Réformée en union africaine (UA) en 2002, l’organisation de l’unité africaine (OUA) a tout au long de son parcours exprimée et tentée d’imprimer au cour des choses du continent la volonté nécessaire d’unité et d’intégration du continent, cela pour un destin prémuni mais un retour radieux à notre passé prestigieux : cette Afrique là, avec les empires du Soudan (2500 avant JC), du Ghana (770 après JC), du Mali vers 1235, montrant notre fédéralisme passé. Sûrement motivés par ce passé fédéral prospère mais par la balkanisation outrancière d’après les indépendances et aussi en compétition de toutes sortes notamment politico-économique avec des entités plus expérimentées mieux intégrées donc plus représentatives, certains pères et leaders de nos indépendances en grands hommes ont flairé la nécessité d’alors de nous unir une nouvelle fois. Il s’agissait notamment de kwamé kourouma, Gamal abdel Nasser, Cheikh Anta Diop, Marcus Gavey, Thomas Sankara…
L’intérêt de l’intégration, une imbrication, un brassage intelligent de nos potentialités devant permettre la dynamisation de nos entreprises et autres initiatives mais le moindre coût de la vie par collectivisation et compensation. Sa définition pertinente à notre sujet dans le Robert : « Faire entrer dans un ensemble en tant que partie intégrante, assimiler, incorporation (de nouveaux éléments) à un système ». En effet, l’intégration est en notre modeste perception le plus pertinent acte d’intelligence économique africaine, ‘’continent des records négatifs’’. Et pourtant serait on tenté de dire, l’Afrique constitue un continent assis sur des potentialités naturelles mondialement recherchées. Jeune continent, il connaît une fertilité et une disponibilité d’espaces naturels unanimement convoités. Seulement, sa gouvernance, son intégration et intelligence économiques interpellent, au plus haut point, ses fils. L’Afrique, en effet, au lieu d’être une préciosité à attirer fait figure d’une proie à partager. L’intégration, l’unité, le fédéralisme africain fut et demeure la piste prônée, le parti pris partout et pour tout prioritaire.
Aujourd’hui encore, l’Afrique est un mendiant assis sur de l’or, voilà une formule populaire, et qui sied bien à la réalité africaine. En effet, elle possède 40% du potentiel hydro-électrique mondial, le gros des ressources mondiales de diamant et de chrome, 50% de tout l’or du monde, 90% du cobalt, 50% des phosphates, 40% du platine, environ 8% des réserves connues de pétrole et des millions et des millions d’hectares de terres arables inexploitées… Le marché africain constitué d’environ 1,5 milliards d’habitants, avec une dormance industrielle, d’où une dépendance en productions manufacturées pesante à l’Afrique, est favorable aux pays industrialisés. Cette attractivité du marché africain est d’autant plus vraie que la main d’œuvre bon marché et les potentiels naturels et humains poussent de plus en plus à des délocalisations vers l’Afrique. L’Afrique consommatrice de nouvelles technologies, d’armement, d’expertise de pointe, bref un client insatiable. Cependant, malgré ces richesses, son peuplement, le dynamisme et la jeunesse de celui-ci, l’Afrique est encore insignifiante dans la gouvernance et les échanges mondiaux, d’où sa malléabilité au gré de ses partenaires.
-L’intégration et l’intelligence économiques, deux réponses panafricaines pressantes au présent :
Alors que bon nombre de pays du continent vont fêter leurs soixantaines, l’emprise et la barrière de la désintégration et de la désorganisation, se dressent encore devant le continent. L’union fait la force, mais aussi l’union ou l’intégration fait le confort collectif par compensation et collectivisation. Quoique, continent fragmenté, balkanisé, fragilisé, le continent africain a connu et connaît, aujourd’hui encore des chantres de son imbrication, de son intégration, de son unification cela malgré une désertion de sa cause par la majorité des élites actuels : notamment avec de rares portes flambeaux comme C T Gadio de l’institut panafricain de stratégie (IPS), la militante tunisienne Aya Chébbi, responsable de la commission jeunesse panafricaine à l’UA. Naturellement, ce vœu d’unité est idéalisé, mais concrètement, il est étayé sur des possibilités de développement multisectoriel, notamment, politico-économiques. L’intelligence économique, de l’intelligence pour une économie compétitive, quand à elle, est une discipline ancienne, de plus en plus en vogue, mal connue chez nous et en Afrique même, excepté le Maroc.
