Arrestation de marcheurs à la mine d'or de Sadiola : La colère d'un ressortissant

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" Jetons les dans le bagne de Kayes, ce sont des Malinkés ignorants et villageois, méconnaissant les règles selon lesquelles les choses doivent se faire. Essayons donc de les menacer par l’emprisonnement… ". Tels étaient les propos tenus par les autorités administratives de Sadiola ; agissant au nom de l’État malien. C’était il y a un peu moins d’un mois, lors des arrestations arbitraires de jeunes natifs de Sadiola à la suite d’une marche pacifique ténue le 08 juillet 2010 devant l’entrée de l’usine d’Anglo-Gold Ashanti.

Certes, toute marche non autorisée par les organes d’application de la loi est prohibée, mais force est de reconnaître que ces jeunes qui souffrent dans la prison centrale de Kayes ont, au préalable, adressé une lettre et aux autorités de l’État et à celles de la Semos (société d’exploitation de la mine d’or de Sadiola); une lettre qui était restée des mois sans aucune réponse émanant des destinataires ci-haut mentionnés. C’est dans cette longue attente, sans aucune issue, que  les jeunes de la commune de Sadiola se sont levés pour exprimer à la Semos leur souhait de voir le système d’embauche à ladite société changer. Nous tenons à préciser que ces jeunes n’ont endommagé ni un bien quelconque de l’Etat ni de celui de la société Semos. Seulement, lorsqu’il s’est agi de faire des tirs de dissuasion à leur encontre, les forces de l’ordre ont endommagé un de leurs véhicules. Aucun employé de la société n’a été égratigné au cours de cette marche pacifique.

 

C’est après une longue bataille de la part des populations locales de Sadiola, pour obtenir un quota dans le recrutement au sein de ladite société, que la Semos s’est vue dans la contrainte  d’accorder à la commune le droit de fournir trente personnes (30) sur cent (100) au cours de chaque recrutement.

 On vous rappelle que ce droit est obtenu grâce à l’implication d’une association étrangère dénommée "Les amis de la terre" (voir le site www.amidelaterre.org).

 

Et ces trente pour cent sont repartis comme suit: 15% accordés à la municipalité (mairie), 15% pour la sous-préfecture (commandant). Selon les jeunes de la commune, il faudrait que ce quota soit revu à la hausse. Un des points saillants marqués dans la lettre adressée aux autres autorités de la mine d’or de Sadiola. En plus de cela, il faut reconnaître que certains responsables de la Semos font preuve d’une discrimination flagrante vis-à-vis des populations de Sadiola en embauchant  que leurs propres parents, tout en leur garantissant toujours le Cdi (contrat à durée indéterminée). Tandis que les natifs et futurs héritiers des conséquences néfastes des deux (2)  mines,  la mine de Sadiola et celle de Yatéla, font l’objet d’une marginalisation au vu et au su de  l’autorité malienne. Une autorité qui se dit préoccupée par le chômage de sa jeunesse. Donc, un des points culminants dans la lettre des jeunes est centré sur le départ immédiat de certains de ces responsables qui abusent de leurs positions de chefs (directeur des ressources humaines et directrice de la clinique) dans un " milieu bourré d’ignorants et d’incapables " d’après leurs calculs personnels.

 

Dans un premier temps, les populations de Sadiola étaient éconduites des portes d’entrées de la Semos sous prétexte qu’elles n’étaient pas dotées de qualifications professionnelles répondant au profil de travailleur demandé par la société tandis que les personnels de la Semos et ceux de la Mool-Man une (société sous-traitée par la Semos) sont constitués en grande partie par des ouvriers qui étaient, on ne s’en doute pas, sans éducation scolaire et professionnelle. La plupart d’entre eux ont, sans nul doute, accroché leurs houes (daba) aux toits de leurs maisons pour rejoindre les mines d’or de Sadiola, mais qui sont devenus par la pratique des spécialistes "sac à dos". Alors pourquoi on n’a  pas fait de même pour les populations de Sadiola afin d’éviter ce qui se passe aujourd’hui ? Comme le dit un adage malinké "pour montrer qu’on a bien terrassé son adversaire de combat, il faut le faire tomber dans un endroit où il y a suffisamment de cendre pour que sa nuque puisse témoigner de sa défaite lors du combat".  En réponse à ce stratagème, Sadiola s’est finalement tourné vers les études et, comme résultat, il y en a aujourd’hui parmi ces populations, des personnes qualifiées dans presque tous les domaines de travail dont la fameuse Semos peut avoir besoin. Il y en a qui ont obtenu leurs diplômes dans des domaines tels que : l’électricité, auto-mécanique, santé, administration pour ne que citer ceux-ci. Alors quel autre obstacle faut-il surmonter pour avoir du travail? Lorsque ces jeunes  fraîchement sortis des universités sénégalaises et maliennes se présentent avec leurs diplômes et attestations, on les rejette sous prétexte qu’il leur manque d’expériences professionnelles. Du coup, ils se voient disqualifiés pour des postes qui tomberont finalement dans les filets d’un proche parent de ce soi-disant directeur de tant….., les preuves sont là, et les employés de la Semos peuvent en témoigner, on peut les (preuves) apporter à quiconque souhaite les avoir.

