle-ci de sa volonté ferme et indéfectible de lui garantir l’accès à la sécurité et au bien-être sur l’ensemble du Royaume.
3.1.2. Stratégie de mise en œuvre
Le cabinet annonce à la population ce qu’elle souhaite entendre, en termes de sécurité, de développement, tout en poursuivant l’objectif interne, consistant à transférer au Roi l’or toujours détenu par la population.
3.1.3. Annonce de l’argumentaire à la population
La population détient l’or, 1 tonne d’or, mais dont la qualité n’est pas garantie, ce qui rend aléatoire l’achat de l’or entre particuliers. Ensuite, un tel or ne permet pas à son détenteur de gagner de l’argent, quand il est difficilement échangeable contre des biens.
3.1.4. Objectif de la conférence
- Vérifier l’atteinte de l’objectif interne fixé par le Roi.
Nous avons considéré que toute ressemblance est tout simplement fortuite, et que tout ce qui se passe dans cette conférence ne concerne que notre Royaume de l’Amphithéâtre Préfabriqué de la FSEG.
IV. La mise en œuvre de l’expérimentation
4.1.Les conseillers et la Création de la monnaie
4.1.1. Le travail des conseillers
Le Roi créé sa monnaie, appelée la Livre Tournois, une simple définition, une monnaie donc invisible, ainsi que cela était le cas dans le Royaume de France. Supposons que la Livre Tournois est définie comme étant 2,5 grammes d’or pur avec des précisions de composition. A partir de cette monnaie invisible, le Roi créé une monnaie sonnante et trébuchante appelée Ecu, liée à la Livre Tournois par une relation fixe.
1 Ecu = 2 fois la Livre Tournois
D’où 1 écu = 5 grammes d’or
L’Hôtel des monnaies est en place pour frapper les pièces d’écu avec perfection et une confiance totale dans la qualité des métaux utilisés.
4.1.2. Examen du travail des conseillers
A y réfléchir de près, la livre tournois est une nouvelle appellation pour désigner une quantité précise d’or, de même que l’écu, une autre appellation donnée à une autre quantité fixée d’or. Donc, au-delà des mots, il ne faut surtout pas se tromper sur le fait que ces expressions de Livre tournois, d’écu et d’or ne désignent pas autre chose que l’or, mais en des quantités différentes.
Cependant, avec des appellations nouvelles données à des quantités d’or, nous allons vérifier que le Roi va user des passe-passe pour faire des opérations que l’on ne peut pas accepter avec des quantités réelles d’or.
4.1.3. Le jeu donne-t-il une image du déjà connu ?
Il a été demandé aux participants si cette image monétaire leur donnait une image du déjà vécu. De suggestion en suggestion, les participants sont arrivés à y trouver l’image qui leur est connue à travers la zone franc.
En effet, dans la zone franc, il y avait le FF, le franc français, que les participants pouvaient ne jamais voir circuler ici chez eux, donc une monnaie qu’on peut considérer comme invisible, à partir de laquelle le FCFA est défini.
Avec 1 FF = 50 FCFA, ce qui signifie que: 1 FCFA = 0,02 FF. Par ailleurs, on a su que le FM, franc malien, a aussi existé avec : 1 FM = 0,01 FF
Il apparait donc dans cette zone que ces appellations de FF, FCFA et de FM désignent toutes des quantités fixées d’une même chose, le FF, tout comme le sont la Livre Tournois, l’écu pour l’or. Donc la similitude est exacte avec l’image de vécu des participants.
4.2.La population : de l’or aux pièces d’écu en or
La population apporte à l’Hôtel des monnaies sa tonne d’or, soit 1 000 kg ou encore 1 000 000 grammes, matérialisée par des billes de couleurs différentes distribuées aux participants.
En retour, l’Hôtel des monnaies fabrique les pièces d’écus en or, exactement pour la même quantité d’or reçue, représentées par ces photocopies en couleurs des pièces d’écus en or distribuées en échange des billes, morceaux d’or qui auront disparu lors de leur refonte en pièces d’écus.
L’Hôtel des monnaies produit donc pour la population 200 000 pièces d’écu en or, chaque écu contenant 5 grammes d’or.
