Au Mali, en dépit de la signature de l’accord d’Alger, les populations vivent toujours le calvaire et continuent de subir les exactions de toutes sortes, menaces, intimidations, agressions, spoliations de leurs maigres ressources, traumatismes. Dans nos régions du Nord et du Centre du Pays, le conflit a fragilisé les structures socio politiques, les rapports entre des communautés voisines, et favorisé la naissance de l’autocratie, et la fragmentation ethnique.
Les conditions de vie se sont totalement dégradées. Le faible soubassement des échanges entre communautés est toujours menacé à cause de la pauvreté, du déséquilibre social, politique et économique. La destruction des maigres ressources Sylvio pastorales est aggravée par la pollution de l’eau de surface qui se transforme en sources de pathologies graves pour les hommes et les bêtes.
Dans nos régions du Nord les jeunes désœuvrés, à défaut de s’inscrire sur les listes DDR, rejoignent les gangs et grossissent le rang des bandes armées. Ils perdent alors leurs repères, perdent l’éducation familiale, perdent leur culture, se coupent de leur communauté d’origine, et deviennent de dangereux délinquants sans foi sans loi et sans espoir. Pire : ils deviennent accro à la drogue et autres hallucinogènes. Nos régions qui servaient de centre de transit aux stupéfiants, sont devenues un marché à ciel ouvert où circule désormais ce dangereux poison qui détruit en quelques mois toutes facultés chez nos jeunes et les malheureux indigents.
Dans nos régions du Nord, il n’existe encore aucune infrastructure de base : pas d’école, pas de dispensaires, pas d’eau potable, pas de commerce ou tout autre échange, plus de foires hebdomadaires, plus de vie tout court. Les populations sont confinées dans leurs villages, leurs campements et leurs espaces vitaux dans la peur et le désarroi. La plupart des enfants n’atteignent pas leur premier anniversaire à cause des maladies infectieuses. Ils meurent de malnutrition d’absence d’une alimentation équilibrée, d’eau potable, de soins de santé de base, et de médicaments essentiels.
Ils sont pour la plupart traumatisés par les actes de violences auxquels ils ont assisté soit sur leurs propres parents, ou sur d’autres victimes. Certains sont coupés de leurs familles et perdent tout repère, toute forme d’éducation abandonnés soit dans un camp de refugié, ou un campement isolé. Ils sont alors récupérés et serviront plus tard d’enfants soldats.
De leur côté, les femmes traumatisées par le conflit et l’éclatement de la cellule familiale, n’assument plus, ou assument mal, les charges familiales. Elles s’accrochent soit à un frère ou un généreux voisin. Elles sont la plupart du temps victimes d’agressions sexuelles, de dépression. Après avoir perdu leurs jeunes garçons, partis rejoindre les mouvements et autres milices armées, elles vivent dans la peur perpétuelle de voir leurs filles enlevées ou violées sous leurs yeux, ou mariées de force. Elles tentent tant bien que mal d’entretenir quelques têtes d’ovins caprins, ou un lopin de terre abandonné par leurs maris, morts ou vivant en exil. Les plus chanceuses rejoignent un camp de refugié dans un pays voisin, un autre déséquilibre qui compromet dangereusement la vie de famille et l’éducation des enfants.
Les voies de communication sont coupées, les véhicules enlevés. Rares sont les quelques transporteurs audacieux qui s’aventurent vers les villages au Nord ou campements nomades. Au Centre du Pays même les voyageurs par voie fluviale à bord de pinasse ou de simple pirogue ne sont plus à l’’abri d’attaques En dehors des chefs lieux de région et de quelques cercles, l’administration est absente. Les quelques patrouilles et autres cheiks-points sont incapables de faire face aux bandes armées qui fourmillent dans la région et qui opèrent en toute impunité. Il n’existe aucune forme de sécurité ou de sécurisation des zones d’habitation.
Dans cette insécurité ambiante, cette morosité politique et l’absence totale de gestion post conflit, le paysage devient vulnérable et instable.
Au sud l’ambiance est d’une autre nature. Les crises politiques, institutionnelles, et les affaires de détournement impliquant de hautes personnalités de l’Etat, se multiplient amplifiées par une propagande et un matraquage médiatique sans précédant. L’action démocratique amorcée est désormais hypothéquée par un partage absurde et injustifié du pouvoir entre groupes armés et administration publique. Dans la quête d’un climat social apaisé le Gouvernement multiplie les libéralités et autres concessions, et tente de renforcer le dispositif militaire, et rétablir la confiance perdue à cause des mauvais choix politiques. Dans cette cacophonie, le Pouvoir se débat avec l’aide quelques ecclésiastiques, à colmater les brèches calmer les tensions qui surgissent çà et là : crise financière Justice, santé, éducation, paralysie de l’Administration, marasme économique, référendum sur la révision de la Constitution malienne etc.…
Les dirigeants des groupes armés à leur tour, se muent en acteurs politiques incontournables, et prennent part à la gestion des affaires publiques. L’opposition accentue la pression et accule le Pouvoir. Les OSC multiplient les manifestations et meetings. Les pros et anti IBK rivalisent en slogans. Les alliances se mettent en place à Bamako comme à l’intérieur du Pays. Les opportunistes de tout bord, semblables à de vieux crocodiles dormants, refont surface et se lancent dans l’arène politique.
Pendant ce temps la tumultueuse mise en œuvre de l’accord d’Alger piétine, face aux dénonciations, aux accusations de mauvaise foi du Gouvernement et des groupes armés, à la mauvaise volonté, aux tergiversations. Les critiques de l’aile dure des intellectuels maliens, la double conjonction d’ingérences étrangères, et d’une propagande de désinformation sur le contenu de l’accord, et l’attitude très ambigüe de la médiation, ont laissé le champ libre au chaos, au bouleversement au désordre aux troubles, à la confusion.
