Alioune Ifra N’Diaye : ‘’Kalan ni kódón tè kélégné ! C’est vrai ça ?’’

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En tout cas, ‘’Kodon tè taa kalan kó » explique dans cette reflexion Alioune Ifra N’Diaye pour qui le Mali souffre de trois problèmes majeurs : son administration publique, le citoyen malien lui-même et notre rapport avec le savoir.

Notre pays a trois problèmes structurels originels :

  1. Notre administration en général et, précisément notre administration publique :

Celle-là, jusqu’à présent, n’est que le prolongement de l’administration coloniale. Elle ne travaille que pour elle-même et pour les possédants du pouvoir du jour. Chaque détendeur d’une parcelle de pouvoir est un « baba commandant », même dans le privé. Et les griots du système (les griots, les journalistes, les vidéomans, les influenceurs…) rayonnent dans l’art de donner une visibilité exceptionnelle au « baba commandant » du jour, le temps que sa page soit tournée et qu’eux-mêmes le traitent de tous les noms de Satan, en se mettant à la disposition du nouveau Baba commandant.

  1. Le citoyen malien lui-même :

Depuis la tentative en 1962 du Président Modibo Keita de doter le Mali d’une nouvelle dynamique dans le « horonya » à travers le code de la famille, fortement mitigée par sa propre révolution active, presqu’enterrée par les 10 ans de gouvernance militaire et les 14 ans du régime UDPM et, complètement ignorée par les régimes démocratiques, la question de réinventer le citoyen malien n’a plus été une question sociologique et politique majeure, or c’est celui-là qui doit être l’unité de mesure de tout projet de société. Pour l’instant, le citoyen malien est laissé à lui-même. Au lieu de définir son présent par le futur à construire ensemble, il a son logiciel complètement fixé dans un passé aux héritages largement conflictuels et régulièrement réécrits en faveur du prince du jour. Comme la nature a horreur du vide, les 30 000 mosquées du pays et les réseaux sociaux se sont emparés de son esprit et ont largement entamé son libre arbitre. Il est ainsi inscrit dans une infantilisation permanente.

  1. Et notre rapport avec le savoir :

J’avoue qu’il fut un temps où j’ai été presque convaincu par l’assertion « kalan ni kodon tè kélégné », comme si on pouvait être détenteur de savoir et de sagesse sans passer par le processus d’apprentissage. On nous a tellement ressassés avec cette assertion qu’il est quasi-impossible de ne pas y adhérer. Cette assertion est un hold-up culturel. Elle est tellement intériorisée par notre société que le détenteur du savoir (et du talent) est exclu de toute dynamique. D’ailleurs, celui-ci est quasiment classé dans la case des fous de la société.

Comment voudriez-vous qu’une société, qui a un mépris assumé du savoir et du talent, émerge ? Comment voudriez-vous qu’une société, qui a une indifférence endossée de l’apprentissage, puisse se mettre au travail. Pas au semblant de travail! Mais au travail !

La preuve ! Il nous est donné ces jours-ci d’observer des élèves sortir publiquement pour se plaindre du fait qu’on ne leur a pas donné la possibilité de « frauder ». Nous sommes également dans un pays où le titre de professeur a été régulièrement donné en conseils des ministres. Nous sommes dans un pays où le titre de Général est donné parce qu’on fait partie d’un groupe de militaires qui est arrivé à faire un coup d’État. Nous sommes dans un pays où le compétent qui affirme son dynamisme par le travail bien fait, la publication de ses points de vue, est considéré comme un «gonflé », donc immédiatement isolé, s’il n’est pas professionnellement « détruit ». C’est vous souligner jusqu’où le mépris de l’apprentissage et de la compétence est ancré.

Et pourtant, nous sommes issus de sociétés traditionnelles dont le principal « danbé» est le travail. Rien d’autre !!! le travail !!! C’est pourquoi d’ailleurs, elles étaient organisées en communautés professionnelles et non en ethnies. Dans les sociétés traditionnelles, si on vous disait Peulh, Bozo, Noumou, etc… on savait immédiatement quelle était votre itinéraire d’apprentissage, votre fonction et votre compétence. Et à la base, tous les codes de fonctionnement de ces sociétés ont été organisés sur l’apprentissage, le travail et un meilleur partage des fruits du travail. Si on doit donc aujourd’hui faire référence au « danbé » de nos anciens, le voilà notre «danbé » !!! L’apprentissage (acquisition de compétences), le travail, un meilleur partage des fruits du travail (solidarité).

Nous devons partir de ces principes et de nos problèmes structurels originels pour nous réinventer. Je peux me tromper, mais je ne crois que les réformes bureaucratiques soient la solution à ces problèmes structurels. Nous n’avions pas de mauvais textes dans les gouvernances passées. Il y avait plutôt une absence d’articulations entre ces règles et nos pratiques de tous les jours.

On est une société jeune (plus de 80% ont moins de 40 ans) ouverte aux nouveautés. Nous disposons d’outils modernes (le numérique) qui nous donnent des opportunités inimaginables pour nous réinventer.

Bon Dieu de Bon Dieu !!!! Sortons des petits jeux partisans ! Donnons le pouvoir aux compétences ! Rien qu’aux compétences !!!! Et je vous assure que nous allons surprendre le monde !!!

Toute cette digression pour vous dire que je ne suis pas d’accord avec l’assertion «Kalan ni kódón tè kélégné » !!!!  J’oppose à cette assertion que « Kodon tè taa kalan kó » !

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