4.2.1. La population : des pièces d’écu en or avec une économie prospère
La population, désormais munie de ses 200 000 pièces d’écu en or, assure de nombreuses transactions et gagne ainsi de la richesse en conduisant des activités rentables. Tout le monde semble gagner, tirant profit de l’importance de la monnaie dans l’économie. Le Roi gagne également en confiance auprès de la population et son projet pour la population fait l’unanimité.
Il va tenter d’en profiter surement !!!
4.2.2. La mise en œuvre de la volonté du Roi.
Quelque temps plus tard, dans l’euphorie générale, le Roi décide que son Ecu ne vaut plus 2 Livre Tournois, mais 1,80 Livre Tournois, soit 4,5 grammes, donc 0,5 gr de moins que par le passé.
Pour montrer qu’il respecte ce qu’il dit, le Roi rappelle à la refrappe les 200 000 pièces d’Ecu pour les rendre compatibles avec la nouvelle définition, donc en retirant 0,5 gramme de chaque Ecu.
En annonçant cette exigence, le Roi invite à regarder devant et non derrière, sinon chacun verrait bien qu’il ne fait que violer son engagement initial de fixer l’écu à 5 grammes d’or !!!
4.2.3. Les droits de seigneuriage
Le Roi gagne désormais 100 000 grammes d’or en remettant à la population ces 200 000 nouvelles pièces d’écu, qui, en circulation, ne comptent plus que pour 900 000 grammes d’or en vue des transactions. Ce gain de 100 000 gr d’or du Roi est connu dans l’histoire de France sous l’appellation de droits de seigneuriage.
4.2.4. Droits de seigneuriage et fortes répressions contre la population
Il a été demandé aux participants s’ils trouvaient que le Roi avait de prélever ces Droits de seigneuriage. Les participants ont été longtemps indécis pour trouver un positionnement entre le OUI et le NON.
Cependant aucun groupe n’aura trouvé de justification raisonnable en appui de son choix.
Certes, ceux qui répondaient par OUI étaient tenus à l’écart du courroux du Roi, alors que ceux qui répondaient par non avaient de la peine à éviter d’être indexés par le pouvoir.
4.2.5. Des choix aussi inconciliables qu’injustifiables?
Il nous est apparu que le descriptif précis des faits par lesquels le Roi s’adjuge ces droits de seigneuriage ne semble point être suffisant pour en constituer une explication ou une justification crédible de ces faits. En effet, la qualification des faits semble manquer de faire l’unanimité !!
4.2.6. On ne change pas une pratique gagnante, jusqu’à la preuve du contraire
Ainsi, après le calme, encore la tempête. En effet, après un temps d’accalmie, et de reprise des activités, le Roi décidait encore que son Ecu ne vaut plus 1,80 Livre Tournois, mais 1,6 Livre Tournois, soit 4,0 grammes d’or. Comme par le passé, il rappelle à la refrappe les 200 000 pièces d’Ecu, pour les refrapper à nouveau en retirant de chaque Ecu 0,5 gramme d’or.
Le Roi compte désormais 100 000 grammes d’or supplémentaires auprès de Lui, soit au total 200 000 grammes d’or, sur le million de grammes initialement mis en circulation, soit donc 10% de la détention initiale d’or de la population et toujours le même nombre de 200 000 pièces d’Ecu en circulation, ne comptant plus que pour 800 000 grammes d’or.
4.2.7. Droits de seigneuriage sans regard pour la restriction du commerce
Les 200 000 grammes d’or récupérés par le Roi, sur le million de grammes qui étaient initialement détenus par la population et utilisés pour les échanges, constituaient une restriction pour les échanges. Dans l’économie la population était confrontée à des difficultés, les prix s’élevaient davantage et les répressions se suivaient tout en se ressemblant, les mêmes causes produisant les mêmes effets.
4.2.8. Lier entre elles les manipulations monétaires de l’écu
Examinons les décisions successives du Roi :
1 Ecu = 2 Livres = 5 gr = 1 Ecu = 1,8 Livre = 4,5 gr
Finalement avec ces décision successives, on trouve: 5gr = 4,5gr, ce qui ne peut traduire une égalité mathématique.
En effet, en observant les échanges entre le Roi et la population, cette écriture signifie que la population a donné au Roi 5 gr d’or et en retour le Roi lui a remis 4,5 gr, tout en empochant la différence de 0,5 gr.
