Dans l’attaque de Nampala ayant fait au moins 17 morts dans les rangs des FAMa, Markala a payé le lourd tribut avec six victimes.
Markala est une petite bourgade située à une trentaine de kilomètres de Ségou sur la route de Niono. La ville est célèbre pour son barrage agricole qui est « le Nil » qui arrose l’Office du Niger. C’est aussi une ville garnison avec les historiques « Ateliers Militaires Centraux-AMC-» d’où sont toujours fabriqués les meubles et autres outils utiles à l’armée malienne ; le centre d’instruction pour sous-officiers ; et un immense camp militaire ou était détenu « l’ex dictateur », le Général Moussa TRAORE.
A Markala, s’engager dans l’armée est une vraie vocation pour la jeunesse. Rares sont les familles ne comptant pas un fils ou un lointain neveu dans les rangs.
C’est ainsi que le Caporal Boureima Sawadogo, le Caporal Ibrahim Kalil Touré, le Caporal Adama Zongo, le Caporal Sidi Coulibaly, le Sergent-chef Yaya Traoré, le Sergent-chef Almoustapha Fané tous, sauvagement fauchés à Nampala, se sont engagés sous les drapeaux pour perpétuer une tradition guerrière qui fait la beauté de leur village tant aimé, leur ville de cœur, Markala.
Pour moi, cette attaque aurait pu faire partie de la routine d’un conflit asymétrique qui fragilise davantage un pays à la traine et met en déroute une armée mal organisée, corrompue et très politisée. Sauf que les six jeunes de Markala étaient de ma classe d’âge. Mieux que des promotionnaires, ils étaient mes frères. Oui, ils m’ont arrachés six frères d’un seul coup. Tous ont été tués par les ennemis de la nation. Qu’ont-ils fait pour mériter cela ? Rien de mal, que de s’engager dans l’armée de leur pays afin de répondre un jour « à l’appel du Mali…… ». Chose qu’ils ont fait quand l’appel leur a été fait d’aller défendre la patrie au niveau de Nampala. Ils ont défendu le Mali avec des moyens très rudimentaires sinon insignifiant jusqu’au sacrifie final. Ils étaient si jeunes, la moyenne d’âge étant 27 ans.
Puisse Allah les accueillir en son sein ! Ils laissent derrière eux des jeunes épouses inconsolables et des enfants de bas âges dont l’avenir devient du coup incertain.
J’aurais pu faire partie des victimes markalais de Nampala. Oui, vous avez bien lu, j’aurais pu grossir ce chiffre frissonnant si, mon oncle le major à la retraite, Moussa Diaré Dramé ne m’avait forcé à continuer mes études secondaires pour peut-être un jour intégrer l’EMIA. Hormis cela, je me serais engagé sous les drapeaux en même temps que mes frères avec qui j’ai grandi, avec qui j’ai été circoncis et avec qui je partageais bien de choses.
Je me rappelle comme si c’était hier nos escapades au pont surplombant le barrage ou au « pont rouge », le pont à l’entrée de la ville de Markala, pour pêcher ou chasser les rats de jardins, ou tout simplement pour nous baigner après des longues heures de parties de football sous un soleil de plomb très souvent les pieds nus. Je me souviens de nos jeux de cache-cache ou d’imitations des marches militaires dans les ateliers de l’AMC. Je me souviens de nos rêves de porter les tenues militaires à la manière de tonton Dramé et ses hommes. Je suis si fier que vous ayez réalisé vos rêves, j’allais dire nos rêves. En grandissant, je me rappelle nos séparations douloureuses pour aller étudier à Bamako. Et surtout nos retrouvailles pendant les vacances. Plus tard, nos carrières respectives, la plus part de la bande à l’armée et nous autres à l’enseignement et autres métiers. Nos mariages et la naissance de nos premiers enfants.
