C’est nous qui devrions être considérés comme la matière première du Mali. Non les mines ! S’il vous plait, arrêtez de nous « banyengotiser » !
J’ai toujours fais mienne cette assertion de l’ivoirien Tidiane Thiam ; « …Un pays riche est celui qui a du capital intellectuel. Tout le reste est secondaire. Des matières premières dans votre sous-sol dont vous ne maitrisez pas la technologie nécessaire pour les extraire n’ont aucune valeur. »
Le Mali doit faire sienne cette assertion. Notre pays a des talents : maliens ou d’ascendance malienne. Je vais vous en citer quelques exceptionnels. Quatre talents dans le domaine où je me tromperais le moins : la culture ; et un talent dans le domaine du management.
Je vais commencer par le plus célèbre d’entre nous aujourd’hui, le footballeur Ngolo Kanté. Vous me demanderez surement en quoi un footballeur peut-être cité dans un cadre culturel. Le sport est une pratique culturelle parce qu’il développe du lien social, indispensable à la vie en société. C’est pourquoi Salif Kéïta « Domingo », Pélé, Ronaldino, Messi, les Ronaldo (CR7 et CR9), etc… sont considérés comme des artistes.
Ngolo Kanté est le talent d’ascendance malienne le plus connu au Monde. Il est actuellement le capitaine de l’équipe de France et fait partie des 4 joueurs de football les mieux payés au monde. Son contrat actuel de 4 ans est estimé à 100 millions d’euros, soit près de 65 milliards 600 millions de francs CFA : près de 45 millions de francs CFA par jour. Qu’est-ce que le Mali fait de Ngolo Kanté ?
De mère griotte, Aya Coco Danioko à l’état-civil, la française d’ascendance malienne Aya Nakamura est l’artiste francophone la plus streamée au monde. Le streaming est la lecture, sur Internet et sur les réseaux de téléphone mobile, du son ou de la vidéo. Aya Nakamura est ainsi beaucoup suivie en Asie, en Amérique du Sud, aux Etats-Unis, en Afrique…Son influence lui a valu d’être une des programmations phares des jeux olympiques de Paris. Qu’est-ce que le Mali fait de Aya Nakamura ?
Issouby Sacko, japonais d’ascendance malienne, premier président d’origine africaine d’une université au Japon, et Manthia Diawara, américain d’ascendance malienne, professeur émérite de littérature comparée et de cinéma et ancien chef du département d’Études africaines à l’université de New York, sont deux universitaires mondialement reconnus. Qu’est-ce que le Mali fait d’eux ?
Aujourd’hui coprésident du groupe Carlyle, un des gestionnaires privés les plus réputés au monde et acteur majeur des milieux du transport, des énergies renouvelables, de l’énergie, de l’eau et du numérique, le canadien d’ascendance malienne Macky Tall a été gestionnaire à la caisse de dépôt et placement du Québec d’où il a piloté, avec brio et félicitations du gouvernement québécois de l’époque, la construction du REM (le réseau express métropolitain) un des plus grands projets de transport collectif au Québec. Qu’est-ce que le Mali fait de Macky Tall ?
Je nous compte, Sidiki Diabaté et moi-même, parmi ces milliers de talents du Mali ou issus du Mali.
Sidiki Diabaté est l’artiste malien, résidant au Mali, le plus reconnu de sa génération au monde. Il a su créer une identité artistique qui parle à la jeunesse du Mali et de l’Afrique. Cependant, tous les professionnels de la culture conviendront avec moi qu’il a un besoin urgent de management professionnel à la hauteur de son potentiel. Sidiki ne doit plus s’appartenir seulement à lui-même. Il doit être considéré comme un monument national pouvant être au cœur de la construction et de l’animation d’un récit moderne du Mali. De cette perspective, quelle réponse doit apporter le Mali au cas Sidiki ?
Enfin moi-même Alioune Ifra NDiaye. Je suis un talent avéré du Mali. Ne vous en choquer pas, c’est une réalité. Je suis un des acteurs majeurs de la dynamique actuelle de la culture au Mali. De 2004 à maintenant, sans trompette ni tam-tam (j’ai interdit aux artistes et autres griots de me chanter), j’ai contribué à la construction ou au développement de la vie professionnelle de plus de 200 artistes, techniciens, managers et autres acteurs de la culture. Je suis producteur ou coproducteur de près d’une cinquante d’œuvres et événements culturels qui ont inspiré la plupart des événements culturels en cours actuellement. Parmi ces événements les plus connus on pourrait citer le bal de costume traditionnel de l’ORTM, Case Sanga de Africable, Manyamagan de BlonBa pour la télévision…. Pour les œuvres audiovisuelles, on pourrait citer Banyengo, Toundourou, Taane… Pour le Théâtre, nous pouvons citer « 52 » de Guimba, Sourakamousso Lalley de Dièman, Tanyinibougou de BlonBa,…ect.
Je suis coauteur du PNEC (Programme National de l’Éducation à la Citoyenneté) qui est considéré jusqu’à aujourd’hui comme le plus grand succès institutionnel et populaire en matière d’offres d’information civique et de construction citoyenne au Mali.
J’ai conçu, construit et professionnellement animé BlonBa, le premier centre culturel indépendant au Mali.
Cependant depuis 2014, à la suite de la fermeture de cet équipement, il y’a un système qui s’évertue, de manière organique, à nous empêcher de redémarrer normalement nos activités. J’ai été empêché de mettre en œuvre la première industrie de dessins animés et de jeux vidéo dont la tête de gondole était wokloni TV. Ce programme assurait au Mali près de 5 000 emplois directs et indirects au Mali.
Depuis 7 ans, beaucoup d’actions sont en train d’être cyniquement et froidement déployées, avec des sourires comme bonus, pour m’empêcher de redémarrer BlonBa que j’ai reconstruit à Bacodjicoroni.
J’apprends ces temps-ci beaucoup de choses distillées sur ma personne pour entretenir le système d’empêchement. Comprenez que si le système est déclenché contre vous, chacun, par réflexe, souvent sans le savoir, y contribue. Par exemple, une secrétaire met de côté un courrier important venant de votre structure. J’imagine avec un tchip ! Etc…Jusqu’au plus haut niveau.
Salif Kéîta « Domingo » a été victime de ce système. Qu’on l’aime ou pas, avec ses qualités et ses défauts (c’était un humain), Domingo est le premier grand talent du Mali reconnu mondialement dans notre histoire. Il est rentré avec un projet foot qui installait le Mali dans un développement durable par le football. Le système l’a tellement combattu qu’il en est devenu un acteur, et frustré jusqu’à sa mort.
Chers maliens, anw baw déli ! Ne faites pas de nous des frustrés. Arrêtez de nous « banyengotiser ». Nous sommes les mines du Mali. Mieux que la mine de lithium de Bougouni. Mieux que le complexe minier d’or de Loulo-Gounkoto.
Laissez-nous nous exprimer. Accompagnez-nous. C’est comme ça qu’on va construire une nouvelle dynamique durable post-crise.
Alioune Ifra Ndiaye