Donc cette écriture traduit en réalité que l’échange effectué n’est pas équitable !!
Question :
Il a encore été demandé aux participants si le Roi avait raison de retenir 5gr d’or de la population pour lui retourner 4,5gr d’or, ce qui rejoint encore ces Droits de seigneuriage.
Comme précédemment, les réponses n’ont pu être ni argumentées, ni être conciliées entre les tenants du OUI et du NON.
4.2.9. On ne change pas une pratique répressive, jusqu’à ce que la force qui l’autorise change de camp
Sans aucune contrainte, le Roi aurait pu continuer ainsi à exproprier, de force et avec violence, la population de son or. C’est ainsi que cette pratique de répression aura duré plus de 400 ans dans le Royaume de France, de 1360 à 1795 et elle n’aura été stoppée qu’à la faveur de la Révolution française, à l’issue de laquelle le décret du 18 Germinal An III (7 avril 1795) a été pris pour arrêter cette expropriation.
4.2.10. Le décret du 18 Germinal An III (7 avril 1795)
Ce décret a permis à la France d’adopter la monnaie unique du franc, qui, doté du dixième et du centième appelés respectivement décime et centime, a été substitué à la livre. Toute autre unité monétaire, à l’exemple de l’écu, a été interdite. Ainsi, la pratique de diminution de l’écu est devenue impossible.
Il convient de noter que ce décret portant sur ces unités monétaires porte également sur les autres unités de mesures dans le système métrique. Cependant, à présent, ces unités monétaires ne sont pas perçues comme des unités de mesure en économie. Ainsi, pour nous, et pour celui qui voudrait bien s’interroger, ce décret nous est apparu comme prémonitoire, quant à l’idée d’instrument de mesure que représentent les unités monétaires.
V. La création du FCFA en 1945 comme l’écu et la violation du décret du 7 avril 1795
En effet, en 1945, le principe de cette monnaie unique en France a été abandonné avec la création du FCFA, lié au FF, comme l’écu l’était à la Livre Tournois, et qui aura été placé exclusivement dans les colonies.
Ainsi, les populations utilisatrices de cette monnaie, qui seront issues de ces colonies, se trouveront exposées aux mêmes pratiques de manipulations opérées à partir de l’écu, dont la France a seule le secret.
Ainsi, en diminuant le FCFA comme l’Ecu, l’autorité monétaire, à travers le Trésor français, met la main sur les devises qui lui ont été confiées en garantie de l’émission du FCFA, ainsi que le Roi s’offrait ses droits de seigneuriage.
Cependant, le Roi exhibait ses droits de seigneuriage, ainsi qu’à l’expérience nous avons pu en faire la preuve de leur existence, alors que le Trésor français, dans les mêmes conditions en 1994, n’aura jamais placé un mot sur le montant qu’il aura engrangé comme droits de seigneuriage, ainsi que nous le vérifierons plus loin.
VI. La zone franc : plusieurs signes monétaires dans l’économie
Une particularité distinctive de la zone franc transparait à travers la décision prise en 1983-84 par la France et le Mali de faire fonctionner ensemble au Mali le FCFA, signe de 0,02 FF et le FM, signe de 0,01 FF, en attendant de faire remplacer définitivement le FM par le FCFA.
Ainsi le FCFA, apporté par la France à la population, a été remplacé par 2 unités du signe monétaire de 0,01 FF, pour montrer que les valeurs échangées, entre l’autorité monétaire française et la population sont identiques et égales à la valeur de 0,02 FF.
Par ailleurs, la population aussi, qui détient les signes du FCFA ou du FM se présente sur le marché pour y échanger ces monnaies contre des biens des prix, un marché qui reconnait la valeur de chacun des deux signes monétaires pour 0,02 FF pour le FCFA et 0,01 FF pour le FM.
En se plaçant en 1983-84, le prix d’un sac de riz à 10 000 FCFA était affiché également 20 000 FM. Ce qui signifie que les deux grandeurs ont la même valeur de 200 FF. En effet:
■ 10 000 FCFA = 10 000*0,02 FF = 200 FF
■ 20 000 FM = 20 000*0,01 FF = 200 FF
Ainsi, le prix de 10 000 en FCFA désigne le nombre de FCFA contenus dans la valeur de 200 FF alors que le prix de 20 000 désigne le nombre de FM contenus dans cette valeur de 200.