C’était difficile dans l’armée avec des salaires dérisoires, de maigres moyens logistiques et des armes d’défectueuses pour combattre un ennemi invisible et farouche. Mais vous y étiez heureux, car c’était par vocation que vous aviez embrassés ce métier. Je me hâtais d’être à la tabaski pour que tous, nous nous retrouvions à Markala pour fêter ensemble dans la joie et la gaieté comme à l’accoutumée. J’étais loin d’imaginer le drame qui allait nous séparer sans que je ne puisse vous dire « adieu, mes frères ». Sans que je ne puisse même pas voir vos corps. Je suis à la fois écœuré et meurtris, terrassé et anéantis par un dytique de douleur : celle de vous avoir perdus et celle de ne pas voir nos plus hautes autorités se rendre à Markala pour réconforter nos femmes et nos enfants éplorés.
Mes Caporaux Boureima Sawadogo, Ibrahim Kalil Touré, Adama Zongo, Sidi Coulibaly ; mes Sergent-chef Yaya Traoré, Almoustapha Fané ; vous n’êtes pas morts pour rien. Un des plus grands héros de notre temps, le capitaine Thomas Sankara, idole de mon très cher Adama Zongo, ne disait-il pas ceci « mourir pour sa patrie est la plus belle des morts !»
Vous n’êtes pas morts pour rien, tout un peuple se souviendra de vous comme de braves jeunes gens ayant vécus et morts pour le Mali.
Vous n’êtes pas morts pour rien, vous vivez en chacun d’entre nous.
Vous n’êtes pas morts pour rien, votre bravoure restera à jamais gravée dans mes mémoires, nos mémoires à tous, pour avoir été les murailles de « Tata» pour protéger Nampala et l’éviter de tomber entre les mains de l’ennemi de la nation.
Vous n’êtes pas morts pour rien, vous vivez en chacun d’entre nous, en tous les maliens.
Dormez en paix, vaillants fils de Markala, dignes fils du Mali !
Berberati, République Centrafricaine, ce jour vendredi, 29 juillet 2016
Mamadou Bakary TRAORE dit Amadou,
Ressortissant de Markala
Lettre au président IBK
Excellence Monsieur le Président de la République du Mali,
Chef suprême de l’armée malienne,
J’en appelle à votre affection de père ;
J’en appelle à votre sensibilité de chef de famille ayant des enfants et des petits enfants en bas âges ;
J’en appelle à votre sens élevé d’humanisme qui vous a fait verser de chaudes larmes suite aux assinats de Gislene Dupont et Claude Verlon, journalistes de RFI ;
J’en appelle à votre engagement à lutter contre le terrorisme qui vous a fait participer à la marche pour les victimes de « Charlie Hebdo » et votre présence aux cotés de votre homologue français, François Hollande pour lui témoigner votre soutien et celui de votre pays entier pour l’assassinat du prêtre survenu à Saint-Etienne-du-Rouvray ;
J’en appelle à votre devoir de chef suprême des forces armées du Mali de bien vouloir prendre toutes les précautions nécessaires pour que les familles de ces jeunes gens (les 17 ou 19 tombés à Nampala) morts à la fleur de l’âge, morts sous le drapeau, morts pour le Mali soient mises dans les conditions les meilleures incluant le don au nom de la nation d’une maison aux épouses de chacun d’eux, une allocation annuelle pour soutenir la scolarité de leurs enfants et une allocation pour leurs jeunes épouses jusqu’à ce qu’elles se remarient.
Excellence Monsieur le Président,
Je ne me fais aucune illusion quant à l’aboutissement de cette requête. Je doute même qu’elle arrive jusqu’à vos oreilles. Mais j’ai espoir que si par hasard vous tombez sur les traces de cette requête, vous allez y répondre favorablement. In Sha Allah, Au Nom d’Allahou Soub Hana Watallah que vous chérissez tant.
Veuillez recevoir, Excellence Monsieur le Président de la République du Mali, mes sincères et profondes considérations.
Berberati, République Centrafricaine, ce jour vendredi, 29 juillet 2016
Mamadou Bakary TRAORE dit Amadou,
Ressortissant de Markala
Des larmes aux yeux. Le meilleur écrit que je n'est jamais lu. Je suis désolé pour tes frères nos frères. Meilleur rédaction
Rip!!!
du courage mon frere cest pas facile
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