Pour paraphraser l’ancien N°10, Issa Kaou DJIM : « le M5-RFP, est mort de sa belle mort ». De quoi s’agit-il réellement ? En effet, la dissidence actuelle qui se dessinerait au sein du M5-RFP, au bord de l’explosion a donné un regain d’intérêt à certains membres fondateurs qui ne partageraient plus la vision du président du comité stratégique, en occurrence l’actuel Premier ministre, le Dr Choguel MAIGA, et seraient décidés de mettre en branle des stratégies de récupération du mouvement des mains de ce dernier et de son clan. Le clan de la dissidence reprocherait au Président du comité stratégique de travailler à disloquer le mouvement pour des fins personnelles et d’autres le soutiendraient, sous prétexte que les acteurs de la dissidence ne se battraient que pour des postes et non pour les causes nationales, au détriment de l’idéologie fondatrice du mouvement.
Au demeurant, depuis un certain moment, ils se livreraient à des guerres de communication dans les médias et sur les réseaux sociaux. Chaque clan chercherait à avoir un contrôle sur le mouvement et son emprise sur ses structures de base, pour s’imposer dans le dessein d’être courtisé par les militaires et être invité sur la table à MANGER de la NATION. Le clan de la dissidence reprocherait au président du comité stratégique de les isoler et profiter davantage des retombées du mouvement avec ses alliés. Or, ils ont mené la lutte pratiquement pendant six dans les rues de la capitale, même si, les militaires sont intervenus à la dernière minute, pour parachever la lutte populaire ayant conduit au coup d’Etat du 18 Aout 2020. Par ailleurs, la semaine dernière, le président du comité stratégique, le PM a procédé à l’abrogation des décrets de nomination de plusieurs membres du M5-RFP, en service à la primature. Toute situation qui aurait contribué à fragiliser la paix, la cohésion sociale et les équilibres au sein du M5-RFP. Le fond de cette discorde ou opposition menée au sein du mouvement, résulterait d’un problème de légitimité du président du Comité stratégique du M5-RFP, par le clan de l’ancien ministre délégué à l’action humanitaire, éjecté du gouvernement, à la suite du dernier réaménagement ministériel. D’ailleurs, ce réaménagement a été l’occasion pour éjecter tous les ministres du M5-RFP, à l’exception de l’actuel ministre des réformes, monsieur Ibrahim Ikassa MAIGA. Cependant, l’éjection des ministres du M5-RFP du gouvernement dirigé par leur Président du comité stratégique a jeté du discrédit sur ce dernier. Parce que certains auraient pensé que c’est une trahison de la part du PM.
Dans un premier cas, les différentes tendances qui se dessinaient sous l’eau glaciale, se sont transportées aujourd’hui sur la place publique. Car, le vice-président par intérim, l’imam Oumar Diarra, aurait adressé une correspondance au Président du comité stratégique, en lui demandant de « clarifier sa position ». Mieux encore, lors de la conférence de presse du comité stratégique à la maison de la presse, le 03 mars 2024, l’Imam est allé loin dans les hostilités envers ce dernier « permettez-nous de conclure en lançant un ultime appel à Choguel Kokalla Maiga, président du Comité stratégique, à rassurer face aux graves accusations de manipulation qui pèsent sur lui et sur sa responsabilité éminente dans la situation actuelle notamment après ses déclarations à l’issue de son meeting du 1 mars. Nous lui donnons 72 heures pour respecter le fait majoritaire, prononcer la nullité des sanctions commanditées, travailler à restaurer ». Ce qui aurait débordé le vase serait lié au refus du vice-président, Bouba K. Traoré de non-reconnaissance de l’élection d’un jeune : « Le refus du même Bouba K. Traoré de reconnaitre les résultats de l’élection de Ibrahima Traoré dit Jack Bauer dont les candidats se sont imposés dans toutes les communes et entités renouvelées. A l’inverse, la quasi-totalité des candidats proposés par le camp qui avait choisi de s’opposer à lui au nom de Choguel a été éliminée. Pour ce faire, Bouba K. Traoré a osé fermer les portes du siège du MS-RFP le jour de l’assemblée générale élective des jeunes le 3 février et appelé les forces de sécurité jusque dans la salle de réunion du Comité stratégique le 22 février 2024. Fort du soutien de son mentor Choguel Maiga, il a eu la prétention de suspendre ceux qui ont protesté contre de tels agissements en quittant la salle ».
Dans le second cas, la relation indiquerait des oppositions manifestées par certains membres proches de l’Imam DIARRA, qui remettraient en cause la légitimité du président du comité stratégique, le président du comité stratégique à décider seul en leur nom, et se décideraient à poser des actes qui ne sont, ni de nature à honorer la vision stratégique, ni à fusionner les intelligences, les alliances stratégiques et l’entente en leur sein. Le climat de méfiance est devenu tendu avec la suspension de certains membres influents du M5-RFP par le comité stratégique, est perçue par le clan de l’Imam Oumarou DIARRA et ses alliés comme une trahison et une récupération du mouvement par le Président du comité stratégique et ses alliés. Ce faisant, eux et ainsi que leurs proches apparaissent relativement isolés et en conflits potentiels avec le clan de l’actuel président du comité stratégique du M5-RFP.