On remarque que le prix ne dépend pas du nom de la monnaie, mais de sa valeur. Ainsi :
■ 10 000 = (200 FF)/ (0,02 FF)= valeur du bien/ valeur du FCFA
■ 20 000 = (200 FF)/ (0,01 FF)= valeur du bien/ valeur du FM
Il est donc important de comprendre que le nom en matière de monnaie est sans importance et que ces monnaies doivent être considérées pour ce qu’elles représentent comme valeur. En effet, c’est la valeur attachée à la monnaie qui est importante, et c‘est de cette valeur dont dépend le prix :
FCFA et le FM sont en circulation avec 1 FCFA = 0,02 FF et 1 FM = 0,01 FF
= ⇔ ⇔
Tas d’arachide = 100 Francs maliens = 50 Francs CFA = 1 Franc Français
VII. Le prix est la mesure de la valeur dans les unités de mesure du FCFA ou du FM
A l’issue des échanges, il est donc important d’avoir la pleine conscience du rôle d’instrument de mesure que joue la monnaie, (du FCFA ou du FM), chacune servant à mesurer la valeur des biens au cours des échanges.
Certes, chacun semble bien maitriser la commodité pratique de l’utilisation de la monnaie, mais sans jamais avoir suffisamment réfléchi au sens précis des gestes qui sont posés à cet effet. En effet, nous avons à faire avec une pratique pure, connue du fait d’une habitude ancestrale, mais dont nous venons de comprendre l’importance qu’elle revêt en théorie, comme mesure de la valeur des biens au cours des échanges.
Ainsi, comme instruments de mesure, les signes monétaires du FCFA et du FM apparaissent comme des unités de mesures définies en quantité de leur étalon qui est le FF. A l’image du système métrique, le FM apparait comme le centimètre et le FCFA comme le double du centimètre, quand le FF est comme le mètre, l’étalon. Par similitude, le tableau ci-après peut-être édifiant:
Introduction de quelques notions (Parallèle avec le système métrique).
Etalon
(unité conventionnelle définie) |
Franc Français (FF) | Mètre (M) |
Numéraires
unités de mesure de la valeur, ou poids, ou unités usuelles de mesure dérivées de l’étalon) |
FCFA = 0,02 FF
FM = 0,01 FF |
Décimètre = 0,01 m
Centimètre = 0,01 m |
Valeur (Quantité d’étalon qui peut s’exprimer de plusieurs façons par conversion grâce au numéraire.) |
Valeur Du tas d’arachide = 1.FF soit 50 FCFA Soit 100 FM | Longueur d’un poteau = 3 m soit 30 dm soit 300 cm |
VIII. La monnaie comme instrument de mesure a pu être présentée sous l’image d’une balance :
Cette balance présente sur le côté droit la valeur qui aura été préalablement déposée auprès de l’autorité monétaire pour obtenir la monnaie. Sur le côté gauche, se trouve, à partir du marché, la quantité de bien obtenue en échange de la monnaie pour la valeur équivalente à la valeur préalablement déposée pour obtenir la monnaie.
BALANCE | ||
Quantité de bien obtenue en échange de la monnaie pour la valeur équivalente à la valeur préalablement déposée pour obtenir la monnaie | QUANTITE DE MONNAIE | Valeur préalablement déposée auprès de l’autorité monétaire |
Ainsi, on vérifie que seule l’autorité monétaire peut diminuer d’autorité la valeur préalablement déposée pour obtenir la quantité de monnaie, et que par conséquent, cette diminution va induire la diminution de la quantité de bien délivrée sur les marchés en échange de cette nouvelle valeur de la quantité monnaie.
IX. Les unités de mesure du FCFA ou du FM : respect des règles d’utilisation
En effet, les instruments de mesure bénéficient des règles de fonctionnement qu’il faut observer.
Respecter les règles
- Donnez la pleine mesure et n’en faites rien perdre [aux gens]
- Pesez avec une balance exacte
Respecter les interdictions
- Ne diminuez pas les mesures et le poids ;
- Ne donnez pas aux gens moins que leur dû.
