Avec l’annonce de référendum le 18 juin 2023 d’un projet constitutionnel injustifié, inopportun et même interdit par la Constitution en raison de l’état de guerre dans le pays et son occupation par des forces hostiles, nous assistons finalement à l’acte I du mode d’emploi de la ‘’popularité’’ des colonels planifiée par la mise à la retraite de feu Ibk du 18 août 2020 et par la rectification du 24 mai 2021. Enfin donc, le coup d’État style «18 juin», date fétiche de Charles de Gaulle reprise comme en code partout de cette émanation, en particulier les différents ‘’accords’’ issus du processus d’Alger !
Ainsi «l’Accord de Ouagadougou» de 2013 pour voter à Kidal, et ainsi «l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali» ou «Accord d’Alger» de 2015 qui requiert de réviser la Constitution pour son application mais buta sur ‘’Ante Abana’’ en deux défaites de 2017 et 2019 ! En effet, les Maliens ont unanimement rejeté «l’accord», exécrant toute partition qui les affaiblit sûrement et mus par le rêve de l’unité africaine qui les rendrait à leur destinée d’avant les colonisations européennes et les invasions arabes. Les sponsors de ‘’l’accord’’ l’ont bien noté, évitant toute volonté populaire, d’où leur forcing révisionniste sur l’exécutif et auquel s’inclinent nos colonels malicieusement à travers cette ‘’nouvelle constitution’’, avatar de tous les ‘’accords’’, de Tamanrasset à Alger, pour ériger une place spéciale au Mali à quelques-uns au détriment du reste !
Les colonels actuels, qui ont largement démontré que la guerre est une affaire trop sérieuse à confier à des militaires, veulent donc obtenir au forceps la révision tant recherchée pour ‘’l’Accord d’Alger’’ dans un ‘’référendum’’ où l’on ne peut voter que dans de rares îlots urbains et avec n’importe quelle pièce d’identité, tant l’insécurité et la précipitation sont grandes et tout aussi la fraude escomptée ! Les zones rurales sous occupation ne pourront ou ne voudront voter et la plupart de ce pays, surtout musulman, ne voudrait le faire, tant et si bien qu’il s’agirait plus d’un équivoque référendaire, un acte plus d’imposition et de dol que de participation.
AA – NC
C’est un secret de polichinelle que l’archi-gagnant projeté est l’abstention et le ‘‘grand’’ gagnant de la faveur officielle est préfiguré par le flop d’un Stade du 26 mars clairsemé ce jeudi 8 juin en dépit de la demi-journée fériée aux frais de la princesse Batouli et aux noms de tous les corps constitués de l’Etat …‘’n’agissant pas en leurs noms’’ !
La bonne logique soupière démasque enfin une connivence politicienne longtemps cachée ! Le peuple a parlé au Stade et ne veut rien savoir de cette votation dont les patriotes et en particulier la jeunesse voudront bien noter des résultats forclos d’avance, nuls et non avenus pour le Mali et pour l’Afrique ! Voyons-en d’abord cette association ‘accord’ d’Alger – nouvelle Constitution…
Pas moins que le Centre Carter, sous la plume de son observateur indépendant pour huiler le travail de la Médiation Internationale, s’était diligemment prêté au clin d’œil vers les parties signataires que les exigences essentielles de ‘’l’Accord d’Alger’’ (ci-après AA) ont été prises en compte dans la nouvelle Constitution (ci-après NC) ! Sans être exhaustif ni fastidieux, disons tout net que les exigences suprêmes de la mise en place de la 2è chambre du Parlement à appeler Sénat ou toute autre appellation valorisante (AA art. 6) est actée (NC art. 95, 97) plus la préséance du Sénat pour les projets de loi visant l’organisation du territoire et des légitimités traditionnelles entre autres (NC art. 119). De plus, l’exigence de la mise en place d’une architecture institutionnelle permettant aux populations du nord le principe de la libre administration (AA art. 6) est octroyée gracieusement (NC art. 176). Last but not least, les exigences de nécessité pour l’État de refonder (!) sa vision du développement local (AA art. 31), permettre l’union de deux ou plusieurs régions (AA art. 32) ainsi que la création d’une zone de développement des régions du nord (AA art. 33) sont obligeamment accommodées (NC art. 176). Même l’histoire des langues et écritures locales était une exigence AA complaisamment politisée pour mieux la noyer dans la NC !