Du point de vue économique, les deux principales considérations théoriques justifiant la formation de blocs commerciaux sont l’effet d’allocation (le signal entre consommateurs et producteurs déclenche une production efficiente). De cet effet est dérivé, les «effets d’échelle et de variété» (Baldwin, 1997). S’agissant de l’effet d’échelle, c’est une rationalisation par un marché plus vaste avec moins de protection d’industries inefficientes. En effet de variété, l’intégration offre des commodités aux consommateurs et aux producteurs. Le deuxième effet majeur du régionalisme, l’effet d’accumulation s’observe dans les circuits de l’investissement et du commerce (Baldwin, 1997). Dans les marchés régionaux davantage de fournisseurs sont attirés vers le marché régional ’’récepteur et répercusseur’’, d’où une concurrence profitable.
Aussi avec la mondialisation de l’économie, l’importance d’une bonne infrastructure de services est décisive. Il s’agit : des services de logistique commerciale (transport, ports, etc.) surtout que parmi les 31 pays en développement sans littoral, 15 sont situés en Afrique. L’intégration permettra des concentrations de projets économiques d’où une spécialisation régionale car la demande est désormais continentale. Toutes ces vertus de la zone de libre échange continentale africaine (ZLECA) rendront l’Afrique plus compétitive et faciliteront son intégration et représentativité dans l’économie mondiale.
Selon Wikipédia : « La zone de libre-échange continentale (ZLEC), est un projet de zone de libre échange en cours de création sur une grande partie de l’Afrique. Elle doit regrouper la zone tripartite de libre-échange, qui doit inclure le marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA), la communauté d’Afrique de l’Est (CAE) et la communauté de développement d’Afrique australe (SADC), avec d’autre part la communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), la communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’union du Maghreb arabe et la communauté des États sahélo-sahariens. [Le projet vise à regrouper au total 55 États dans une zone de libre-échange. Avec aujourd’hui, 52 Etats signataires, 24 ratificataires ». Cette intégration commerciale après une longue marche n’est pas synonyme d’adhésion totale des critiques sont soulevées notamment par l’économiste Jacques Berthelot pour qui : «la zone de libre-échange continentale devrait non seulement accroître fortement la dépendance alimentaire, mais aussi ruiner les éleveurs laitiers et les producteurs de céréales locales (mil, sorgho, maïs) et autres produits amylacés (manioc, ignames, plantains) […]. Si les APE sont si bénéfiques, pourquoi l’Union européenne a-t-elle refusé de diffuser les trois études d’impact (avril 2008, avril 2012 et janvier 2016) menées sur l’Afrique de l’Ouest ? » . Mais aussi, des réserves soulevées par le président du Nigeria Muhammadu Buhari déclarant devant le Parlement européen en février 2016 que le projet ruinerait son programme d’industrialisation. Pour l’Afrique de l’Ouest, le manque à gagner estimé en droits de douane s’élève à 32,2 milliards d’euros pour la période couvrant jusqu’en 2035. En réponse à ces alerteurs, comme dit plus haut une ou des cellules de veille devraient être érigées par concertation entre les différents ministères africains impactés notamment les ministères du commerce et des PME. Mais aussi, pendant que le géant dont fait figure les Etats unis se barricade, il faudrait clamer haut et fort ‘’l’Afrique d’abord aux africains’’ d’où s’il le faut un niveau d’accès restreint aux autres continents en attendant de résorber notre retard. Et même cette dernière option protectionniste pourrait ne pas être nécessaire avec le dynamisme de nos entrepreneurs soutenu et encadré (par exemple les femmes africaines sont premières en entreprenariat au niveau mondiale selon une étude internationale récente). En effet, au moment de l’épisode de dénonciation ou publicité déguisée de la multinationale Auchan, nous avions prôné des stratégies d’insertion dans ces grandes surfaces au lieu de leur fermeture car le modernisme y invite. Ce partenariat avec les organes commerçants occidentaux et étrangers ne sera possible qu’avec des unités de transformation-emballages selon les normes standards internationales comme le préconisent les technopoles annoncées dans le PSE sénégalais mais qui tardent à se matérialiser.