NB : Il suffit de vérifier que le respect des règles d’utilisation des instruments monétaires ne correspond qu’à une bonne conversion des mesures dans des unités de mesures.
X. Réexamen de la Diminution de l’écu par le Roi et respect des règles d’utilisation des instruments de mesure.
Il nous apparait clairement, à partir de l’expérience du <Mali de 1983-84, que lorsque le Roi fixe une nouvelle définition de l’écu, il définit ainsi une nouvelle unité de mesure plus petite et qu’il aurait pu mettre en circulation avec l’ancienne, comme la France et le Mali l’ont prouvé en 1983-84, en mettant en circulation les monnaies de 0,02FF et de 0,01 FF en circulation.
Ainsi les prix auraient pu être exprimés dans chacun des deux écus en circulation notés Ecu1 et Ecu2
XI. Comparaison de la pratique du Roi avec le bon usage des instruments de mesure.
Ainsi à l’image du FCFA et du FM, il apparait que :
- Prix (en Ecu1) = valeur du Bien/ valeur de l’Ecu1 ;
- Prix (en Ecu2) = valeur du Bien / valeur de l’Ecu2.
Les perturbations après la manipulation de l’écu indiquent un mouvement des prix à la hausse, ainsi qu’on peut le vérifier ci-après:
- Valeur du bien = Prix (en Ecu1)*valeur de Ecu1= Prix (en Ecu2)* Valeur de Ecu2
Donc
- Prix (en Ecu2) = Prix (en Ecu1)*Valeur de Ecu1/valeur de Ecu2.
Ainsi, on vérifie facilement que le nouveau prix est plus élevé que le premier, la valeur de Ecu1 étant plus importante que celle de Ecu2.
Au lieu d’exprimer les prix dans les deux unités monétaires, on comprend que le Roi a repris à la population la grande unité de mesure pour lui remettre une petite unité de mesure, faisant ainsi perdre à la population la différence de poids, autrement en faussant la règle de correspondance entre les unités de mesure.
C’est ce qui constitue la diminution des mesures et du poids, une pratique interdite, car consistant en une utilisation des instruments de mesure en violation des règles de leur utilisation.
De même, il est immédiat, que le Roi aura tout simplement procédé à une substitution de la petite monnaie à la grande monnaie détenue par la population, tout en s’attribuant la différence de poids, ce qui est une pratique de fraude aux conséquences sociales, économiques et sécuritaires trop lourdes, ce dont les Rois étaient loin de s’imaginer au moyen-âge.
XII. Conclusion sur la pratique des droits de seigneuriage.
Il est donc immédiat, que le Roi, pour s’attribuer les droits de seigneuriage, aura tout simplement procédé à une substitution frauduleuse de la petite monnaie à la grande monnaie détenue par la population.
Ce faisant, il s’est attribué indument la différence de poids, ce qui est une pratique de fraude, consécutive à la diminution des poids et mesures, dont les conséquences sociales, économiques et sécuritaires lourdes, sont examinées ci-après, ce dont les Rois étaient loin de s’imaginer au moyen-âge, ce dont les chercheurs français auront omis de s’y pencher, ce que nous avons fait, partageant de force une histoire désormais commune avec ces chercheurs français.
XIII. Actualité de la diminution des poids et mesure dans la zone franc
En 1994, en décidant que le FCFA = 0,01 FF, au lieu de 0,02 FF, avec l’hypothèse d’une masse monétaire est de 23 000 milliards de FCFA pour l’UEMOA, les droits de seigneuriage s’élèvent à :
(0,02 FF – 0,01 FF) * 23 000 milliards = 230 milliards de FF = 35milliards d’euro
Il n’est plus nécessaire de refrapper le FCFA, qui est un simple papier ne contenant pas d’or à récupérer, la contrepartie en devises étant déposée au Trésor français.
Cependant, alors que le Roi exhibait fièrement ses droits de seigneuriage, ainsi qu’à l’expérience nous avons pu en faire la preuve de leur existence, le Trésor français, dans les mêmes conditions en 1994, n’aura jamais placé un mot sur le montant qu’il aura engrangé comme droits de seigneuriage, dont l’existence est liée à la fraude qui représente une valeur de 35 milliards d’euro en 1994 sur la base d’une masse monétaire de 23 000 milliards de FCFA pour les seuls pays de l’UEMOA. Que dire en y incluant les pays membres de la BEAC ?
