Suite à l’article «Mali: le nouveau code minier va accroître la production » (Date de publication : le 1 septembre 2012 sur maliweb.net), concernant votre rencontre avec les opérateurs du secteur minier. Permettez-moi de reprendre ici les déclarations qui vous sont attribuées dans ledit article : «partager avec les acteurs du secteur minier, les ambitions des nouvelles autorités du Mali» ; « l’ ouverture de nouvelles mines, l’accroissement de la production d’ or, l’amélioration de la gouvernance dans le secteur» ; «favoriser le retour des investisseurs et partenaires, accroître la production minière afin booster les revenus en faveur de l’économie nationale, ce qui passera par la simplification des procédures dans le but de procéder à la recherche de nouveaux partenaires» ; «l’existence d’un nouveau code minier, qui a été voté par l’Assemblée nationale, favorisera cela ».
Monsieur le Ministre,
Nous Maliens pouvons dire : Dieu merci! Le sous-sol de notre pays n’a pas encore fini de livrer toutes ses richesses. Les pays occidentaux ainsi que bien d’autres se sont très intéressés au Mali depuis le fameux pèlerinage de l’Empereur malien Kankou Moussa à la Mecque. La quantité d’or qu’il avait emmenée avec lui avait provoqué un grand étonnement à l’époque : 13 tonnes d’or! Il s’est écoulé des siècles d’exploitation et de production effrénée. Malgré ceci, nous occupons actuellement la troisième place en Afrique avec 46 tonnes de métal jaune par année. En plus, de nouvelles mines d’or sont régulièrement découvertes dans notre pays, avec des réserves prouvées considérables.
Le prix de l’once ne cesse de grimper sur le marché mondial. Au moment où j’écris ces lignes, le cout de l’once est à 1690 dollars (845.000 CFA) à la Bourse de Londres. Soit 54.357 dollars par kilogramme (27.178.500 CFA). Si vous multipliez ce chiffre par la quantité d’or produite dans notre pays, vous verrez facilement combien de centaines de milliards de francs nous acheminons annuellement sur le marché mondial sous forme du métal précieux. Logiquement, les filles et les fils du Mali, nos mamans et pères, nos sœurs et femmes devraient vivre de nos jours dans une opulence plus ou moins relative. Nous devrions avoir suffisamment à boire et à manger à notre faim, être à mesure de garantir aussi bien la santé que l’éducation à nos enfants. Mais la vie pratique nous montre le contraire. Le Mali demeure encore ce pays qui tend la main à l’aide étrangère internationale. Nos femmes continuent à mourir en couches faute de matériel sanitaire, les tout petits Maliens, en majorité écrasante, n’ont accès a presqu’aucun bien sur cette terre. Nous sommes classés, malgré nos richesses colossales, parmi les derniers pays du monde.
Monsieur le Ministre,
Pouvons-nous dire que l’or malien brille pour les Maliens ? Le gramme est déjà hors de portée des Maliens à cause des prix spéculatifs sur le marché national. Comme si l’on s’efforçait de priver le peuple, surtout les femmes de porter des bijoux, de rendre ainsi notre monde plus gai par leur beauté. Si dans le passé il était possible de rencontrer des jeunes filles dont les tresses étaient remplies d’or, aujourd’hui des milliers de nos citoyens naissent et meurent sans jamais avoir vu, même à la télévision nationale, le moindre lingot produit au Mali. Les autorités gardent un silence de fer, similaire à une conspiration totale contre les intérêts du pays, sur tout ce qui relève de ce domaine. Aucune explication, aucun compte rendu au peuple, aucune information concrète. Partout c’est la langue de bois. Sauf des chiffres laconiquement communiqués en fin d’année sur les rentrées budgétaires engendrées par les activités des multinationales et dont nul ne sait la véracité.
Malgré que l’Etat ne bénéficie que de 18 ou 20%, certains cadres maliens sont en complicité avec les sociétés minières étrangères qui versent ainsi donc des miettes au pays, en se partageant sur notre sol natal le gâteau aurifère. Pendant ce temps, les produits chimiques nocifs déversés impunément ça et là déciment la faune aux alentours des chantiers d’extraction, le bétail des éleveurs périt, les terres se détériorent. A travers des mesures draconiennes arrêtées par les multinationales, leurs employés locaux connaissent des conditions de travail tant dures que précaires. Sur les sites d’orpaillage, des femmes, des hommes, même des enfants laissent leur santé dans le mercure ou parfois leurs vies, en cas d’éboulement, au fond des puits creusés de façon rudimentaire.