Cette opposition illustre le refus de partage de pouvoir (postes ministériels ou de directions générales et centrales pour certains cadres du M5-RFP) et indiquerait qu’il provient d’un manque de dialogue et de concertation entre les deux clans en rébellion pour la résolution des problèmes internes. Pour autant, le président du comité stratégique, non moins, Premier ministre, lors de sa rencontre avec les structures de base du M5-RFP, au pavillon des sports, aurait laissé entendre ceci : « Il y a des militaires qui cherchent à affaiblir le M5. Je les connais et je constate ce qu’ils font pour y parvenir. Je connais les noms de beaucoup d’entre eux et ils font leurs réunions toute la nuit. Ils veulent affaiblir le M5. Ils rassemblent les membres du M5-RFP pour leur faire croire que tous leurs problèmes viennent de leur président. On ne sait pas s’il veut être président ou pas. Ainsi, pour l’affaiblir, il faut dire que vous ne voulez pas de lui. De cette façon, quand il sera affaibli, il va se rendre ». Pour quel intérêt ? Serait-il rendu compte que son poste menacé à la tête de la primature ?
Historiquement, le M5-RFP, est un conglomérat d’acteurs, ce que les grands spécialistes en sociologie des organisations pourraient qualifier de « mouvement spontané de la société civile ». D’ailleurs, tous les observateurs élucidés en savaient que le M5-RFP n’avait pas un plan, à moyen et long termes pour la sortie de crise du pays, mais leur objectif était de faire partir le Président KEITA, car certains ministres ayant servi sous lui, n’auraient jamais accepté leur départ du gouvernement et être sevrés des deniers PUBLICS, parce que la perte d’un poste ministériel ou de directeur est assimilés à la perte d’accès aux ressources publiques au Mali. En plus, culturellement personne ne veut être appelé ancien ‘’ministre’’ dans ce pays. En outre, les acteurs potentiels du M5-RFP, n’étaient pas liés, ni par des convictions communes, ni par des visions communes, ni par des intérêts communs, mais par des situations de conjoncture, c’est-à-dire faire tomber l’ancien régime démocratiquement élu et se hisser au sommet de l’Etat pour la course aux postes et aux ressources publiques.
Pour preuve, le M5-RFP, n’avait pas été capable de s’entendre sur la proposition des militaires de désigner un Premier ministre en leur sein, puis qu’ils étaient tous issus (leaders) à l’exception de la branche des religieux de la vieille garde politique, et ne pouvaient aucunement se faire confiance, car ils se connaissaient suffisamment ayant servi tous les régimes ensemble, même celui du Président qu’ils ont réussi à faire tomber à travers la révolution de la rue. De ce fait, chacun connaissait mieux la capacité de nuisance de l’autre, comme ils tous plus ou moins responsables de l’effondrement de l’Etat-Nation du Mali, post-démocratique. Finalement, la rectification de la transition avait donné l’ultime choix au président de la transition de porter son choix sur l’actuel PM, sans consulter la direction du comité stratégique du M5-RFP. Et depuis la désignation de ce dernier au poste du Premier ministre, les dissidences avaient déjà commencé avec des attaques par presse interposée. En plus, depuis la rectification de la transition, l’ancienne autorité morale du M5-RFP, l’imam Mouhamoud DICKO, semblerait ne plus partager la vision de la transition et ne s’en cacherait pas à le dire à chaque sortie médiatique, entouré par ses fidèles. L’Imam Diarra qui est issu du rang des leaders religieux, va-t-il rejoindre l’Imam DICKO avec ses partisans issus de la fissure ou fracture du M5-RFP, à son retour au pays, pour créer un autre mouvement de contestation du gouvernement de la transition dans les rues de la capitale ? La question reste posée ! Le temps nous le dira avec le retour de l’Imam DICKO au bercail.