Malheureusement, dans ce jeu de dupes, la France ne dit mot de ce qu’elle a volé et les pays africains sont ignorants de ce qu’ils ont perdu comme richesse sonnantes et trébuchantes, malgré le montant en cause qui est plus que pharaonique pour être de surcroît ignoré.
XIV. Conséquences de la diminution des poids et mesures
14.1. Le butin de la fraude
Le butin de la fraude de 35 milliards d’euros en 1994 emportés par le Trésor français des seuls pays de l’UEMOA, est un montant de ressources dont la population a été expropriée en s’appauvrissant d’autant. De plus, en comprenant que la monnaie est une balance pour recevoir une quantité équivalente de valeurs en biens et services, en réduisant cette balance de la moitié de sa valeur, le détenteur ne recevra pas autant de bien qu’avant la mesure de diminution des poids et mesures, entrainant un alourdissement évident de la pauvreté et son extension.
14.2. Une mauvaise perception des prix
En choisissant une unité de mesure plus petite, la mesure fournie sous forme de prix doit s’élever suffisamment pour rétablir mécaniquement l’équivalence avec la valeur passée, mais du fait de l’expropriation de la population, les prix ne pourront pas suffisamment s’élever pour atteindre cette équivalence. Ainsi, à l’œil nu les prix sembleront augmenter, mais en réalité les prix baissent, ainsi que le confirment les calculs et l’appauvrissement de la population par expropriation.
Supposons que le prix du poulet qui était de 1 000 FCFA avec 1 FCFA = 0,02 FF, est passé à 1 600 avec 1 FCFA = 0,01 FF. Donc, en choisissant le premier écu comme numéraire pour exprimer la valeur, le deuxième prix du poulet s’établit à 1600/2 = 800, ce qui confirme que le prix est passé de 1000 à 800 dans la même grande unité de mesure.
Dans ce cas, la baisse du prix est de (800-1000)/1000 = – 20%.
En choisissant le second numéraire, le premier prix de 1000 s’établit à 2000 et la variation du prix est de : (1600 – 2000)/2000 = – 40/200 = -20%.
Cette baisse des prix est le seul résultat possible, car en appauvrissant la population par cette méthode d’expropriation, les prix ne peuvent pas augmenter.
14.3. Les salaires, les dettes et créances
Les salaires, dettes et créances seront exprimés de force dans la même quantité d’écus après la mesure. Donc les salaires sont réduits de moitié par cette pratique de diminution des poids et mesures, accusant une baisse plus forte que les prix. Donc les salariés se seront très appauvris.
Ainsi, si on sait qu’avec l’hypothèse d’augmentation annuelle de 5%, un salaire double en 15 ans, alors en divisant le salaire par deux, cela signifie nominalement un recul de 15 ans. En tenant compte de l’inflation annuelle de 5%, cela signifie un pouvoir d’achat d’il y a encore 15 ans plus tôt.
D’où un recul cumulé de 30 ans, imposé à toutes les grandeurs nominales fixes : revenus, produits d’épargne, actifs et passifs. Vous comprenez que pour vivre avec les conditions de prix aujourd’hui avec un revenu d’il y a 30 ans, la population est tout simplement anéantie et maintenue dans un état de survie proche de la mort et tout le mettant hors de toute condition lui permettant d’avoir un quelconque sens du respect de la morale habituellement connue et reconnue dans la société.
14.4. Adieu à la compétition internationale
En s’imposant un recul de trente ans pour les revenus fixes, les pays de la zone franc se trouvent exclus de la compétition internationale et majoritairement classés, y compris la Côte d’Ivoire, malgré ses performances de rêve faisant d’elle l’économie la plus performante de l’UEMOA, parmi les 25 derniers pays du monde en 2019, à savoir, le Niger, la République centrafricaine, le Tchad, le Mali, le Burkina Faso, le Togo, le Sénégal, la Côte d’Ivoire et le Bénin. Par conséquent, s’il y a bien une stabilité, il s’agirait bien de celle de la pauvreté !!!