L’Etat n’exerce aucun contrôle! De grandes promesses sont faites habituellement aux villageois lors de l’inauguration des mines. Quelques semaines après, tout tombe dans les oubliettes ; la place ainsi que le gain reviennent aux mafieux du système, le malheur reste au peuple malien. L’évocation de ces problèmes que le citoyen lambda vit au quotidien donne l’idée que le Mali meurt de soif au bord de la rivière. Vouloir donc accroitre la production d’or pour gonfler les caisses de l’Etat, comme vous le dites, rappelle le bélier qui broute son ombre. Et pour cause, ce fait ne profitera qu’aux multinationales qui ont fait main basse sur notre première richesse, de même qu’aux fonctionnaires véreux qui les aident à creuser la tombe de notre pays. Nul ne sait réellement combien d’or est produit au Mali, quelle est la quantité exportée. Ou vont alors l’or et l’argent de l’or malien ?
Monsieur le Ministre,
C’est surtout le système de gestion qu’il faut plutôt changer complètement. Au lieu de chercher à retenir plus d’eau de pluie dans nos mains, nous devrons poser des calebasses pour ne pas recueillir que des gouttes. Au fil du temps, nous nous sommes aperçus que le Code minier en vigueur, élaboré on ne sait comment pour être attractif, a largement ouvert le chemin du paradis, y compris fiscal, aux sociétés minières étrangères qui opèrent très malhonnêtement dans notre pays. La nécessité de la relecture de ce Code s’impose plus que jamais. En dehors du fait que notre Etat ne perçoit que de la poussière au lieu de l’argent car la part qui lui est reversée est notoirement dérisoire, Il est très étrange en effet de voir dans l’ensemble les Etrangers seuls bénéficier pleinement de notre or au moment où les nationaux ont toutes les peines d’y accéder ou de l’observer simplement à l’œil nu.
Le laxisme qui prévalait dans le pays a conduit à l’apparition d’une pléthore d’escrocs de tous genres. Nombreux sont ces Etrangers qui voulaient se procurer un peu d’or, mais qui ont été escroqués sans qu’aucune punition soit appliquée contre les malfrats qui ont des complices à plusieurs niveaux de l’administration malienne, au sein des structures compétentes du domaine de la vente. Comment attirer de petits investisseurs censés être plus effectifs que les multinationales qui pillent le pays, quand l’image du Mali est sérieusement altérée suite aux activités criminelles de ces escrocs qui vivent paisiblement à Bamako sans craindre même d’être dérangés par une information judiciaire ? Le pire est que le sentiment est déjà né qu’ils bénéficient de protection au plus haut niveau, que le Mali est une nation de gangsters, de la base de la société jusque dans les salons des ministères. L’image du pays est, dis-je bien, sérieusement altérée par le manque de volonté de lutter effectivement contre ces bandits, mais le paradoxe est que le gouvernement continue à lancer des appels aux investisseurs. L’argent se gagne si difficilement qu’il n y a aucun sens d’aller le jeter au Mali par la fenêtre!
Les autorités ont l’obligation d’assainir le secteur minier malien, de le débarrasser de ces multiples « vendeurs » qui ne guettent que l’argent facile en trompant les autres. Il faut des mesures hormis la relecture du Code minier. Par exemple, la création d’un site gouvernemental ou se trouve toute l’information sur les lois régissant la vente-achat de l’or dans notre pays, sur les comptoirs agrées et fiables qui seront sous contrôle strict. Les exemplaires des documents légaux (si possible non téléchargeables et copiables) doivent y figurer. Les acheteurs, qui sont aussi en quelque sorte de petits investisseurs, auront la possibilité de prendre connaissance d’un tel site, d’avoir les références nécessaires sans se faire incessamment inviter à Bamako ou ils ont toutes les chances de tomber dans les pièges des escrocs.
Comme beaucoup d’Etrangers ont perdu des sommes colossales dans le paiement des frais d’exportation que les bandits exigent préalablement pour livrer « l’or », le gouvernement devrait permettre que ces frais d’exportation, qui reviennent de fait à l’Etat malien, soient versés directement par les acheteurs sur un compte spécial de l’Etat. Les clients auront ainsi en main les talons de virement légal et sécurisé. En cas de non livraison, ils peuvent retirer en totalité ladite somme sur demande introduite auprès de l’autorité compétente.
