J’avais dit que « le Mali c’est l’avenir du Burkina ». Le Mali est devant et le Burkina suit comme son âme damnée. Mais le propre des suiveurs, c’est que comme les caricaturistes, ils grossissent les traits.
Les gens de la brousse, pour employer un vocabulaire de nos campagnes, commencent par l’invocation de « Allah ». Ils tiennent le coran dans une main et la kalash dans l’autre main. Ils ont mis en place un système méthodique qui déstructure notre société dans le but d’implanter une autre selon les préceptes qu’ils croient lire dans le coran qu’ils tiennent. Qu’ils parlent le Peulh dans leur vidéo, n’induit en rien une visée communautaire.
Cependant, ils savent extraordinairement exploiter les ressentiments communautaires et les agissements inqualifiables dont peuvent se rendre coupables nos armées, comme le montrent les images des prisonniers que le JNIM dit avoir libéré dans l’attaque du 14e RIA.
Ces images rappellent les prisonniers de tristes mémoires droits sortis des geôles des SS. Un État ne peut pas faire ça à ses citoyens. Que pensez-vous que ces gens-là pensent désormais de l’Etat qui est censé être le leur ?
Il est évident que sous le soleil Souverainiste et panafricaniste, on se moque de ce que la terre entière peut penser de nos mœurs et de nos méthodes. Nous sommes chez nous et nous pouvons faire ce que nous voulons. Nous pouvons même nous déshumaniser. Nous pouvons retourner à l’âge cannibale. Ça ne regarde personne.
Les tenants de la souveraineté nouvelle n’ont pas conscience que l’humanité a fait une avancée extraordinaire en sacralisant la vie et le respect des droits humains comme une valeur universelle, inviolable et inaliénable. Sur les terres souverainistes et panafricanistes, on ne jure que par tuer et brûler. La vie humaine n’a aucune valeur.
Sauf que ce faisant, ils enlèvent toute valeur et tout sens à la société humaine qu’ils projettent. Aucun projet des hommes n’a de la valeur, si la vie n’y est pas sacrée ou si la vie y est absente. Dans les saintes écritures, il est formellement interdit d’ôter la vie. Pourtant la vie humaine n’a jamais été aussi banalisée que par ces temps que nous vivons.
La discipline fait la force des armées
Depuis un certain moment, dans nos villes se développe un autre extrémisme agissant dans les mêmes termes que l’extrémisme « des gens de la brousse ». Pour l’essentiel, les tenants de ce nouvel ordre ont le nom de « Allah » dans la bouche, mais eux parlent le mooré.
Malgré tout, ils ont le même mode opératoire. Ils n’aiment pas l’élite et les personnes ressources ou les personnes qui se sont réalisées. Ils sont violents et tiennent la vie humaine pour peu de choses. D’ailleurs il faut les écouter. Quand ils parlent c’est de « tuer, brûler et détruire… ».
Donc il n’y a pas de « vie » dans la société qu’ils projettent. Toute personne qui n’est pas d’accord avec eux ne mérite pas de vivre. Or justement nous nous sommes battus toutes ces années et depuis l’existence de ce pays pour que ceux qui ne sont pas d’accord aient non seulement le droit de le dire, mais d’exister.
En fait, le projet social sur lequel ce pays est construit, c’est la liberté de penser, de pratiquer la religion de son choix et le droit de ne pas être d’accord et de pouvoir le dire sans rien craindre en retour. Les deux extrémismes fonctionnant sur le même mode nous enserrent progressivement vers cette société « totalitaire et déshumanisée »
Autant « les gens de la brousse » ont explosé la société sahélienne, (les chefs, les imams, les CHEICK, les familles… ont été méthodiquement explosés) autant depuis peu, les gens « de la ville », par le même procédé sont en train d’exploser le reste de la société burkinabè (injures et invectives contre le moro Naaba et les Dima, défiance contre les chefs religieux qui ont encore une autorité, mépris des organisations politiques…
En fait, une mise à sac de la société par la fragilisation de ses piliers). Comme les gens de la brousse, ceux de la ville s’en prennent aussi à l’armée et aux FDS mais à rebours. Le procédé des « gens de la ville » est autrement plus désastreux que celui de ceux de la brousse.
Ils veulent casser l’armée en brisant sa colonne vertébrale. Car c’est quoi la colonne vertébrale d’une armée ? « La discipline ». La discipline fait la force des armées. Depuis le 24 janvier 2022, le syndrome de l’indiscipline s’est installé dans notre armée. Le coup d’État des capitaines a été un accélérateur de cette désarticulation. Pourquoi pensez-vous que les « gens de la ville » se sont mobilisés par la violence pour plébisciter le capitaine Ibrahim Traoré ?
C’est pour compliquer davantage le mal de notre armée. Elle n’a pas su faire face aux terroristes, elle n’a pas su préserver et protéger les institutions et depuis peu, elle est, elle-même, engagée dans un processus « d’auto destruction ».