Pour résumer et clore cette petite entrée en matière, rien de plus appétissant que la grande fanfaronnade de la Refondation avec, excusez du peu, A.n.r (mais aussi D.n.i) et ministère de ce nom, qui n’ont originalité ou patriotisme de qui que ce soit que du Mnla, puis la Cma et leurs commanditaires ! Évidemment, pour entretenir la ferveur référendaire de Maliens pavloviens, on exhibe une soi-disant opposition de la Cma pour boucler l’entourloupe… ! C’est la tragédie de notre élite !
Comme le prévient un article précédent par le biais d’un proverbe mandé, la prise de décision à l’insu du partenaire est le début de la trahison ! Charmante thématique qui a été longuement traitée dans une série d’articles l’an dernier sur la gouvernance de la transition destinée à amener les gens à réfléchir dans le tintamarre créé par les légions de vidéomen et de ‘’panafricanistes’’ pour couvrir les odeurs délicates par le vernis de patriotisme…
Ainsi va la popularité à coups d’escarmouches diplomatiques contre la France, de scoops d’influenceurs et fabrique d’opinion et des parades télévisuelles de matériel militaire qui ne libère pas le pays… C’est une vraie tragédie de voir l’élite de ce vieux pays se vautrer par ors et per diems dans un maquillage constitutionnel qui veut réunifier le poisson sec et l’eau ! Je vous fais fi des prétextes ‘ni pour ni contre’ de la fourberie…
Le chorus qui se prépare pour le oui référendaire mobilise étonnement ces fameux ‘patriotes’ ou ‘intellectuels’ qui le sponsorisent et, moins étonnement, selon l’édito d’un journal de la place, ‘’tout le gratin politique et les dépotoirs politiciens du pays’’ achetés à venir démontrer au peuple la légitimité ‘‘populaire’’ de la ‘vision patriotique’ du premier de nos colonels. Quelle circularité démagogique qui ne trompe personne et confine à la traîtrise !
Malgré l’avertissement abondamment donné dans les articles précédents et par d’autres que ce moment sans précédent au Mali de conflits internes et externes où le pays est en guerre et sous occupation, n’est donc pas indiqué pour une réforme constitutionnelle. Nos enfants les colonels et ceux gravitant autour d’eux, ont préféré la fantaisie de la votation qu’ils appellent référendum en mettant en avant la distraction de généralités constitutionnelles de temps normal qui éludent la vraie question de l’opportunité d’un changement légal fondamental qui ouvre des brèches fatales de partition du Mali sous le prétexte de faux progrès.
Quand les balles sifflent et le pays occupé par des belligérants et des institutions étrangères tels des programmes bilatéraux, agences onusiennes et combattants de l’ombre qui s’accommodent de cet état de fait, on doit se consacrer à la libération pour instaurer la paix et, seulement après, discuter dans la sérénité les réformes constitutionnelles inévitables.
En effet, on ne solutionne pas le problème externe de la guerre par procuration par des réformes internes de personnalisation extrême du pouvoir et de parlementarisation bicamérale de fausse représentation nationale, le tout dans une opacité et distraction sur des concepts de laïcité, langues, démocratie, transhumance politique, etc. À quoi servent ces saupoudrages devant l’abime du découpage administratif illégitime et illégal ou de l’élection au suffrage universel indirect des trois quarts du sénat ? Faudra-t-il rappeler l’exemple cité par un politicien où des narcotrafiquants se font élire députés au nord en 2013 avec 80% des suffrages …ne dépassant pas 5 votants ! C’est le prix du complexe de sénat et de l’attrait immodéré pour le rang, l’argent et l’entregent ! Si tu sèmes du mil, tu récoltes du mil ; mais si tu sèmes du sénat, tu récoltes du sang : l’Afrique ne doit pas oublier son histoire antique de Carthage (il est vrai aujourd’hui arabophone) !
Le présidentialisme extrême ou la personnalisation du pouvoir vise non pas la force au chef mais sa solitude pour plus d’efficacité à tirer de sa trahison future… Voilà pourquoi on n’a pas institutionnalisé mais personnalisé le pouvoir, tirant la principale leçon du fiasco d’épopées de soldats Gmt, AOK, ATT ou IBK à sauver (paix aux morts !) ! Désormais, la trahison d’une seule personne suffit pour basculer son pays, par un accord de partition ou par un contrat commercial, sans passer par l’avis d’une quelconque assemblée !
Parlant de Parlement, les lois maliennes sont telles que le nouveau découpage administratif donne, sans consultation et sans consensus, une représentation politique démesurée voire majoritaire, dans le sénat et l’assemblée nationale, à des ultra minorités ethniques ou crapuleuses, la base légale d’introduire au moment qu’il leur plaira et sans coup férir, toute loi y compris de réforme territoriale !