Cette confusion est aggravée par :
- Le laxisme et l’immobilisme du régime ;
- Les déclarations de bonne foi sans lendemain ;
- La recrudescence des activités de groupes bandits ;
- L’absence de rôle locomoteur du gouvernement ;
- Le Retard du cantonnement des éléments des groupes armés ;
- Le Retard accusé dans le lancement des patrouilles mixtes ;
- Le Retard dans la mise en place de la commission d’enquête internationale.
Tous ces facteurs ont fait le lit du désespoir, de la déception, de l’amertume des pauvres populations du Nord et du Centre du Pays, qui éprouvent un sentiment de plus en plus perceptible de rejet et d’abandon aussi bien par l’Etat, que par les groupes armés, et la communauté internationale. Rares sont les missions à l’intérieur du Pays. Aucun ministre, aucune délégation officielle ne daigne s’enquérir des conditions de vie des communautés du Nord. Seules quelques actions d’associations féminines ont apporté un appui substantiel aux populations déshéritées. Aucune ONG, aucune action, aucune assistance. Les agences de développement, par peur d’être la cible des groupes de bandits ne peuvent apporter la moindre assistance. Une population qui s’éteint qui meurt à petit feu au moment où ceux qui prétendent combattre et lutter en son nom, se pavanent dans les grandes villes, les vehicules et les hôtels de luxe oubliant du coup, les grands principes qu’ils défendaient et la cause de leur combat. A chaque fois que l’espoir d’une avancée nous est permis, ces arrivistes multiplient les petites prouesses et autres duperies dans le but d’inventer de nouvelles sources de blocage afin de perpétuer et de maintenir un train de vie auquel ils ne peuvent plus renoncer. Tantôt c’est une rébellion contre un système de chefferie traditionnelle, tantôt c’est l’organisation d’une expédition punitive contre un groupe de milice manipulée par le Pouvoir. Ailleurs c’est la manipulation de la jeunesse contre l’Etat ou la création de nouveaux groupes d’auto défense d’obédience communautaire. Tout cela est orchestré savamment par des mains expertes sur un échiquier invisible.
Ne doit-on pas envisager de sortir de ce déterminisme politique de ce fatalisme, de ce jeu malsain où les adversaires politiques et militaires se renvoient la responsabilité des échecs pendant que nos communautés meurent au Nord, au Centre et au Sud dans l’indifférence générale.
Cependant, les missions de l’opération Barkhane et celles de la Minusma vadrouillent au nord. Leurs colonnes de blindés et de Puck up équipées sillonnent le Sahara pendant que nos pauvres communautés croulent sous le poids conjugué de la peur et des exactions.
Entretemps où en sommes nous avec les DDR, ce processus qui consiste à arrêter les hostilités, préserver la sécurité, promouvoir la réconciliation, le retour à la paix.
Au cours de tout ce processus de DDR et de sécurisation de la zone, ne peut-on pas envisager, d’apporter, en amont un appui substantiel aux populations affligées, permettant ainsi d’atténuer leurs souffrances et obtenir en bout de course, un capital de stabilité et de sécurité, viable pour le développement économique et social futur de la région.
Nos populations du Nord et du Centre sont prises en otages. Elles vivent dans la misère et le dénuement. Elles ont besoin de paix de sécurité, et de meilleures conditions de vies. Notre premier réflexe consiste à briser les carcans. Nous devons d’abord protéger la vie de nos populations, sécuriser notre territoire, construire ou réhabiliter les infrastructures en prenant les mesures appropriées. Nous devons travailler pour une paix réelle et définitive sur toute l’étendue du territoire national avec toutes les composantes du Pays.
La paix est un processus lent qui s’étale dans la durée mais qui doit nécessairement impliquer l’ensemble des populations concernées. Lorsque la paix est importée, lorsqu’elle est impulsée seulement de l’extérieur, elle n’obtiendra point l’adhésion des citoyens et est donc vouée à l’échec. Pour cela nous devons compter sur nos propres forces et cesser de « dormir sur la natte d’autrui » comme le disait Notre grand historien Joseph Ki Zerbo.
Mohamed Ould Sidi Mohamed (Moydidi)
jekaniya@yahoo.fr
Le bout du tunnel, c’est le départ de IBK et sa bande de salopards qui ruinent ce pays et la renégociation des accords de paix. Les accords signés à Alger sont trop en défaveur de l”état. Ils ont été signés dans la précipitation par un pouvoir narcissique ayant refusé les concertations populaires avant d’aller engager le Mali tout entier dans des affaires conduisant directement à la partition du pays. Le crétin d’IBK croyait tout connaitre. Pour lui, associer l’opposition aux prises de décision était une façon de se mettre une pierre dans sa chaussure. Voilà qu’il a trouvé beaucoup de pierres à la fois dans les pieds des deux chaussures. Les accords bloquent car trop compliqués à mettre en pratique, si l’on sait qu’on a à faire à des pédés qui entre même n’arrivent pas à s’entendre. L’état a fait trop de concessions aux enfoirés enturbannés. Il vient de comprendre seulement maintenant qu’il s’est fait niqué. Laisser des connards aller négocier à la place de tout un peuple qui pourtant avait son mot à dire est une erreur qui se paye cash. C’est la conséquence que nous vivons en ce moment.
Bonne analyse de la situation actuelle du Mali. C’est choquant, puisque certains, du moins beaucoup de gens cherchent à profiter de la misère des autres pour s’enrichir, se faire un place ou se maintenir à cette place. Domage pour ce beau pays et ces braves populations.
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