 

 Il faut également rappeler un  discours de John Harris, paix à son âme, un  ancien responsable au sens propre du mot de la Semos, qui a dit: " …ces collines d’or qui entourent Sadiola seront un facteur important dans la lutte contre le chômage des jeunes du Mali en général et contre celui de natifs de Sadiola en particulier…. " (Un mémorial est dressé aujourd’hui dans les locaux de la Semos en l’honneur de cet illustre chef.) Ce discours a été perçu comme un phare illuminant d’espoir la jeunesse de Sadiola dans sa globalité, mais aujourd’hui, il est évident que la Semos,  à travers certains de ses responsables, il faut  le préciser, a foulé aux pieds  la bonne volonté de cet illustre disparu dont la justesse et l’humanisme sont sans reproche.

 

Quant aux autorités de l’Etat, elles préfèrent le lingot d’or au patriotisme sinon les problèmes sanitaires et environnementaux dont Sadiola souffre sont connus de tous, mais ce que l’on constate chez les autorités maliennes, c’est de demander aux agents de sécurité de renforcer le contrôle de cartes d’identité nationales des natifs de Sadiola en mouvement entre Kayes et leurs villages respectifs. Car tout passager qui ne détient pas de carte d’identité nationale est directement soumis au paiement d’une amende de mille francs Cfa entre Kayes et Sadiola. Il est important de noter que même les vieillards de quatre vingt ans ne sont pas à l’abri  de ce contrôle. Paradoxalement, il est évident que l’insécurité est devenue plus que quotidienne dans les villages riverains de la mine de Sadiola. A cela s’ajoutent des vols de bétails, viols de mineurs, privation des personnes de leurs terres cultivables au profit de la Semos pour ne citer que ceux-ci. Un village (Linguékoto) situé à 15 km de Sadiola n’a t-il pas été victime d’un enlèvement forcé de bétails en 2007 par une bande armée qui n’a pas hésité à tirer à balle réelle sur les habitants de ce village ? N’est-il pas dit que les agents de sécurité ont pour missions de: veiller sur la sécurité de l’Etat en général et sur celle des personnes et de leurs biens en particulier ? Un gendarme n’a-t-il pas été pris entrain de voler dans une boutique à Sadiola ?

 

Certes, il faut arrêter les gens qui portent atteinte à l’ordre public, au bien commun, mais force est de reconnaitre que le rapport du Bureau du vérificateur général est annuellement publié. Un rapport qui fait ressortir des milliers des cas de vols commis par des responsables occupant les hautes sphères de l’administration malienne; la suite, elle est connue. Aucun reproche verbal n’est fait à l’encontre de ces gens qui sucent nuit et jour  le sang des maliennes et maliens et personne n’ose les poursuivre en justice parce qu’ils ont les deux mains sur les manettes du pouvoir, quelle démocratie!!!  Et pourtant, ceux-là qui se livrent à de telles pratiques violent la Constitution du Mali dans son article 23 qui stipule que "tout citoyen doit œuvrer  pour le bien commun ". En conséquence, tout contrevenant à cet article encourt des punitions, pourtant ces gens qui figurent sur le rapport du vérificateur général n’ont jamais connu la prison. Et, il est clairement stipulé dans l’article 2 de cette même Constitution que " tous les Maliens naissent et demeurent libres et égaux en droits et en devoirs ….." peut-être, ces jeunes qui souffrent aujourd’hui dans le bagne de Kayes sont-ils autres que des Maliens.   Mais nous savons tous aussi  que le plus fort n’est jamais assez fort pour rester toujours le même. Et cette situation ne nous surprend pas, car nous voyons les miniers offrir des lingots d’or tous les ans. Oui au lingot d’or non au patriotisme, telle est l’idée qui prévaut chez les autorités maliennes.

 

Ces Malinkés dont il est question ne sont pas ignorants, ils savent comment les choses doivent se faire, mais seulement, on a fait la sourde oreille à ce qu’ils avaient demandé. Mais comme on le dit, un autre adage malinké " on peut dire à un orphelin qu’il est incapable de changer une situation bien déterminée, mais dire qu’il est incapable de constater des faits, cela relève du pur mensonge". Ces jeunes savent comment leurs pairs  du nord font pour se faire entendre, ils savent également comment les enseignants du supérieur maintiennent la pression sur le gouvernement pour faire passer leur message. Et l’on sait  ce qui se passe dans les coulisses pour tempérer la fureur de ces enseignants afin de mieux célébrer le cinquantenaire de l’indépendance du Mali  encore dépendant.

Au Mali, l’homme est jugé selon son rang social et son apparence et non selon ce qu’il représente au regard de la constitution du 25 février 1992. La plupart de jeunes de Sadiola sont entrain de vivre la géhenne dans  la prison centrale de Kayes pour avoir réclamé leurs droits par une marche pacifique.

 

Mais, par cet acte, les autorités de l’Etat viennent de créer un état de tension que le moindre incident peut transformer en conflit entre les exploitants miniers et les populations de la commune de Sadiola. Il ne s’agit pas d’emprisonner les gens, mais il faut faire asseoir les deux parties sur la même table de négociations. L’usage de l’épée appartient à une époque révolue. Même si l’Etat multiplie le nombre de policiers et de gendarmes à mille dans la commune de Sadiola contre ses populations, cela ne saurait être la solution, il est clair que l’emprisonnement ne peut plus résoudre ce genre de situations au Mali. Retournons à nos moyens ancestraux de négociation. Sachons qu’un Malien peut être parent d’avec celui avec qui on dîne tous les jours. Si l’on veut faire régner la paix dans notre  cher Mali. Gardons-nous de ce genre d’injustice flagrante. A la sortie de la prison, on peut pardonner, mais les rancunes resteront toujours gardées, donc la situation restera toujours explosive, libérez nos parents s’il vous plaît.

 

Kécouta Sissoko, ressortissant de Sadiola à Bamako

 Le titre et le surtitre sont de la rédaction*

 

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