Cette loi viserait sûrement moins le renforcement de souveraineté du Mali que sa sécession, comme les deux morceaux palpitants du Soudan actuel en train de se consumer ! Cinq personnes suffisent à élire un député au nord alors que la loi malienne attribue un député pour soixante mille sédentaires ! Ce découpage fantaisiste est le dernier exemple de cadeau illégal et défaitiste pour calmer rébellion et sauver régime, à l’instar des dattes et millions de FCFA offerts à une horde mercenaire d’invasion venant de Libye… ! Faut-il aussi dire qu’à l’instar de ces collectivités territoriales, la nouvelle loi électorale et sa cohorte d’Aige sont illégales et rien qu’anticipatives d’un projet de loi.
Maintenant que le mal de ne pas écouter les bons conseils de sauvetage va être fait, la question est la suivante: du désastre créé, comment les colonels vont-ils réparer le dégât ? Comment réparer le dégât monumental de permettre le mur du Mali se lézarder à volonté ? Comment gérer le désastre d’introduire des institutions étrangères dans notre pays qui permettent tout vagabondage à quiconque a la faiblesse du ventre, du pantalon ou de l’arc ?
L’évolution du Mali devait se faire dans le cadre de ses institutions endogènes par ses enfants capables de le faire sans la dictée étrangère. Construisons un pays à l’image de notre culture et inscrivons nos dynamiques sociales dans notre État ! Bannissons la régression politique avec un président qui, lorsqu’il trahit, peut rendre le pays à ses prédateurs et un parlement qui peut porter atteinte à l’intégrité du pays à tout instant ! Évitons la corruption des légitimités traditionnelles, dont le rôle normal est perdu par l’appât et le trafic des privilèges qui ne peuvent construire qu’une caisse de résonance ! Évitons les populismes comme les traductions en langues nationales ne s’adressant qu’à des alphabétisés en français d’un projet aux antipodes des aspirations populaires ! Activons nos journalistes à amener au-devant de la scène les émetteurs d’opinions qui sont utiles à la prise de conscience et non la marche sous anesthésie du troupeau qui va à la votation et demain à l’abattoir électoral !
Veille citoyenne alerte
En somme, les colonels sont déterminés à faire leur jeu, même si le Mali devait éclater, se glorifiant d’une ‘‘4è république’’ qu’on attribue faussement au peuple malien qui n’a rien encore demandé. Ce forcing est pour l’amnistie de tout ce que l’on sait ! C’est triste que des militaires assermentés et des intellectuels se livrent à un tel montage d’ériger des citoyens en entité spéciale au Mali ! Il faut se mettre à l’évidence que le slogan du ‘’Mali Kura’’ a refondé le ‘’Mali Koro’’ par l’excellent job des services étrangers d’inoculer au Mali un slogan idéologique utilisé par l’élite pour duper son peuple ! Le colonel qui a donné un délai de mars 2023 pour déposer les armes sous peine de rigueur n’a rien dit que l’oiseau chante autrement sur un arbre que dans un piège…
Le non-dit de la connivence politicienne d’hier avec le ‘’visionnaire patriotique’’ d’aujourd’hui doit être contré par la veille citoyenne alerte de l’après M5-Rfp avec les organisations propres, d’Urdac aux légitimités ou imams patriotes contre le faux référendaire. Les cauchemars des naufrages politiques d’antan ne laissent aucun doute sur ce que les fossoyeurs d’hier préparent. D’abord désavoués avec ‘’mandats d’arrêts internationaux’’ contre leurs dirigeants dans leur repaire abidjanais, ils sont ensuite réactivés pour passer ‘’l’accord d’Alger’’ sous forme constitutionnelle…
Après les reprises du train et de la Comatex, on dépasse le yabé de marquer contre son camp avec la Minusma reconduite, on va évoluer pour demander un VAR sur la Constitution, un VAR sur ‘l’accord d’Alger’ et le Découpage administratif comme on en a soumis d’autres sur les élections !
Il ne faut pas désespérer mais comprendre que la soumission des dirigeants à ce dispositif condamne les Maliens, comme disent les bambaras, le taureau qui voit le lacet qu’on lui tend et y met la patte !
Amadou Cissé
Fonctionnaire à la retraite de la Banque mondiale et
Ancien membre de son Conseil d’administration
Washington, DC