Alpha oumar konaré : «un africain du Mali» :Entretiens avec BERNARD CATTANEO(Cauris Editions, 2004, 176 pages)

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" Le Mali est ma terre, le Mali est tout pour moi. Rien que le Mali me suffirait. Je n’ai jamais conçu ma destinée ailleurs qu’au Mali. Si je devais aller ailleurs, ce serait pour y retrouver le Mali. Aujourd’hui plus que jamais, le Mali est une chance pour moi, être Malien est la plus grande chance que le Mali pouvait m’offrir. Je ne sais pas si les Maliens réalisent combien le Mali est une chance pour nous, ce que c’est que le Mali. J’ai vécu tout mon service pour le Mali comme une mission. Servir le Mali, je l’ai vécu comme un honneur, une faveur, comme une opportunité, comme une chance ".

Le chant de joie, ces accents enflammés et pathétiques et comme un récitatif syllabique à l’usage des écoliers, cette félicité sans contraste expriment une sensibilité riche et un optimisme heureux. L’amour de la patrie exprime fidèlement les états d’âme de Monsieur Alpha Oumar Konaré, dans un ouvrage au style limpide, dans lequel le souffle émouvant, délicatement lyrique, adhère de façon harmonieuse au développement de la syntaxe, et cette chaude effusion n’est certes pas du chauvinisme. La trame du livre est toujours celle, patriotique, panafricaine, internationale du Professeur d’histoire et érudit, qui ne se contente pas d’étudier le passé, mais veut le retrouver dans son essence, en l’inscrivant dans les cadres d’un vaste ensemble de sciences humaines.

L’auteur raconte avec fidélité et exactitude, grâce à une bonne mémoire et une connaissance réelle du milieu social, non sans tomber dans la littérature, et à travers une avalanche de noms et de portraits, la maison et la vie familiale. Pour, Alpha, la famille porte en soi une étincelle de l’univers.

Alpha, Oumar, Alpha Oumar pour résumer, né le 2 Février 1946 à Kayes est le fils de Dougoukolo Konaré, enseignant et grand Educateur libéral, dont nul ne peut se targuer de déceler l’état d’âme en quelque circonstance, et qui conçoit la vie de sa très grande famille à KAYES, comme l’expression de la personnalité et de la morale de l’individu.

La maison ne doit pas seulement offrir un degré plus ou moins grand de commodités et de décorum, mais être un lieu accueillant et ouvert à l’hospitalité et à la solidarité humaine, et qui accorde paix et réconfort à tous les nombreux visiteurs, même de passage pour boire de l’eau dans une des jarres généreusement disposées dans l’enceinte. Sa mère, Bintily DIALLO, Peulhe Khassonké issue d’une famille princière des Diallo du Khasso, et ses " soeurs " y veillaient, sous le regard affectueux de la grand-mère Fatoumata Bane.

On pourrait reprocher à l’auteur jeune d’avoir donné,. par trop dans son entourage, libre cours à une prédilection pour les êtres exceptionnels (le grand-père Moriké Konaré, homme pieux, enterré à Tombouctou dans le cimetière des 333 Saints, son frère aîné Moriké, les amis de celui-ci, Djibril AW, Abdoul BA, Goro Sidibé, Sarr Makan Dabo, lbrahima Ly, Hamady Diallo, Niébref lbrahima Konaté, Demba Diop, Souleymane N’Diaye et d’autres dont la renommée lui parvenait – Sékou Sangaré, Jean Djigui Keïta, Sékou Sissoko, Sidy Boukenem, etc). Mais il ne s’agit pas de portraits romanesques ni de louanges – dont il se méfie- mais le ferment d’une impulsion intellectuelle et politique très précoce.

Le jeune élève brillant, qui n’a toujours rêvé que d’être enseignant, se tient toujours près du concret : les passages concernant la vie scolaire et estudiantine, et la vie des idées, constituent des synthèses vivantes où la précision même des détails (l’origine Bambara et Peulhe, les totems des Konaré, l’école coranique, la circoncision, l’initiation, les séquelles d’une méningite, la voix rauque), et la justesse des termes (" l’épreuve du feu crée des liens pour la vie ", se marier, c’est épouser une fois ", s’il n’y a pas un confort de l’identité et de la personnalité, la responsabilité se fourvoie " etc.) conduisent à une véritable compréhension de l’homme, et, pour le lecteur, à une évocation vivante et comme revécue de cette époque dont on ne saurait parier de la pérennité.