14.5. Méconnaissance de la comparaison des monnaies des pays.
En matière de comparaison des monnaies des pays, D. Ricardo interdit de comparer l’étalon d’un pays représentant l’or avec le numéraire d’un autre pays, représenté par le blé ou autre chose. En l’occurrence, le FF et le FCFA représentent l’étalon et le numéraire d’un même groupe de pays, par ailleurs entre la monnaie de 0,02 FF et celle de 0,01 FF, qui ne sont que deux numéraires d’un même pays. Nul ne saurait encore parler de dévaluation entre ces instruments de mesure, confirmant encore plus clairement D. Ricardo.
Nous savons qu’entre le FF et le FCFA et le FM il y a la relation entre un étalon et ses unités de mesure. On ne peut donc pas parler de dévaluation entre le FF et FCFA, ni entre le FCFA et le FM. En revanche, entre l’euro et le dollar ou encore entre l’euro et la livre anglaise etc.
14.6. Les exportateurs de la zone franc, en faillite instantanée.
Un exportateur qui a reçu 100 milliards de FCFA dans son compte pour avoir fait déposer des devises au Trésor français 2 milliards de FF, se retrouve, dès l’annonce de la dévaluation du FCFA, avec ses 100 milliards de FCFA ne valant plus qu’un milliard de FF. Comment peut-on qualifier une telle expropriation en dehors du hold-up ?
14.7. Ces pays utilisateurs du FCFA sont en proie au désordre et à la corruption.
En termes de désordre, nous avons vu que malgré l’apparence d’une hausse des prix sur les marchés, il y a en réalité une baisse des prix du fait de l’appauvrissement des populations qui auront été expropriées d’un montant reconnu dans l’histoire de France sous l’appellation de droits de seigneuriage.
En termes de corruption, nous avons vu que les salaires et autres revenus sont réduits de moitié, mais que les dépenses ne diminuent d’autant. Avec l’hypothèse d’un salaire de 100 et des dépenses de 80. Après la diminution des poids et mesures, si le salaire baisse de 50% et les dépenses de 30%, alors le niveau de salaire devient 50 contre une dépense de 56.
Comment combler l’écart ? La corruption jouera pleinement son effet dans la recherche de survie occasionnée par la mesure d’expropriation.
Conclusion générale
A la fin des exposés et débats, les participants ont pu apprécier le degré d’atteinte des objectifs de la conférence, à savoir la maitrise satisfaisante des notions suivantes :
- du rôle d’instrument de mesure et de justice assigné aux instruments monétaires ;
- des notions nécessaires pour établir la mesure en économie à savoir, les notions d’étalon et de numéraires ;
- de l’importance de la conceptualisation en économie, car la réflexion, précédant ou suivant la pratique, donne à celle-ci tout son sens, sans laquelle réflexion, on pourrait autoriser l’interdit, tout en pénalisant ainsi la population livrée à une théorie sans éthique ;
- de la dévaluation, qui ne doit pas être confondue avec la diminution des poids et mesures, ainsi que l’est la pratique dite de dévaluation du FCFA décidée en 1994 ;
- de l’importance de la mesure pour une science, mesure sans laquelle, cette science ne saurait être qu’aveugle ;
- de l’importance de la monnaie, dans le cadre de l’enseignement de l’Economie, qui est tout aussi palpable que ce que représente le thermomètre pour la thermodynamique ;
- le système monétaire à deux monnaies conçu par les conseillers du Roi constitue un excellent mécanisme de mise en place des instruments de mesures dans l’économie. Cependant, le mauvais usage imposé à l’instrument de mesure, plus par ignorance de ce rôle d’instrument de mesure, en déviant la monnaie de son rôle de justice et d’équité, en a limité l’intérêt scientifique. Cependant, nous comprenons à présent, qu’il ne faut pas jeter l’enfant avec l’eau du bain.
Tels sont les éléments constitutifs du livre dont nous procédions au lancement, et qui met en place une méthodologie pour faire de l’économie une science comme les autres.
A cet effet, cette science économique est désormais dotée d’une éthique, présentant ainsi des pratiques autorisées et celles qui sont interdites, une science que nous avons dénommée « L’Economie scientifique », dont l’objectif est d’assurer à l’homme l’accès à un meilleur confort de la vie au regard de ce qu’il peut apporter au confort du reste de la collectivité. Une économie de justice et de développement !!!
Dr. Lamine KEITA