Dix-sept recueils élaborés comportant de grandes orientations et propositions ; une cinquantaine de thèmes traités embrassant tous les secteurs de la vie nationale ; des Avis et Recommandations pertinents émis sur divers sujets de préoccupation nationale à la demande du Gouvernement, sont à mettre à l’actif du CESC, au cours de ses 20 ans d’existence. Malheureusement, il n’a que rarement été pris en compte dans le dispositif décisionnel au plus haut niveau.
Le Conseil Economique, Social et culturel (CESC) a tenu sa 10ème Session Ordinaire à son siège à Koulouba, du 02 au 16 juin 2014. La Session a porté sur «la finalisation et l’adoption du recueil annuel 2014, des attentes, des besoins et des problèmes de la société civile».
Ce recueil, reflet de l’ensemble des préoccupations du Mali profond, sera remis aux destinataires constitutionnels, à savoir le Président de la République, le Gouvernement et l’Assemblée Nationale, comme d’ailleurs les autres recueils des années précédentes.
La particularité de la 10e session du CESC
La particularité de cette 10ème session ordinaire est qu’elle coïncide avec les 20 ans du CESC, car la session inaugurale du Conseil Economique, Social et Culturel s’est tenue à Bamako, du 06 au 20 juin 1994.
Il convient de préciser qu’en parlant des 20 ans de CESC, il s’agit du Conseil Economique, Social et Culturel de l’ère démocratique et non du Conseil Economique et Social dirigé par feu Amadou Baba DIARRA, sous la IIe République, de 1988 à 1991.
En effet, la Révolution populaire du 26 Mars 1991 qui a renversé le régime dictatorial de la IIe République a marqué un tournant historique et décisif dans l’histoire politique du Mali avec l’instauration du multipartisme intégral. Elle constitue le point de départ du processus démocratique. Ainsi, s’ouvrait une nouvelle page de l’histoire politique et institutionnelle du Mali ; alors que se fermait définitivement cette page triste et ténébreuse de l’histoire de la dictature du parti unique qu’était l’UDPM (Union démocratique du peuple malien).
Pour ce qui concerne le CESC, il y a lieu de faire un rappel historique. En effet, la mise en place d’un conseil Economique et Social au Mali remonte seulement à 1988. La Loi No 88-20/ANRM, du 21 Mars 1988, portant révision constitutionnelle, introduit le Conseil Economique et Social parmi les Institutions existantes à l’époque.
Le CESC a subsisté jusqu’à la chute du régime de la IIe République, en Mars 1991.
Une innovation majeure
Le CESC, tel qu’il se présente aujourd’hui, tire sa source de la Constitution, du 25 février 1992, et constitue une véritable innovation par rapport à l’ancien Conseil Economique et Social.
En effet, au cours de la conférence Nationale, tenue à Bamako du 29 juillet au 12 août 1991 et qui a regroupé l’ensemble des composantes de la nation, la question du Conseil Economique a été longuement débattue. C’est ainsi que, sur insistance des hommes de culture, des artistes et écrivains, il a été ajouté le vocable «culturel» et cela, pour mettre l’accent sur la vocation culturelle que doit se donner également cette Institution. Ce qui n’était, en réalité, que justice rendue quand on sait que le Mali est un pays de riches traditions culturelles.
La Constitution de la IIIe République fait du CESC, l’une des huit Institutions de la République. Huit articles de notre Loi fondamentale lui sont consacrés.
La mission du CESC
Aux termes de la Constitution, le CESC a compétence sur tous les aspects du développement Economique, Social et Culture de la nation; il participe à toute commission d’intérêt national à caractère Economique, Social et Culturel ; il collecte, rédige à l’attention du Président de la République, du Gouvernement et de l’Assemblée Nationale, le recueil annuel des attentes, des besoins et des problèmes de la société civile avec des orientations et des propositions ; il est obligatoirement consulté sur tout projet de loi des finances, tout projet de plan ou de programme Economique, Social et Culturel ainsi que sur toutes dispositions législatives à caractère fiscal, Economique, Social et Culturel ; le Gouvernement et l’Assemblée Nationale ont obligation quand ils sont saisis de donner une suite aux avis et rapports formulés par le Conseil dans un délai de 3 mois pour le Gouvernement avant la fin de la session en cours pour l’Assemblée Nationale.
Le poids de l’institution
Ainsi, la Constitution fait du CESC une assemblée constitutionnelle. Ce qui garantit son indépendance vis-à-vis des pouvoirs législatif et exécutif ; une assemblée consultative qui donne des avis aux pouvoirs publics en matière économique, sociale et culturelle ; une assemblée représentative, parce que principalement composée des membres désignés par les organisations socioprofessionnelles du pays.
Le CESC comprend 58 membres auxquels sont adjoints 10 membres associés qualifiés dans les domaines économique, social et culturel ou scientifique.
Il est dirigé par un bureau composé de 9 membres.
Pour mémoire et pour l’histoire, il faut rappeler les personnalités qui ont dirigé l’institution de 1994 à nos jours : Mandature 1994 – 1999: feu Amadou Ali NIANGADOU; Mandatures 1999 – 2009: M. Moussa Balla COULIBALY; Mandature en cours (2009 – 2014) M. Jeamille BITTAR.
L’encrage historique
Comme énoncé plus haut, le CESC a soufflé ses 20 bougies (juin 1994 – juin 2014). L’heure n’est pas au bilan, mais quelques constats et observations s’imposent. Il est difficile de dresser un bilan exhaustif des 20 ans du Conseil dans un article de ce genre. D’autres personnalités ou structures pourront certainement le faire avec des analyses beaucoup plus approfondies et pointues.
