L’accord sur le nucléaire iranien signé le 14 juillet 2015 à Vienne, s’il permet une sortie de crise, est toutefois semé d’embuches. Israël a manifesté son hostilité avec un ton belliqueux. Les grandes puissances exigeront de l’Iran qu’il participe à la lutte contre l’Etat islamique et le terrorisme ; et se bousculeront pour profiter de son potentiel économique. Une vraie nébuleuse géopolitique.
L’Etat islamique pire que le nucléaire iranien ?
L’ennemi de mon ennemi est mon ami. Entre deux maux le moindre. Ces deux adages résument la nouvelle donne dans les relations entre les puissances occidentales et l’Iran. Longtemps considéré comme un Etat théocratique en pole position sur l’axe du mal défini par l’ex président américain Georges Bush, l’Iran peut dorénavant espérer trouver sa place dans le concert des grandes nations. L’Etat islamique inquiète l’ONU et ses Etats commandants. L’Iran combat l’Etat islamique et intervient dans plusieurs zones de tensions au Moyen-Orient : en Syrie, au Yémen et en Irak. Alors il fallait réhabiliter l’Iran en signant l’accord du 14 juillet 2015. En contrepartie de la levée progressive des sanctions, l’Iran accepte de limiter l’enrichissement d’uranium et la production plutonium. L’Iran accepte aussi le renforcement des contrôles par les experts de l’agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).
Mais au-delà de cet accord, les puissances occidentales vont demander à l’Iran de s’engager à leur côté dans la lutte contre l’Etat islamique ; d’être un rempart contre le terrorisme au Moyen Orient et de s’impliquer dans la résolution du conflit syrien. Il sera aussi demandé à l’Iran de se garder de tout rapport avec les ennemis d’Israël, notamment le Hezbollah et le Hamas. Si le président iranien Hassan Rohani obéit aux injonctions des grandes nations de l’ONU au profit d’Israël, il serait confronté à l’opposition d’une partie de sa population. Il subirait le même sort qu’Alexis Tsipras, obligé par l’Europe et le FMI de signer un accord qui va provoquer son désaveu par les Grecs. Rohani va-t-il dealer pour Israël ?
L’inquiétude injustifiée d’Israël
A entendre parler Benyamin Netanyahou, on a l’impression qu’il serait légitime de continuer à asphyxier l’Iran. On ne pourra pas parvenir à une paix dans la sous-région en continuant d’endiguer et d’isoler L’Iran. Israël prétend que sa sécurité est menacée parce que l’Iran cherche sa destruction. Masi le fait est que c’est Israël qui a présentement la redoutable force de destruction : l’arme nucléaire. Israël et ses relais prétendent qu’on ne peut pas avoir confiance à l’Iran, et que Barack OBAMA et les dirigeants qui ont signé l’accord sur le nucléaire sont naïfs de penser le contraire. Que l’Iran pourrait développer un programme nucléaire clandestin et menacer sa sécurité. Mais Israël n’est pas le maître du monde pour décider qui est bon et qui est méchant. On ne va pas nous refaire le film des armes de destruction massive de l’Irak qui n’ont jamais existé, et dont le mensonge a permis de renverser Saddam Hussein et mettre à plat l’Irak. Avec le discours belliqueux de Netanyahou, on peut se demander s’il faut avoir confiance à Israël qui a l’arme nucléaire et qui apparait dorénavant comme l’agresseur. Alors pourquoi la communauté internationale ne se penche pas sur le nucléaire israélien pour assurer la sécurité de ses voisins ? On nous servira qu’Israël n’a pas signé le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires. Est-ce à dire si l’Iran qui a signé ce traité décidait de se retirer il pourrait fabriquer tranquillement des armes nucléaires ? NON ! On lui aurait fait la guerre.
Alors que l’Iran a été obligé de réduire de deux tiers le nombre de ses centrifugeuses sur 10 ans, la France annonce en même temps qu’elle compte fabriquer des sous-marins nucléaires de troisième génération d’ici 2020, gentiment appelés armes de dissuasion. Si l’ONU veut vraiment œuvrer pour la paix dans le monde, elle doit mettre fin au sentiment d’injustice entre les nations en procédant à une dénucléarisation de toute la planète.
Le risque d’un chantage business contre maintien de l’accord
Avec cet accord, l’économie iranienne, neutralisée depuis plus d’une décennie par les sanctions internationales, va renaître. Le marché iranien, constitué de plus de 80 millions de clients, sera l’objet de convoitises économiques. Dès la levée des sanctions, les grandes puissances et leurs entreprises se bousculeront pour s’offrir des parts de marché. Pour s’assurer de profiter de cette manne, les grandes puissances pourraient faire un chantage à l’Iran. L’accord qui vient d’être signé fera l’objet de vérifications et pourra être résolu si l’on considère que l’Iran ne l’a pas respecté. La crainte d’une remise en cause unilatérale de l’accord pourrait être manipulée par un Etat influent (La France, l’Allemagne, les Etats-Unis, etc.) pour imposer à l’Iran de signer des contrats industriels ou pétroliers à son profit ou pour ses entreprises.
Si une telle hypothèse se réalisait, cela signifierait que la communauté internationale n’est une machination des grands pays pour dominer les moins forts. Que l’ONU est une grande farce destinée à légitimer les coups de force et les injustices des grands ce monde.
Le rééquilibrage géopolitique qui vient d’être amorcé pour les quinze prochaines années ne sera pas un gage de paix si les pays détenteurs de l’arme nucléaire ne sont pas invités à détruire leurs stocks. A défaut, chaque nation qui le peut aura tendance à vouloir se procurer l’arme nucléaire pour se faire respecter. L’ONU ne sera jamais crédible tant qu’il permet à certaines nations d’avoir l’arme nucléaire et s’oppose militairement à ce que d’autres l’aient.
Aliou TALL
Président du Réseau Africain de Défense des Usagers, des Consommateurs et du Citoyen (RADUCC)
Email : raducc@hotmail.fr