Ainsi, dans un contexte de mondialisation avec son rythme effréné, mais aussi son exigence de concurrence, de compétitivité, d’ingéniosité; l’heure est à la lutte et au positionnement stratégiques. Dans un contexte de course impitoyable aux profits, où on parle d’écoles de guerre économique à Paris et que 40% des ressources de la CIA seraient affectées à ces fins; la question colossale : quelle intelligence économique pour l’Afrique est en passe d’être résolue ; mais certes un accompagnement technico-stratégique est nécessaire pour prospecter et conseiller grâce à une observation d’ensemble du marché africain les différents pays participants. Cette intelligence conseillant permettra au divers pays de savoir tirer profit de la nouvelle donne, de ne pas se désister par pertes accusées quant à leur compétitivité. Or, l’intégration, la mutualisation ne doit et ne peut qu’être bénéfique : un responsable des douanes sénégalaises déclarait par exemple que le manque à gagner en terme de taxes douanières pourrait être rattrapé par les impôts car l’intégration doit aller avec un regain de dynamisme des activités productives et transformatrices. Aussi, Mme la ministre sénégalaise du commerce Diatta relève que la balance commerciale du Sénégal globalement et habituellement déficitaire est excédentaire au plan du commerce intra africain. D’où activer à bon escient par le Sénégal, la ZLECA nous permettra de rectifier le tire, plus exploiter le filon africain en exportation comme en importation pour arriver à une balance commerciale équilibrée au profit de l’Afrique remise en valeur. Dans ce registre, le Maroc fait figure d’exemple africain, elle est l’objet d’un consensus privé et public, mieux toutes les forces vives du royaume y contribuent: Etudiants, Diaspora, société civile, chercheurs (exemple de l’Ecole Supérieure de l’Industrie Textile et de l’Habillement, où une “cellule de veille technologique” a pour vocation de chercher les tendances et les innovations de l’industrie textile au niveau mondial et de les diffuser aux acteurs concernés. En effet, notre conviction est que l’intelligence africaine en gouvernance fondée sur la vigilance, la compétence, et l’endurance de l’intelligence (politique, économique, territoriale…) feront inéluctablement pencher vers plus et mieux d’intégration africaine.
La représentativité et la rationalité ainsi acquises seront politico-économiques, à travers «le réal politik», où point de frontière entre l’économique et le politique mais une symbiose, une simultanéité féconde, c’est une réconciliation de deux raisons. En effet, éparpillée la voix de l’Afrique ne peut aller loin, et elle se trouve contrainte au consentement face aux puissants en regroupements. Et, ce qui reste constant chez tous, est l’affirmation du (Pr. Makhtar Diouf, 1984): «Pas de développement en Afrique sans intégration économique…L’intégration de la production un impératif pour l’Afrique». Aussi, avec la crise de l’État-nation, la montée puis l’effectivité de la mondialisation milite en faveur de l’intégration, en atteste la création de l’Union africaine (2002) en remplacement de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA). De nos jours l’intégration est indissociable de la question territoriale, économique, politique, scientifique, technique…Et en vu d’un Etat fédéral africain, les panafricanistes de l’université de St Louis du Sénégal ont opté pour une démarche d’imprégnation à l’objectif, des universités aux lycées, l’érection de cellules panafricanistes est recherchée afin de vulgariser et populariser l’objectif. L’Etat fédéral africain est une urgence, on doit avancer entre avancés (les décidés) et attirer les attardés (qui ont besoin de voir sa bonne fortune future pour intégrer) et là ce sera par éligibilité comme le cas européen.