Les enjeux de pouvoir, de légitimité et de leadership oscillent entre les deux clans (celui du président du comité stratégique et de l’imam Oumarou DIARRA et alliés), dans la mesure où les ambitions seraient de nature extrêmement différentes et parfois opposées, voire conflictuelles : le clan de la dissidence dirigée par l’Imam Oumarou DIARRA, réclamerait l’héritage du M5-RFP et de ses idéaux et l’autre clan dirigé par le président du comité stratégique serait taxé d’être dans une dynamique de recherche d’options pouvoiristes. Nuance, certains acteurs du clan des frondeurs seraient aussi décrits par certains proches du président du comité stratégique du M5-RFP, le PM, comme des opportunistes et qui rechercheraient des alliances avec d’autres partis politiques, leaders religieux, mouvements syndicaux et autres acteurs de la société civile pour faire affaiblir le Premier ministre, en vue de le faire chuter. Les tenants de la division interne, sont en construction d’alliances avec de nouveaux acteurs politiques, en dehors de certains membres traditionnels du M5-RFP. Ces dites alliances décrites opportunistes ; elles seraient consubstantielles de l’existence du M5-RFP. Par rapport au clan de l’Imam Oumarou DIARRA, le clan du président du comité stratégique, serait plus dans une relation d’indifférence quant à l’union et à la cohésion au sein du mouvement populaire, les champs d’intervention étant relativement parallèles. L’adhésion de nouveaux membres au sein du M5-RFP, est de toute façon recherchée de manière systématique par les deux clans, en lutte pour exercer leur contrôle sur le mouvement ; mais la dissidence actuelle pourrait constituer un vrai handicap par rapport à cette attractivité, en termes de mobilisation des forces populaires de soutien aux actions du gouvernement de transition.
Le clan M5-RFP du président du comité stratégique, celui des forces populaires de soutien à la transition, serait dans une position plus confortable en provoquant de tensions particulières pour écarter ses anciens camarades de lutte, qui ne partageraient plus le schéma actuel de la transition, à l’exception toutefois, de certaines velléités de contrôle du mouvement et du choix du futur Président du comité stratégique du M5-RFP. Selon le clan opposé, le début des hostilités et des divisions internes du M5-RFP, seraient parti de la récupération du mouvement par le Président du comité stratégique, qui travaillerait en solo, sans consulter les autres membres fondateurs dans le but de les écarter. Cette situation exprimerait bien toute la contradiction conduite, telle qu’elle est menée réellement aujourd’hui, au renforcement des acteurs les moins légitimés par les structures de base de manière générale et souvent également les moins outillés pour mener ce travail de pacification et de restructuration de ces entités de base. Il convient de reconnaître d’une part que la tâche de certains qui joueraient à la division et à l’opportunisme est plus ingrate que solidaire pour construire des visions communes autour des idéaux du M5-RFP. Cela étant, il reste que généralement dans la majorité des structures nationales et régionales, et de base communes, villages, hameaux, fractions, quartiers, la diaspora – la plupart des membres historiques apparentés à la vision du Président du Comité Stratégique, le Dr Choguel MAIGA, se reconnaissent plus facilement dans les représentants d’associations de base ou de fédérations et dont le travail accompli serait souvent plus proche des besoins de soutien à la transition. Mais avec l’exacerbation des tensions au sein du M5-RFP ; beaucoup d’entre eux chercheraient à se repositionner éventuellement dès l’annonce du calendrier électoral dans d’autres formations politiques ou mouvements sociaux, si des solutions idoines ne sont pas trouvées pour concilier les deux clans en rébellion pour le contrôle des structures de base. Si le M5-RFP avait acquis une forte légitimité populaire avec l’arrivée de leur Président à la tête du gouvernement de transition doté de structures de base bien institutionnalisées, suite au rapprochement du Dr Choguel aux forces populaires et de son engagement à trouver des solutions aux diverses crises qu’a traversées le pays.
Au fil des temps et des intérêts divergents, les positions ne s’accorderaient plus dans l’intérêt supérieur de la nation. Chaque clan serait dans une posture de recherche d’intérêts personnels. A la lumière de ces divisions qui se dessineraient au sein du M5-RFP, les représentants de ces structures et associations auraient difficilement l’occasion de résister au regard des influences extérieures exercées sur eux et de certaines décisions impopulaires du Président du comité stratégique qui fragiliseraient du jour au jour la cohésion et l’union autour des valeurs cardinales incarnées. Cependant, certains observateurs et membres du M5-RFP montreraient à la fois la nécessité d’une re-légitimation de certains pères fondateurs isolés (suspendus), aujourd’hui par le vice-président du comité stratégique, mais également que celle-ci ne peut se concevoir sans l’accompagnement des autres acteurs influents, comme Mme Sy Kadiatou SOW, Cheick Oumar CISSOKO et de l’ancien Premier Modibo SIDIBE, qui auraient adopté une certaine méfiance notoire vis-à-vis des deux clans qui se battent pour le contrôle du M5-RFP.
Les mécanismes internes de résolution des crises du M5-RFP, à travers la mise en place d’une commission de médiation doivent prévaloir sur les dissensions et la fronde pour leur règlement. Le partage du pouvoir doit également être reconstruit au sein du M5-RFP, en dépassant les positions conflictuelles et partisanes, au risque de fragiliser les acquis historiques, voire la naissance d’un nouveau front de contestation des autorités de la transition. Pendant ce temps, le peuple observe !
Dr Bréhima Mamadou KONE
Chercheur en Sciences Po
Expert en politique et administration électorales
Analyste politique