A l’âge de dix huit ans, frais émoulu de l’Ecole normale secondaire de Katibougou et major de sa promotion, son premier poste est… Kayes, où maître du second cycle, il enseigne le français, l’histoire, la géographie et l’éducation civique, avant d’être admis sur titre à l’Ecole Normale Supérieure (ENSUP) en 1966, d’où il sort major de promotion avec une maîtrise en histoire et en géographie.

La hauteur de ses ambitions pour l’étude de l’histoire le conduira à l’archéologie et le caractère scientifique de cette matière n’empêche pas le livre d’être vivant, car dès que l’auteur parle des êtres et des pierres-ne fût-ce que pour les charger d’une signification intemporelle, c’est avec une pénétration de visionnaire sensible, qui ouvre à l’esprit d’amples perspectives.

Alpha compose des croquis de la Pologne socialiste, dans lesquels sont dépeints les aspects sociaux, politiques et religieux du pays, lors du séjour effectué pour leur Doctorat par un jeune couple malien. L’atmosphère en est fraîche et vive, non dépourvue d’humour, et est le prétexte à une rêvasserie qui ‘ressuscite le souvenir des amis de Kayes, de ses professeurs et de ses maîtres de l’école coranique, de ses condisciples de L’ENSUP, et ici plus qu’ailleurs, les deux thèmes fondamentaux, l’amour de la famille et l’amour de la patrie ont entre eux un lien dramatique : dans le second, l’auteur trouve peut être un léger dérivatif à la grande douleur de n’avoir pu supporter suffisamment l’autre : il garde enfouie en lui toute l’affection pour son grand frère Bouillé, décédé à l’âge de six ans. L’absurdité de cette disparition- ressentie depuis l’enfance et qui atteint à un lyrisme formel et à un chagrin éternel-ne peut être résumée que par le mot portugais " saudade ". Pour les étudiants maliens en Europe, à la nostalgie s’ajoute souvent une méditation originale sur l’histoire humaine, à travers laquelle s’exprime la grandeur féconde de la souffrance.

Ils ont aimé et revisité plus tard la Pologne, dont certains villages et visages sont peints en petits tableaux de la plus grande diversité et où naquit leur premier enfant.

Et c’est le retour au pays natal, en 1976. L’auteur, qui avait mené des activités politiques à L’ENSUP comme membre du bureau des jeunes de L’USRDA puis comme premier responsable de ce bureau, n’oublie pas qu’il a commencé très tôt à militer dans des syndicats, en assumant des responsabilités comme par exemple, cumulativement celle de Secrétaire Général des étudiants et celle de Secrétaire Général des travailleurs à l’ENSUP, où il était entré comme élève fonctionnaire.

Il a été aussi jusqu’à son accession à la magistrature suprême membre du Syndicat National de l’Education et de la Culture, continuant du reste à se considérer toujours comme un travailleur syndiqué.

Le déroulement de ces activités militantes est commenté de la manière la plus cordiale et la plus enthousiaste, car à ses yeux l’intelligentsia est chargée d’une mission proportionnée aux intelligences d’une époque peu spirituelle et sociale. Il en fut de même de son passage du RDA au PMT clandestin) en 1967.

Alpha retrouve au pays et fixe, avec une vive intuition du passé, toute une intéressante galerie de figures et de situations-Ah, oui, la colline de Badalabougou, colline du savoir et d’un pèlerinage particulier, dont les abords rappellent un matin d’Octobre 1967, où le relief s’embrasa tout à coup jusqu’à devenir transparent comme du verre en fusion pour laisser voir " une jeune fille svelte et bien habillée, au teint clair, très belle. A l’instant où je l’ai vue, j’ai su qu’elle était ma femme. C’était une nouvelle étudiante à l’Ecole Normale supérieure de Bamako, de surcroît section histoire-géographie… ".

Le lendemain matin et tous les jours, Alpha vint voir Adame Ba, résolu à lui assurer ses sentiments, et dans le silence et le.dialogue, passa entre eux le mot qui éclaircissait tout.

Ils se sont pris pour époux, devant Dieu, les familles, les amis (Cheick Oumar Dembélé, Bob, Bintou Sanankoua, Hamadoun Issébéré, Bacchus, Charles Danioko, Boubacar Gaye, Kalifa Tapo et tous leurs autres camarades de l’ENSUP) unis désormais dans la vie sentimentale, familiale, professionnelle, sociale et politique.

Ensemble, ils cultivent encore les valeurs de solidarité, de liberté, de justice, de partage et d’humilité.