Les Conseils Economiques et sociaux ou institutions similaires ont une longue histoire. Est-il besoin de rappeler que le Conseil Economique et Social (CES) est une Assemblée à compétence consultative, née en France après la deuxième guerre mondiale ? En France, actuellement la dénomination est le Conseil Economique Social et Environnemental.
Structure de dialogue et de concertation entre les différentes forces vives, les CES existent aujourd’hui dans presque tous les pays d’Afrique, d’Asie, d’Europe et d’Amérique Latine.
Certes leur dénomination varie souvent d’un pays à un autre, mais la vocation reste la même. Leur utilité est si évidente que les pays qui ne disposaient pas d’une telle structure envisagent d’en créer.
La pertinence d’une institution
A l’heure où on parle de bonne gouvernance, il faut des institutions pareilles pour réfléchir sur les projets et actions de développement économique, social et culturel pour conseiller les plus hautes autorités.
D’ailleurs, les Conseils Economiques, sociaux et Institutions Similaires se sont dotés d’une structure de dialogue à l’échelle mondiale dénommé AICESIS (Association Internationale des Conseils Economiques et Sociaux et Institutions Similaires).
Créée en 1999 et regroupant les organisations représentatives des partenaires sociaux et autres composantes de la société civile, les Conseils Economiques Sociaux et Institutions Similaires sont des composantes essentielles de la gouvernance participative dans les sociétés modernes.
Le CESC du Mali est membre de l’AICESIS et participe activement à toutes ses rencontres statutaires.
Le CESC du Mali est également membre fondateur et actif de l’Union des Conseils Economiques et Sociaux d’Afrique (UCESA), créée en 1994 à Abidjan. Il participe régulièrement aux activités de l’UCESA.
Madame Aminata TALL Présidente du Conseil Economique Social et Environnemental du Sénégal, dirige présentement les destinées de cette organisation.
Une institution à l’écoute du pays
Revenant aux 20 ans du CESC, il y a lieu de préciser que l’institution de sa mise en place, en 1994, à nos jours (juin 2014), s’est acquittée tant bien que mal de ses missions constitutionnelles.
D’abord, du Recueil annuel des attentes, des besoins et des problèmes de la société civile, tel que prévu par l’article 107 de la Constitution, du 25 février 1992, a été régulièrement élaboré et remis à qui de droit. Dix-sept recueils élaborés et comportant de grandes orientations et propositions ont été remis aux destinataires constitutionnels que sont le Président de la République, le Gouvernement et l’Assemblée Nationale.
Le CESC a tenu régulièrement ses sessions et a produit, à cet effet, des rapports de session adressés, conformément aux textes, au Président de la République et au Premier ministre.
Ensuite, le CESC a émis des Avis et Recommandations pertinents sur divers sujets de préoccupation nationale à la demande du Gouvernement et cela, tout au long de ses quatre mandatures.
Le Conseil durant ces 20 ans années d’existence a planché sur une cinquantaine de thèmes embrassant tous les secteurs de la vie nationale : l’économie, l’éducation, la santé, l’environnement, l’employabilité des jeunes, le chômage des jeunes, l’élevage, la pêche, l’industrie, la culture, le dialogue social, la pauvreté, la migration, j’en passe!
On peut affirmer sans risque de se tromper que le CESC est une Institution Consultative qui est à l’écoute du pays réel et du Mali profond.
Le CESC est un conseiller avisé et averti des pouvoirs publics. Il est un interlocuteur privilégié des pouvoirs publics.
Il peut apporter une contribution précieuse au Gouvernement et au Parlement d’un double point de vie:
D’abord, par le sérieux et l’objectivité des travaux élaborés par ses membres, qui sont des praticiens avertis dont les compétences sont extrêmement variées et proviennent des secteurs professionnels les plus divers.
Ensuite, par les liens et la meilleure compréhension réciproque que ces travaux peuvent créer ou faciliter entre les partenaires sociaux qui sont représentés au Conseil.
Les insuffisances constatées
Au sein du Conseil, les partenaires sociaux expriment leurs positions et les confrontent ; ils envisagent et proposent des compromis possibles. Les pouvoirs publics reçoivent les propositions adoptées par la majorité et sont informés des positions exprimées par tous. Ils sont de ce fait éclairés et guidés dans leurs décisions. Le CESC est de ce fait une force de proposition. En effet, disposant d’une grande autonomie dans ses travaux, bénéficiant de l’expérience extrêmement variée de ses membres dégagés des contingences de l’action quotidienne, il peut réfléchir aux problèmes d’avenir et fournir des suggestions qui nourriront les grandes décisions politiques ultérieures.
Cependant, après vingt ans de pratique institutionnelle, force est de reconnaitre que les textes de l’institution ont montré leurs limites dans certaines de leurs dispositions. D’où l’impérieuse nécessité de leur relecture.
La rareté des saisines gouvernementales ; le manque de suite à réserver aux Avis et Rapports adressés aux autorités ; la non publication par le Gouvernement des Rapports du Conseil dans le journal officiel; le manque de mécanisme de suivi de l’exécution des décisions du Gouvernement relatives à l’organisation économique, sociale et culturelle, sont entre autres entraves au bon fonctionnement de CESC.
L’année 2012 a été une année de rudes épreuves pour le Conseil avec les événements intervenus en mars. Le CESC, avec le coup d’Etat survenu, a vu tous ses bureaux, sans exception saccagés, tout son outil de travail détruit, ses archives emportées.
Heureusement, avec le concours et l’appui des autorités l’institution a repris fonction.
Moussa Soro SY
Journaliste