Non, ce n’est pas le titre d’une des célèbres fables du poète français Jean de La Fontaine, mais bien la réalité du moment. Entre l’aveuglement des observateurs et du gouvernement malien, l’ombre de Iyad Ag Ghaly et les marionnettes qu’il manipule pour servir de sombres desseins, les pourparlers d’Alger III semblent promis au chaos. Comme Alger I et Alger II avant eux. L’attaque à la roquette – ou au mortier- du 7 octobre au soir à Kidal, qui a fait un mort au sein de la force onusienne, est venue prévenir les derniers optimistes et ajoute à la confusion semée par les précédentes négociations.
Un homme profite pleinement de cette confusion : le « vautour » Iyad Ag Ghaly. Une confusion que les « azawadistes » avaient largement alimentée, aux cours des négociations d’Alger II, sous le regard satisfait de l’ancien leader d’Ansar Dine. Le lancement des tables thématiques, il y a tout juste un mois, avait en effet donné lieu à une gigantesque cacophonie où les quelques acquis – l’interdiction d’évoquer l’indépendance de l’Azawad, en particulier – avaient volé en éclat, contribuant à noyer le débat. Depuis, les « défilés » pour l’indépendance se multiplient au nord du pays, tandis que le dossier passe définitivement des mains du ministre de l’intérieur à celles du ministre des affaires étrangères. Un signe avant-coureur ? « Autonomie », « fédération », « représentations diplomatiques » : ces mots tournent désormais en boucle dans la bouche des partisans de l’Azawad. Pendant ce temps, les disciples de Iyad, toujours plus nombreux qu’on veut bien le croire, grossissent en sous-main les rangs des manifestants indépendantistes. Ils critiquent publiquement ces mouvements, afin de mieux se rapprocher des autorités et obtenir ce qu’ils veulent.
Dans le rôle des pigeons, on citera ainsi Alghabass Ag Intallah, devenu le porte-valise et porte-voix de Iyad Ag Ghaly, dont le retrait apparent de la table des négociations n’a dupé personne, ou encore Moussa Ag Assarid, représentant de la « République de l’Azawad » en Europe, qui reçoit le soutien discret mais efficace de l’ancien leader d’Ansar Dine.
Or, nos deux pigeons étaient jusqu’à une date récente des perroquets promis à la cage. Ils figurent tous deux sur la liste constituée en février 2013 des 28 rebelles et trafiquants poursuivis par un mandat d’arrêt international. Aujourd’hui, ce sont des paons qui font la roue devant les médias et les représentations de la communauté internationale. Il représentent avec fierté celui qu’ils ne nomment pas mai que chacun entrevoit. Les témoins des négociations constatent que personne n’ose dire du mal de Iyad Ag Ghaly et s’en étonnent à peine. Aujourd’hui, à Alger, les volontés de celui-ci sont murmurées par toutes les bouches… Celles du HCUA en particulier, on l’a bien compris.
Paul-Louis KONE