Son combat pour la démocratie n’est pas parti

de rien.

" Depuis l’indépendance du Mali, beaucoup d’entre nous se sont mobilisés pour que les valeurs démocratiques soient celles sur lesquelles se fonderait le développement de notre pays. Cela s’est fait à travers des mouvements politiques connus ou clandestins, à travers des syndicats, des associations de la vie civile. Parmi tous les hommes et toutes les femmes engagés, on m’a peut être fait confiance à un moment donné. Hommes de très grande valeur à tous égards, certains m’ont précédé et j’ai travaillé sous la responsabilité d’autres dans diverses organisations-, mais on m’a certainement mis en avant parce que j’ai été à la tête d’un certain nombre d’organisations, telles que la coopérative Jamana ou la Mutuelle des Travailleurs de l’Education et de la Culture (MUTEC) qui ont joué un rôle décisif dans l’éveil des consciences, dans la mobilisation des énergies, dans le rassemblement des forces populaires. Je pense que celà a aussi un rapport direct avec l’engagement qui a été le mien de façon constante dans les organisations de jeunesse, dans les organisations d’étudiants et dans les syndicats ".

Il y a chez Alpha une volonté de tout comprendre, et surtout de comprendre avant de juger, de toujours partir de l’expérience et de ne la jamais quitter de vue, qui font de lui un des esprits les plus ouverts et les moins systématiques et les plus modernes de nos cadres. L’homme explique une décision particulière, que Pascal Baba Coulibaly résume : " voici un Ministre qui rend son tablier au chef de l’Etat pour désaccord ", (et quel Chef d’Etat, Moussa Traoré !), qui garde cependant son logement de fonction dix années de suite, son passeport diplomatique, ses entrées et sorties et, en tous les cas, les meilleures relations du monde avec ledit Chef d’Etat, au point de créer un journal d’opinion politique sans être inquiété ni surtout, sans être taxé de collaboration avec le pouvoir en place par l’opposition. Dans l’atmosphère du Mali des années 80, les répressions pleuvent. Plusieurs hommes politiques sont contraints à l’exil, d’autres sont emprisonnés, voire assassinés. Alpha reste debout (il aura quand même fait un peu de prison au début du régime militaire), au milieu des bruits et des clameurs, lisse et inaccessible… ".

Il n’empêche qu’au passage et sous le couvert d’une grande habileté, reposant elle-même sur des bases réelles, il répand une certaine incompréhension. Mais il s’en explique  : " Je bouclais mes 32 ans et j’étais en effet le plus jeune membre du gouvernement.  Pourquoi j’ai fait ce choix ? C’est une grande question qui, en son temps, a perturbé beaucoup de mes camarades. Je me souviens d’ailleurs de la réaction négative de ma femme quand je lui ai annoncé que j’entrais au gouvernement. Il a fallu plusieurs jours pour qu’elle comprenne. C’était un choix très personnel, qui n’était pas du tout dicté par l’envie d’avoir un maroquin, ou par une politique délibérée d’entrisme afin d’informer de l’intérieur "mon réseau" sur le fonctionnement du gouvernement. Non. Mon pays, en 1978, a connu une grave crise au sein du régimé militaire : les plus durs, ceux que l’on considérait à l’époque comme les "faucons", avaient été mis à l’écart. Un nouveau discours se faisait entendre. Des promesses de plus grande ouverture politique avaient été faites. Les activités politiques, qui avaient été interdites, étaient censées reprendre. Nous étions donc à un tournant, à un moment charnière.

Bien sûr, nous étions en lutte clandestine et il ne s’agissait pas de renoncer, encore moins de se remettre en cause. Mais il était important de pouvoir infléchir le  cours des événements, en acceptant des responsabilités. J’avais conscience des critiques qui pouvaient m’être faites, mais je savais qu’on pouvait faire changer des choses et susciter une prise de conscience. Il fallait agir sur les jeunes, les mobiliser, les faire sortir d’une certaine apathie afin qu’il osent avancer. Et je pense avoir beaucoup travaillé dans ce sens-là. Je sus réveiller une certaine confiance, j’ai pu faire naître des envies de se battre, de se regrouper. J’ai appelé les-jeunes à refuser, à dénoncer ce qui ne marchait pas. J’ai appelé les jeunes à se prendre en charge.

Je voulais que le pays, avec les jeunes à l’avant-garde, s’engage dans un débat politique qui n’existait pas. Car il y a eu des moments dans ce pays où même parler de politique était tabou, interdit et, a fortiori, parler d’idéologie, parce que dès qu’on parlait d’idéologie, on pensait au socialisme, au marxisme, on voyait la main de l’ancien régime.