Le comptoir agrée qui a conclu le marché se présentera avec les documents aux départements compétents pour entamer les formalités d’exportation, après avoir déposé la marchandise dans une banque ou structure officielle chargée de l’acheminer en toute sécurité vers l’acheteur. Ces mesures élémentaires permettront d’exercer un contrôle effectif sur les sorties de l’or, de recouvrir en intégralité les taxes et impôts qui se perdent dans les poches des escrocs, de protéger les acheteurs contre des pertes inutiles d’argent et de relever l’image du pays ainsi que celle des vendeurs honnêtes. Il va de soi que lorsqu’il s’agit de déposer bien avant l’or dans une banque pour son acheminement, celui qui n’en possède pas connaitra des difficultés d’en offrir aux clients.
Monsieur le Ministre,
Vous savez sans doute que beaucoup d’or sort illégalement de notre pays. Les causes de ce phénomène doivent être examinées minutieusement. S’il s’avère qu’elles résident dans le fait que la vente légale de l’or n’est pas bénéfique à cause des taxes ou des prélèvements sur les bénéfices de vente, pourquoi ne pas les rabaisser afin que les citoyens gagnent davantage, que leur activité leur soit plus rentable? Mieux vaut, dans ce cas précis, percevoir de petites entrées budgétaires régulières et permanentes que toutes les astuces actuelles utilisées pour éviter tout payement, ce qui est une perte sèche pour l’Etat. Vous conviendrez que plus les citoyens ont de l’argent, moins ils demandent à l’Etat. A la rigueur certains qui sont plus ou moins honnêtes diminuent les quantités à l’exportation pour « ne pas trop payer » selon leur expression. En rabaissant d’une part les prélèvements (si c’est cela la cause des malversations), les mesures rigoureuses seront introduites de l’autre pour réprimer les évasions fiscales, les sorties seront prises sous contrôle. Ce rabais pourrait permettre de découvrir les quantités réelles qui quittent le pays, peut être même qu’il rapportera encore plus dans le budget en faisant sortir du fond des eaux la partie non visible de l’iceberg.
Monsieur le Ministre,
Vous avez parlé de bonne gouvernance et du nouveau Code minier. Votre initiative est à saluer. Cependant permettez de vous rappeler aussi que malgré la grande production, nous n’avons aucune raffinerie dans le pays, contrairement au Ghana qui en possède. Que nous souhaitons savoir; mieux encore nous exigeons de savoir ce que deviennent les richesses du pays, plus particulièrement l’or. Nous espérons que le Mali a changé, que nous avons tiré assez de leçons de nos agissements irresponsables d’hier à cause de la crise qui secoue actuellement le pays, et que rien ne sera comme avant. L’or est un cadeau que Dieu nous a donné en quantité énorme.
Un cadeau de Dieu doit être pris au plus grand sérieux par celui qui respecte et a peur de Dieu.
Une contribution de Mr Sekou Diallo, Alma Ata, Kazakhstan.
Y aurait-il un esprit superstitieux dans ce ministère…? En à peine cinq ans, c’est au moins le quatrième ministre dans cette maison prénommé Amadou ou Ahmed…! Je plaisante… 😉
Bravo une très belle analyse
En ce temps trouble, les charognards en profitent pour passer des accords suicidaires contre le peuple malien pour l”exploitation de l’or. Des antihumains sont nos intellectuels qui nous gouvernent.
Merci pour votre article qui ne parle que de la pure vérité. Au lieu que la production d’or nous profite, c’est tout à fait le contraire.
Aujourd’hui le licenciement de près de 600 miniers est prononcé à travers les mines d’or de Sadiola et Loulou pour fait de grève, et l’état qui est interpellé n’a encore levé le petit doigt. Les multinationales sont entrain d’abuser des maliens au vu et au su de tout le monde. Hier c’était le cas de licenciement de plus de 300 travailleurs de la Somadex sans droits ni rien. Que vaut ce métal si les gens continuent de mourir alors que lui même absolument inutile c’est parce que il est choisit pour en être les signes? <> A quand la fin de cette injustice sociale?
Brillante contribution Mr Diallo, j’ interviens rarement sur maliweb pour faire des commentaires, mais votre analyse est tellement pertinente que je me devais de réagir. Merci pour votre patriotisme vous et tous les maliens de la diaspora. les meilleures contributions sur les sites d’ information consacrés au Mali viennent de vous fils du Mali partis se former à l’ étranger. J’ ai également lu une bonne contribution de cet autre étudiant malien en France sur maliactu, par rapport à la crise du nord. Eassayez – de vous organiser ,de prendre contact les uns avec les autres ,car le salut du Mali viendra de vous, j’ en suis convaincu. Encore merci pour votre clairvoyance et patriotisme.
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