La destruction du 14e RIA de Djibo est plus qu’un signe
Les problèmes de notre armée sont tels aujourd’hui que c’est plutôt elle qui constitue le problème du Burkina. Il ne s’agit pas d’une critique des capitaines. Ils n’y sont pour rien. Le capitaine Ibrahim Traoré est certainement un officier de valeur. Mais réalise-t-il l’engrenage dont il est l’instrument ?
Ce qui vient de se passer à Djibo récemment avec la destruction du 14e RIA est plus qu’un signe pour ceux qui ont encore la capacité de réfléchir et qui acceptent vraiment de réfléchir. C’est la première fois que les terroristes s’attaquent avec succès à une cible de cette taille. Jusque-là, ils s’en prenaient aux détachements en situation avancée et en effectif modeste.
Avec l’attaque du RIA, ils montrent désormais qu’ils peuvent s’en prendre à des régiments. La cible militaire la plus solide de notre ordonnancement militaire. À notre connaissance, nous n’avons pas pour l’instant de brigades. Nous avons au sommet, des régiments commandés par des lieutenants colonels. Les brigades dans la doctrine militaire sont placées sous le commandement d’un général.
Avec l’attaque du RIA de Djibo, nous avons franchi une étape de fragilisation dangereuse de notre armée. Si c’était un régime civil qui dirigeait le Burkina aujourd’hui, il n’aurait pas échappé à un coup d’État. Il se trouve qu’il n’y a plus de régime civil pour servir de bouc émissaire. C’est l’armée qui est en responsabilité. Elle se trouve face à ses propres turpitudes. Que va-t-il se passer ? À défaut d’un ennemi extérieur, il va falloir en trouver un à l’intérieur.
Nous sommes donc au lendemain des purges difficiles et peut-être sanglantes au sein de l’appareil militaire lui-même. Il y a des informations qui circulent qui pointent le refus de combattre des éléments du RIA qui étaient sous l’autorité d’un lieutenant-colonel.
Si ces rumeurs se confirment alors, l’armée qui était déjà fragile va au-devant des moments difficiles. Et sans le savoir, les gens de la ville, avec leur intrusion dans la vie militaire, ont amorcé une bombe qui va exploser la seule institution qui pouvait préserver le pays.
Évidemment comme on dit, le pire n’est jamais certain. Mais la logique qui se présente à nous est si bien articulée, qu’il faudra pour la conjurer, non pas l’ignorer ou faire la politique de l’autruche, mais bien la connaître et lucidement forger les armes pour y faire face.
Faut-il se laisser tenter par la fuite en avant, d’un recrutement massif des VDP ? Beaucoup de soutiens du capitaine IB l’y poussent. Notamment les VDP et les Koglweogo du Centre Nord. Quand on regarde les résultats de la lutte contre le terrorisme au Centre Nord, bastion des Koglweogo et des VDP, l’intelligence recommanderait la prudence.
Ensuite, dans une guerre quand les supplétifs sont 10 fois supérieurs aux unités combattantes, le risque évident c’est la création des chefs miliciens qui échappent à tout contrôle. C’est la voie royale de la partition du pays.
Une possibilité que le Mali se remette en COOPÉRATION avec la France
Faut-il se reposer sur la Russie ? Les gens de la ville ont fait ce choix et tiennent à l’imposer. Le régime des capitaines, peu importe ce que dit le téméraire Kyelem de Tambila, n’a pas le choix que de s’y plier. Sans le soutien permanent des « gens de la ville », ils ne tiendront pas une journée. Il se trouve simplement que le Burkina arrive un peu trop tard dans la cour du Tsar Poutine. Nos « gens de la ville » ne veulent pas prêter attention aux évolutions dans le régime des colonels au Mali.
Mais quelque chose d’inimaginable est en train de s’y produire. L’idée même que le brillant Abdoulaye Diop, ministre des Affaires du Mali, laisse entrevoir une possibilité que le Mali se remette en COOPERATION avec la France et en prenant soin d’indiquer qu’au Mali, eux ne se sont jamais attaqués aux enclaves diplomatiques, devrait faire réfléchir du côté du Burkina Faso.
Les Maliens arrivés tôt dans la tourmente terroriste et avec une société plus solide dans ses liens segmentaires pourraient et je suis d’avis avec Maix Somé, mieux s’en sortir que le Burkina où tous les piliers de la société sont explosés.
Les Maliens, qui sont un peuple pragmatique, reviennent de leur étourderie dans la lutte contre le terrorisme et c’est en ce moment que nous moutonnement nous y fonçons la tête dans le sable avec une société nationale désormais sans repères, sans piliers et sans autorités morales.
Enfin, terminons par cette exhortation « rien n’est impossible partout où règne encore l’INTELLIGENCE et la RAISON ». Allah aide, ceux qui s’aident !
Newton Ahmed Barry
Journaliste au Burkina Faso
NB : les intertitres sont de la Rédaction
Toutes les zones occupées par les HANI à l’instar de tout le sahel du nord et de l’Est sont des immenses prisons où les gens meurent de faim. Il ne doit pas être difficile de trouver des gens pour tourner des films d’horreur sur des camps de concentration à l’africaine Donc même libérés, ces supposés prisonniers restent en prisons. Et ceux qui tiennent les clés de la prison, ce sont les HANI.
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