J’ai engagé avec les jeunes divers grands chantiers. Au niveau sportif, nous avons lancé les club nationaux tels que le Sigui (Kayes), Nianan (Koulikoro) le Tata (Sikasso) le Biton (Ségou) le Débo (Mopti) le Sonni (Gao) l’Alfarouk (Tombouctou) et le Club olympique de Bamako à côté des grandes équipes existantes (le Stade, le Djoliba et le Réal) et de L’USFAS (Union Sportive des forces armées et de sécurité). Dês biennales sportives tournantes furent également organisées.

Dans le domaine culturel, toujours entouré de jeunes, nous avons jeté les bases des biennales régionales itinérantes, à Vocation culturelle et artistique. C’est à la même période que les projets de création du musée national et du palais de la culture ont vu !é jour. Ce fut aussi durant cette époque que nous avons lancé la foire du livre de Bamako, Folima.

J’ai donc accepté d’être membre du gouvernement, en me disant que je pouvais faire sauter le verrou, que je pouvais faire tache d’huile et que je pouvais aider davantage les citoyens à mettre le pays en mouvement … participation avait suscité un éveil et j’étais arrivé à déduire que plus rien ne pouvait se faire comme avant. Maintenant, il fallait continuer le combat par d’autres moyens. Bien sûr, à l’époque aussi, beaucoup de choses ont été dites, que c’était un échec, qu’on m’avait prévenu… j’ai assumé, car en m’engageant je m’étais dit ceci : «C’est bon d’avoir la pureté et la virginité, mais quand on a pour vocation d’enfanter, il faut savoir faire parfois certains choix».

Ma pureté, je n’ai jamais voulu l’échanger, la remettre en cause, ce n’était pas là le problème. Mais je m’étais dit qu’il y avait des compromis sans compromission, qu’il fallait savoir négocier. Par contre, quand j’ai vu que les compromis pouvaient ne pas m’être favorables dans ce nouveau contexte créé de toutes pièces, je dus changer de position et continuer le combat ailleurs ".

On peut y goûter la spontanéité et la bonne foi d’un homme animé par une sainte fureur, encore qu’il se dégage de l’ensemble une impression de monotonie, de déjà dit : Mais il ne se gêne pas d’avouer ce que l’instinct réclame impérieusement, sans amertume et dépouillé de toutes complications psychologiques. Il apporte cette sincérité brutale qui ne se discute pas et ne peut d’ailleurs se discuter, parce que les choses sont ainsi et qu’elles ne peuvent être autrement. Le désir de l’utile.

Le livre retrace le combat qu’il a engagé en tant qu’historien, en tant qu’archéologue, en tont qu’homme de culture. Il exalte d’une façon très accentuée le rôle des femmes et des jeunes dans la société.

Muswiman profondément croyant, doué d’une sensibilité délicate, il exprime ses pensées dans un style orné et solennel, et les entoure de ce climat mystique dont l’expression est parfois vibrante. C’est ainsi qu’Alpha, ce laïc qui sait qu’il ne se bat pat, tout seul, invoque toujours l’aide de Dieu, s’élevant étrangement jusqu’au calme du ,Ornoignage chrétien, qu’il trouve dans la compagnie et le souvenir de Monseigneur Luc Sangaré, avant, pendant et après l’exercice de la magistrature suprême.

Quant à l’animisme, croyance antérieure aux religions monothéistes dont elle a été la base mais qui la rejettent, Alpha développe une conception moniste de l’univers ; toutefois le monde est considéré comme ayant une existence réelle. Le Cosmos est partout, dans tout, imprégné par l’Absolu ; l’Absolu ne s’identifie pas avec cet univers, mais le dépasse : il est immanent à l’univers tout en le transcendant.

La dernière partie du livre est un dialogue entre deux joueurs d’idées, un laïc, l’autre théologien, sur l’âme individuelle commune à tous les hommes ; celui qui voit réellement la vérité, ne voit ni la mort, ni la maladie, ni la douleur : il voit le tout, il atteint le tout de n’importe quel coté.

En définitive, le musulman qu’il est conçoit cet aphorisme : " Respect de l’homme, quête de l’homme : on ne peut pas aller à la quête de l’homme si l’on ne croit pas en Dieu ".

