Acte de présence !

0

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Nous lisons avec un intérêt énorme les idées des uns et des autres sur le pavé lancé dans la marre par notre excellent frère Mr Ouattara Fatogoma et du supposé tract (nous ne l’avons pas lu) sur le sujet brulant de l’heure : La présence de l’ex chef de l’état le général Moussa TRAORE aux festivités marquant le cinquantenaire de l’indépendance du Mali. Chacune défendant de manière articulée leurs lectures des faits. Heureusement !

« Dans un temps d’ignorance, on a aucun doute, quand on fait les plus grands maux ; dans un temps de lumière, on tremble encore lorsqu’on fait les plus grands biens. On laisse le mal, si l’on craint le pire ; on laisse le bien, si l’on en doute du mieux » dixit Montesquieu. Faisons-nous mal ou voulons nous mieux faire ?

La première observation est que ce débat divise parce que n’ayant jamais été mis sur la table afin que, collectivement, les maliens expurgent de leur cœur leurs trop pleins de rancœurs mais aussi leurs préjugés.

La seconde est que pendant les deux décennies après la chute du Général, sauf erreur de notre part, en aucun moment il a été reporté que l’ex président ait accepté une quelconque responsabilité dans les évènements qui ont conduit au 26 Mars 1991 et de sa gestion globalement calamiteuse de 23 ans d’autocratie.

Le Saint Coran ouvre ses lignes avec ce libellé : « Bissmilaye Rahmane Rahim » Au nom d’Allah le Miséricordieux et le Tout Miséricordieux. Tous les croyants le savent, le Miséricordieux a aussi crée l’Enfer, lieu de séjour après le Jugement Dernier, de ceux qui ont outrepassé ses avertissements. Ne s’arroge t-il pas comme attribut : Shadidul Iqab : « Celui qui est sévère en punition » ?  Qui ne croit pas au jour du jugement (Youm al Qyama) n’est pas religieux.

Pour être pardonner il faut demander pardon. Ni Pharaon ni Karoun, les deux, contemporains de Moussa (ironie !) ne s’étaient repentis de leurs péchés par orgueil et par ignorance, deux maladies fatales aux hommes qui se sont cru des « surhommes ».

Dans le jugement crime de sang contre le régime de Mr TRAORE, Madame le Procureur de la République, Manassa DANGNOKO, dans son réquisitoire pointait du doigt la fuite devant ses responsabilités du Général président. Selon la liste qu’elle établit ce jour, Mr TRAORE n’avait pas vent de la création du célèbre camp de Taoudéni fait pourtant sous son autorité, il ne savait pas les circonstances dans lesquelles son prédécesseur président avait trouvé la mort en détention, il ignorait même les morts et la situation délétère que vivait Bamako pendant les journées chaudes qui ont précédé sa chute, etc… Madame le Procureur finissait par dire : Moussa n’était au courant de rien. Pourtant, Mr TRAORE avait promis l’enfer aux maliens. Messie des temps modernes, cet enfer s’est effectivement abattu avec une férocité inouïe sur l’immeuble du Sahel Vert, dans les rues du Mali et dans les familles. Dans son interview avec le Pr Baba KAKE, Mr TRAORE fait état de cette qualité en plus d’être entré dans l’histoire par effraction.  Le chef n’est il pas responsable des actes posés sous son autorité et surtout quand l’ampleur des faits est telle que nous l’avions constaté du temps du Général ?

Ne devrait il pas, des années après, exprimer des sentiments de remords ne serait ce qu’au nom de ses responsabilités morales ? Maintenant que certains laudateurs et sbires l’élèvent au rang de saint homme pour sa dévotion, et c’est vrai, à la prière et aux recueillements, ne devrait il pas au nom d’Allah demander le repentir pour les inévitables bavures inhérentes au type de pouvoir qu’il exerça ?

Sous la plus inique des dictatures, il y a toujours des fonctionnaires honnêtes et intègres qui servent la république. Il ne serait pas adéquat de les taxer tous de collabos à la solde du despote et les bannir tous du sérail politique national. Bien sûr, les zélés sont connus et, ceux là, la conscience populaire doit les en empêcher. Quelqu’un a écrit que les maliens ont pardonné l’ex président sous la signature d’Alpha O.KONARE.

Non ! Les maliens n’ont pas accordé la grâce à Mr TRAORE, A.O.K l’a. Non ! Les maliens dans leur vaste majorité n’ont pas accordé leur pardon au Général, ATT l’a. S’ils l’avaient fait, le problème de sa présence ne causerait pas ce bourgeonnement de pensée. Ses anciens collaborateurs qui se sont succédés à la tête de l’état ne pouvaient que le dédouaner en leur seul nom.

Un autre voudrait que si le premier président et son gouvernement ont été pardonnés alors Moussa et les siens le doivent aussi. Soit ! Comparaison n’est pas raison. Mais c’est oublier qu’il existe une différence qualitative entre les deux événements. Modibo a payé au prix fort et sans jugement les erreurs de ses orientations sous les mains du même Moussa. KEITA a subi la rigueur de l’arbitraire (il n’a pas été jugé) et TRAORE n’a pas subi la rigueur de la loi (il a été gracié). Ensuite, dans une correspondance officielle, il a demandé PARDON au peuple, à ses épouses et à ses collaborateurs. On nous dira que les époques sont le facteur discriminant. Il n’y pas d’époque pour savoir ce qui est humain de ce qui est bestial.

Nous le répétons religieusement à chaque instant, notre combat ne vise aucune personne en particulier. Aussi forts et grands que sont nos rois, ils sont comme nous. Dans notre point de mire, nous dénonçons constamment et toujours les tares de notre société, les croyances lugubres qui font que nous sommes cette particularité, les amalgames et les confusions, les raccourcis et les détours, etc. Donc, nous demandons une grâce : celle de ne pas être jugé d’être ici et là bas. Amen !

Ce cinquantenaire n’a aucun sens à être célébré de notre point de vue. Il devrait porter à la réflexion, au bilan, aux corrections, à définir des objectifs et à fixer des échéances d’ici le prochain cinquantenaire.

La présence du Général pourra sauver et donner un sens à ce qui est un gâchis en effort et en argent si, dans l’option qu’il soit présent,  il saisisse cette occasion solennelle pour lui aussi demander PARDON à ce peuple, pour exprimer ses sentiments de sincères compassions aux victimes de son régime de 1968 à 1991 et, enfin, prendre sa part de blâme dans l’état actuel du pays. Et si le Général ne peut se rehausser à ce niveau, qu’il s’abstienne volontairement comme il a pu le faire depuis vingt ans, de venir amuser la galerie des courtisans et des soupirants.

Dans  l’une ou l’autre des options, il va bien à ceux qui bénissent sa présence ou à ceux qui la maudissent, de méditer cette petite ligne de Paul Boese : le PARDON n’efface pas le passé mais il agrandit les voies de l’avenir. En effet pardonner n’est pas oublier.

Une contribution de Mr Haïdara Chérif (USA)
Haidara01@sbcglobal.net

Commentaires via Facebook :