Le présent, où des entités de toutes sortes se conçoivent, par nécessité, dirons-nous, tant les alibis foisonnent. Mais surtout, le futur, qui inéluctablement, déroulera en face de l’Afrique de grands ensembles concurrents, où sans une voix unifiée et forte, l’Afrique demeurera la proie à se partager nous dictent des exigences. Et de là, le fédéralisme menant à la sollicitude collective à l’endroit de tous les démembrements de la collectivité; quel meilleur champ d’exercice du fédéralisme que l’Afrique? Continent où la culture d’entraide et de solidarité est encore, malgré le modernisme, présente et opérante! Continent où l’histoire s’est acharnée et a laissé des séquelles encore visibles et unificatrices! Continent marginalisé par les échanges économiques, relégué en marché de consommation et fournisseur de matières premières, dans des conditions souvent dictées! Continent où des groupuscules de tous genres et pour n’importe quel motif prennent en otage des peuples entre des feux nourris, sans craindre de représailles conséquentes! Continent où la mauvaise intégration des potentialités et économies se reflètent quotidiennement par le gain qui y est effectué par l’étranger, nos ressources nous sont renvoyées manufacturées (donc gain de travail et de bénéfices de l’étranger) !
A l’heure de ‘’cette surpression’’, la grande royale dans l’aventure ambigüe de Cheikh A Kane disait : « allez apprendre à vaincre sans avoir raison» d’où une invite à jouer dans la cour des grands où de la mondialisation avec la fin déclarée de la colonisation et à un moment où les relations internationales sont restées ‘’un bras de fer sous brouillard’’. Il s’agit donc de repenser pour panser le rêve déserté par des élites qui ont vaincu jusqu’à leur patrie. Cette rectification urgente sera un socle pour se propulser d’autant plus que les atouts et atours africains, ne font ni l’objet d’un secret, ni d’un doute, tant ils sont consistants.
Et pour conclure, s’il est une constante, dans la relation d’hier et d’aujourd’hui de l’Afrique avec elle-même c’est la nécessité d’unité. Donc à l’Afrique de décliner son intelligence organisationnelle concertée et coopérative. D’où vivement l’intelligence coopérative, concertée, économique africaine, passant nécessairement par son unité. Mais aussi, l’union, contraire du conflit, est aussi remède des conflits, d’où vivement l’Etat fédéral africain, fondé sur des bases scientifiques, claires et solides. L’unité, l’harmonie, l’intégration, l’ingéniosité, l’intelligence de la production, des économies, des peuples, des politiques, des positions…africains ; s’ils ne feront pas mal, comme le chante le chanteur, feront acquérir à l’Afrique, sans aucun doute, une toute autre position, que celui de ‘’continent des records négatifs’’, qui est la sienne. Ces exigences de connexion et coordination sont d’autant plus fondées que le pragmatisme des systèmes économiques étrangers concurrents, dans un monde globalisé, est redoutable (Cheikh Anta Diop, 1984). Dans ce sens, l’Etat fédéral africain gagnerait beaucoup à gérer une porte feuille de redynamisation, modernisation, ou actualisation des canaux de production économique grâce aux innovations scientifiques et techniques, donc d’intelligence économique. Et ceci sera un début de réponse à l’invite de la grande royale, de guérison du dessein et destin panafricains donc un bon vent pour la ZLECA dont les voies seront ainsi balisées.
P B Moussa Kane, doctorant UGB en Aménagement-développement rural,
DEA sciences PO, responsable commission scientifique du mouvement
des étudiants panafricains de l’université de St Louis (MEPUS)
Les Africains sont des champions dans la résolution des pseudo-problèmes. Qui a besoin d’être un expert pour savoir qu’il faut d’abord posséder quelque chose pour penser à l’échanger ? Ce continent est le dernier au monde en terme de productivité. Le manque de ressources humaines qualifiées adaptées aux besoins de développement des États africains en est la principale cause.
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