La méthode de Monsieur Bernard CATTANEO, véritable maïeutique, évite avec bonheur de présenter les événements sous un angle fragmentaire, sans enchainement logique ni chronologique et sans possibilité de coordination, en sorte que le lecteur y gagne et peut se faire une idée d’ensepible suivant un rigoureux schéma rythmique. Malien Africain, pour Alpha la décentralisation conçue s’appuie sur une vision d’intégration, le continent étant un tout indissociable ,les frontières constituant des " points de suture " dans une option démocratique, autour des valeurs universelles que sont les droits de l’homme, l’Etat de droit, la défense des libertés , la bonne gouvernance, étant entendu que : " dans le débat démocratique, on ne peut pas emprunter le chemin de la violence ".Et de fait " le Mali est constitué d’un peu de tous les pays qui l’entourent ". " L’exigence démocratique veut que nous sortions des souverainetés octroyées pour aller vers des souverainetés négociées ,librement consenties , et réalisées par nous-mêmes " , sans occulter les réalités locales ou nationales , et en favorisant la cohabitation des groupes ethniques.

 Les entretiens avec Monsieur Bernard Cattanéo (genre littéraire qui constitue l’autobiographie indirecte) porteront sur l’école, l’univers familial, familier et fabuleux, O`u Alpha acquerra sa dimension singulière. Ici, sa déception constitue quelque chose d’unique. Ses promesses d’un monde meilleur furent contrariées par le manque de consensus, mais la doctrine que ce chapitre contient est une des rares compositions heureuses sur la nature complexe du système éducatif, exposée au nom du bon sens et d’une compréhension plus large des besoins de l’homme africain dans sa quête de tradition et de modernité. Il se désole de voir à quelles spéculations compliquées et gratuites se sont livrées les politiques.

Le livre ouvre un débat passionnant, lorsqu’il affirme de manière péremptoire que " la liberté de la presse conditionne toutes les libertés, ici et ailleurs ". Bien sur, ur, dit-il, "nous avons pris la parole à travers les journaux, à travers la radio, tout au long des grands rassemblements organisés, pour susciter les débats, pour permettre la libre expression de toutes les opinions, qui ont éveillé la dynamique démocratique ". La grande question est de savoir si la liberté de la presse est quelque chose d’absolu ou de relatif ; alors seulement on pourra se poser la seconde question : de quelle manière a-t-elle retrouvé sa propre mesure ?

Toujours est-il que dans le contexte du Mali, s’est fait jour une sensibilité plurielle admirable et irréversible, qui pénètre dans l’essence du fait social mieux que tout raisonnement. Le problème sera repris dans un autre chapitre consacré aux réalisations matérielles (Maison de la presse, Conseil Supérieur de la Communication, observatioa’ede la presse) et aux difficultés liées aux ressources et financements.

Sur la culture (notamment le concept du maya, de l’homme intégral) l’auteur développe des explications claires et profondes qui portent la marque d’un esprit singulièrement vaste. Formées de tous les éléments de la rhétorique usuelle, mais aussi de la contribution personnelle de l’auteur à travers sa formation et sa pratique ministérielle, il devine que les bases du sublime résident dans les recherches de style, le relèvement de la conscience, s’attachant au concept de l’art pris en tant qu’idéalisation du réel. Le grand art, sublime,- il aborde aussi l’univers des griots-nait de la noblesse d’âme et de la sincérité, et de la nécessité de reprendre un contact spirituel avec le passé. Il  y a dans les monuments et les sculptures un ravissement inattendu et total : l’âme du passant exulte comme si elle avait crée elle-même ce qu’elle a seulement reçu. La volonté de former les enfants des artistes et de leur procurer les bourses procède de l’idée que la grandeur de ceux-ci, même incomplète, vaut plus qu’une impeccable médiocrité. La culture est considérée comme le fondement du développement et non comme seulement une partie du développement.Le livre révèle un homme engagé, passionné et déterminé .Mais on y traque en vain les traces de l’exercice du pouvoir au quotidien ou les appréciations sur les hommes de son parti (l’Adema) et de son régime, ou sur ses opposants. La langue est très pure et le style, riche en images, abonde en souvenirs, en phrases harmonieuses et bien venues. De plus, c’est un document politique immense, sans doute conçu entre le monument de la paix et l’impressionnante statue de l’Osagyefo KWAME NKRUMAH, et qui dévoile la confiance de l’auteur en l’avenir démocratique de son pays, l’Afrique.

(En vente aux librairies BAH, Grand-Hôtel, librairie-Editions Cauris, 9000FCFA).

lawyergakou@vahoo

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