Article 31 de l’avant-projet de la nouvelle constitution : « Il est temps d’accorder le statut de langue officielle à une de nos 13 langues nationales»

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Le débat sur l’article 31 de l’avant-projet de la nouvelle constitution oppose partisans et adversaires du maintien de la langue française comme langue d’expression officielle du Mali. Chacun a ses arguments. Peut-on trancher ? En faveur de qui ? Quand la langue française n’est plus langue officielle ou la seule langue d’expression officielle du Mali, cela change quoi ? Les deux positions ne sont-elles pas conciliables ?

Sur 195 articles, si c’est l’article 31 qui cristallise l’attention, cela révèle tout l’enjeu lié au sujet. Frantz Fanon disait : « Parler une langue, c’est aussi porter le poids d’une culture ». La langue est un élément définitoire de l’identité. Chez nous, deux communautés (Mianka et Sénoufo par exemple) si proches soient-elles, se distinguent par leurs langues. En plus de cette dimension culturelle, il y a la dimension politique de la langue. Si maîtriser la langue de l’autre révèle une grandeur et une ouverture d’esprit, communiquer officiellement dans une langue étrangère a des implications politiques. Ce qui fait de la langue un moyen d’expression de la souveraineté.

C’est normal que le sujet suscite des passions, car de façon collective et individuelle, tout Malien a un rapport affectif avec la langue française. Au Mali, dans une certaine mesure, maîtriser le français est une fierté et cela le rend valeureux.

Chaque Malien qui maîtrise le français peut dire à l’instar d’Assia Djebar que « c’est un butin de guerre ». Donc l’école devient primordialement un terrain de conquête de la langue française avant d’être le lieu d’acquisition du savoir. Ceux qui la rejettent et ceux qui s’y attachent le font pour la même raison : c’est la langue de l’ancien colonisateur.

Le Mali ne peut abandonner la langue française, car nos langues nationales ne sont pas assez élaborées pour les sciences, les relations internationales et le commerce.

Cela est vrai seulement en partie. Pour les sciences, la langue française aussi est très limitée. Tous les meilleurs chercheurs français ou francophones dans tous les domaines travaillent avec l’anglais. Pour les relations internationales et le commerce, l’Afrique du Sud a 11 langues officielles, le Rwanda a 4 langues officielles, la Belgique a 3 langues officielles, la plupart des pays dans monde ont 2 langues officielles.

Parmi ses 13 langues nationales, le Mali ne peut-il pas prendre la plus parlée comme première langue officielle, suivie de l’anglais et du français ?

Parmi nos 13 langues nationales, quelle langue va-t-on imposer à tous ? Le peulh va-t-il accepter d’étudier en malinké ou en sonraï, vice versa ?

Et voilà une belle instrumentalisation de notre diversité ethnique et communautaire. Comme si les Maliens étaient incapables de se mettre d’accord pour choisir ce qui est bon pour eux. Aujourd’hui, plus de 82 % parlent une des 13 langues nationales. Qui la leur a imposé ? Pour atteindre le maximum de citoyens avec les messages importants, les autorités et les officiels se permettent d’utiliser une des 13 langues nationales. Qui la leur a imposé ? Dans les lieux publics, les médias et les grands rassemblements, les gens communiquent en général en utilisant une des langues nationales. Qui la leur a imposé ? Pourquoi le peulh qui vit parmi les malinké refuserait d’étudier en malinké ? Cela va-t-il l’empêcher d’être peulh ?

C’est le lieu de souligner un des problèmes de l’école malienne ou les innovations anarchiques, mal appliquées et inachevées ont fini par détruire le système. Et puis, tant que notre éducation nationale sera assujettie aux partenaires techniques et financiers (PTF), nous ne nous en sortirons pas.

Les langues s’imposent par leur pertinence, leur simplicité et le nombre de locuteurs.

Si cela est vrai, il est évident que la langue française ne remplit pas ces critères pour les plus de 21 millions de Maliens. Si cela est vrai, il serait étonnant qu’aucune des 13 langues nationales du Mali ne possède ces caractéristiques. Quand plus de 82 % de la population d’un pays communique dans une langue, celle-là mérite le statut de langue officielle. Quel est le pourcentage de Maliens pour qui la langue française est la première langue de communication ?

Pour ce qui est de nos langues, continuons de les parler, continuons de faire des recherches sur ces langues et dans le futur peut-être, elles pourront s’imposer comme langue scientifique.

Donc à travers les pays du monde, toutes les langues officielles remplissent tous les critères de langue scientifique ? Existe-t-il une commission internationale qui attribue le statut de “langue scientifique” à celles qui remplissent les critères ?

Depuis 60 ans, à chaque fois que le Mali a l’opportunité d’adopter une nouvelle constitution, il y a du lobbying en faveur du maintien de la langue française comme seule langue d’expression officielle du Mali. Selon la panafricaniste et activiste Nathalie Yamb « on ne divorce pas progressivement, on ne divorce pas à moitié. On divorce, un point ».

Accorder le statut de langue d’expression officielle à une de nos 13 langues nationales sera l’expression de notre souveraineté nationale.

Il est temps de changer de posture face aux statuts de la langue française et de nos langues nationales.

 

Samou Samuel Koné

Enseignant, IFM-ND-Tominian

 

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