Le récit du voyage du Premier ministre de Gao à Kidal. Les échanges entre le président de la République IBK et le chef du gouvernement, Moussa Mara, pendant les minutes les plus cruciales du mandat… en exclusivité.
Il est tôt en ce matin du samedi 17 mai dans la ville de Gao. C’est l’effervescence autour du Premier ministre Moussa Mara dont la délégation envisage le départ pour Kidal. Il y a d’un côté les sceptiques, marqués par les événements de la veille durant lesquels des tirs à l’arme lourde et une manifestation avaient secoué la ville.
De l’autre, le ministre de la Défense, le faucon Soumeylou Boubèye Maïga, et les hauts gradés de l’armée, pour lesquels il est impossible d’envisager d’annuler l’étape de Kidal. “Il en va de l’honneur des Forces armées maliennes (FAMa), rappelle un des collaborateurs du Premier ministre”. Au milieu, Moussa Mara, dans le calme qui le caractérise, écoute religieusement les arguments des uns et des autres pour se faire une idée sur la marche à suivre.
Après une longue période de réflexion, le PM prend son téléphone pour faire part de sa décision au chef de l’Etat : “Monsieur le président, je compte maintenir mon agenda !” C’est le choc et la stupeur pour tous ceux qui, entendant les durs coups de feu qui se produisent au même moment craignent pour la sécurité de la délégation. Mais le Premier ministre sait ce qui le motive.
Deux semaines plus tôt, il avait pris l’engagement de se rendre à Kidal sur les ondes en déclarant qu’il y serait avant la fin du mois de mai. Un engagement réaffirmé par le président IBK. Il faut donc s’y rendre coûte que coûte. Une petite victoire pour le ministre de la Défense, mais surtout pour le général de division Sada Samaké, ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, dont un précédent voyage avait été entaché par le caillassage des voitures. A l’époque, le général Samaké s’était juré d’y revenir pour, disait-il, “ne pas se laisser marcher dessus par des délinquants”.
Mais sur le plan sécuritaire, on redoute que des tirs de roquette n’atteignent l’avion du Premier ministre. Le risque est réel, car au moment où le PM se décide, le gouvernorat est sous les feux nourris des rebelles. C’est Bert Koenders qui le souligne à Soumeylou Boubèye Maïga et au PM.
Décision est alors prise de recourir au plan B élaboré la veille. Le Premier ministre se rendra à Kidal en hélicoptère ! Pour y aller, il sera accompagné du ministre de l’Intérieur et de celui de la Justice. Le ministre de la Défense lui rentrera à Bamako pour superviser les opérations militaires sur le terrain, tandis que le général de brigade El hadj Gamou est désigné pour assurer la sécurité du PM.
Triomphe
L’hélicoptère décolle vers 11 h avec à son bord Moussa Mara, Sada Samaké et Mohamed Ali Bathily pour ne citer que les plus importants. A Koulouba, le président de la République a réuni autour de lui ses plus proches collaborateurs afin de suivre en direct l’évolution de la situation.
Il est sous stresse tout comme l’ensemble des Maliens qui, comme s’il s’agissait d’un atterrissage sur la lune des années 1960, est scotché à son poste radio et aux réseaux sociaux, notamment Facebook. A l’ORTM on grince des dents, car aucun dispositif ne leur permet de diffuser en direct l’arrivée du PM. “On n’avait pas le matériel et selon l’ONU, il fallait rester discret pour ne pas donner trop de détails aux rebelles”, fustige un journaliste.
Il est 13 h au camp 2 de Kidal. Ce n’est qu’à quelques minutes de l’arrivée que l’on comprend dans ce camp que le Premier ministre arrive en hélicoptère dans le camp et non en avion à l’aéroport. Les militaires locaux ont du mal à retenir leur émotion. On crie, on pleure, certains veulent tirer en l’air en signe de joie.
Le commandement du camp se ressaisit et renforce le dispositif, positionne les militaires pour les honneurs à rendre. Mais à la vue de l’hélicoptère dur de retenir les militaires maliens. “Allah Akbar ! He Massa ! Mali te malo !”, entend-on ci et là. Dans l’hélicoptère la tension retombe à la vue du camp 2. Les poignées de main se succèdent mais le PM reste impassible ! Il sait qu’il ne faut pas crier victoire trop vite. “Monsieur le président, le gouvernement est à Kidal !”
L’hélicoptère s’approche doucement alors que les coups de feu continuent à être entendus dans la ville. Lorsque l’appareil touche le sol, le téléphone ne cesse de sonner. Le premier échange est réservé au chef de l’Etat : “Monsieur le président, nous venons d’atterrir et sachez que le gouvernement est à Kidal !”. A ces mots c’est l’explosion de joie.
Suivent les appels de ministres jubilant, de conseillers du président IBK, de Paris, de toutes les grandes capitales. La cellule communication qui peinait à suivre le déplacement ne peut plus se retenir. “Certains manipulateurs commencent à diffuser des informations alarmistes”, “le PM est bien arrivé a Kidal !”, lit-on sur les pages Twitter de Sambi Assa Touré, directeur de la communication de la présidence.
A Kidal, Moussa Mara jubile ! Il vient de poser l’acte le plus fort de ce début de mandat et il en tire le bénéfice total. A Bamako, on jubile. Tout le monde est resté immobile et les commentaires vont bon train. “Mara on t’aime, tu as rendu notre honneur !”, résume bien l’ambiance. Et l’on va plus loin en annonçant qu’un comité d’accueil va accompagner le PM à Koulouba à son retour. Des réunions se provoquent et s’enchaînent en ce moment même. La fête est belle ! Moussa Mara a gagné, le Mali a gagné !
Cheick Oumar Diallo
Cellule de communication du Vérificateur général