Depuis plusieurs semaines, sinon des mois, les rebelles pro séparatistes du MNLA et associés, regroupés au sein du CMA refusent de signer les accords de Paix paraphés par le gouvernement du Mali à Alger. Pendant ce temps les attaques ne cessent sur les positions de l’armée malienne et les exactions sur les populations sont recurrentes.
Le GATIA et alliés occupent le terrain militaire et géographique avec comme seule ambition affichée la sécurisation des communautés locales, des personnes et des biens, en proie depuis bien longtemps aux exactions des milices pro séparatistes. Ils ne veulent pas entendre parler de la division du pays et encore moins d’indépendance.
Ces deux mouvements qui s’opposent à la force des armes, se retrouvent autour de deux principales ethnies / communautés, les Ifoghas et les Imghanes.
Les Ifogahs
Géographiquement, comme le nom l’indique, la communauté des Ifoghas vie principalement dans la zone de l’Adrar des Iforas, aux confins d’Anefis jusqu’à Tamanrasset en Algérie. Il est tout aussi important de signaler que le Mali n’abrite que le tiers de cette chaine des montagne, terroir naturel ou « circonstanciel » des Ifoghas et de leurs alliés.
D’un point de vue économique, ces communautés vivent principalement de commerce avec l’Algérie, difficilement si on y retrouve les produits venant du Sud du Mali.
D’un point de vue culturel, ils ont les mêmes habitudes proches des us et coutumes algériens. D’ailleurs, la plupart des leaders communautaires, militaires ou religieux de la communauté Ifoghas du Mali, ont la double nationalité. Chacune des familles Iforas du Mali détient au moins une famille, une maison ou un représentant de son clan à Tamanrasset et ayant au moins épousé une femme de souche de la région algérienne pour sceller une alliance de centenaires. Idem pour ceux d’origine algérienne vivant à Anéfis.
Leur principal allié communautaire au Mali est la communauté des Idnane.
Les Imghane
Les Imghane quant à eux vivent principalement d’élevage et de commerce avec les communautés du Sud. Ils effectuent leur transhumance sur le cours du fleuve Niger. Durant la saison sèche, ils passent presque cinq à six mois à transhumer au gré de l’assèchement des berges jusqu’à Gao, Ansongo, Gourma, Gossi, Hombori…
A la fin de la saison des pluies, vers Juillet – Aout, ils remontent vers les pâturages des hautes terres en parfaite symbiose avec les communautés Bozos, Sonrhaî, Peulh qui y vivent… leurs activités commerciales se concentrent autour de cette transhumance avec comme principal acteur et interlocuteur les communauté qui la bornent.
Ils se sont islamisés au contact avec les populations du fleuve.
C’est une communauté composée principalement des Firoun, Cheboun regroupés au sein de la communauté des Imouchanes. Ces deux communautés ont des alliances inter ethniques de plusieurs générations entre les deux cousins fondateurs des communautés Firhoun et Cheboun.
Les écrits de la bibliothèque de Tombouctou et autres récits tribaux que j’ai eu à parcourir, me laissent transparaitre que la seule communauté touarègue véritablement citée en référence comme culture et peuple représentatif de l’histoire touarègue de toute la région subsaharienne est celle des Firhoun et de leurs cousins Cheboun.
Eux aussi ont scellé des alliances, des pactes de sang avec les communautés du Sud et cela pour plusieurs raisons : les mariages inter ethniques, la fréquence des échanges commerciaux, le brassage des habitudes culinaires… tout comme les Ifoghas avec Tamanrasset, chacune des familles touarègue ou Tamasheq vivant dans la culture ou sous l’influence de cette transhumance bénéficie d’un « Diatigui » parmi les communautés du Sud, qui lui garde son bétail, supervise les échanges commerciaux, se rassure de ses approvisionnements.
Ceux là se considèrent profondément et unanimement malien pour que vive au Mali : Un seul drapeau, une seule armée, une seule patrie.
Accord ou pas accord, ils sont déterminés à assumer cette « mission » en attendant que l’Etat renforce ses positions.
Le clan Intalla
A la base la famille Intalla est originaire du Maroc. Après avoir séjourné en Algérie, le temps d’une génération, Intalla 1er finit par s’installer au Mali depuis seulement à peu près trois générations.
Le premier des Intalla, père du vieux Intalla et répondant au nom de Illy, il épouse une femme Ifoghas de la tribu de Iyad Ag Ghali, actuel patron de Ançar Dine appelé en renfort à Kidal. Il importe avec lui l’Islam chérifien, ce qui leur vaut le pseudonyme de famille ou fraction des « Cherifa » ou « Cherifath ». C’est de ce fait la famille la plus touchée par l’Islam dans toute la région.
La cour de « Intalla 1er » devient un carrefour influent par lequel transitent plusieurs érudits et prêcheurs musulmans autour de l’école coranique et de l’éducation arabo chérifienne.
Alors que les Imghad se sont islamisés bien après et seulement la franche au contact avec les populations du Sud le long du fleuve Niger.
Les caravanes y font une halte avant de reprendre le long chemin sableux et brulant du désert.
Ainsi, aux lendemains de l’indépendance, bien que minoritaire, cette famille s’est vue octroyée le pouvoir politique et administratif par les colons pour asseoir leur influence coloniale autour de cette famille.
Voici comment une minorité assoit son influence !
Les arabes
La communauté arabe quant à elle est divisée entre les deux tendances soit par proximité géographique ou par similitude culturelle. Naturellement ceux qui sont proches de l’Adrar ont développé des alliances autour de cela et ceux proches des berges du fleuve ou de la zone de Ménaka sont plus proches des Imghane et défendent des intérêts en commun.
Géopolitique
L’arrivée de la démocratie au début des années 90 change la donne. La représentativité communautaire des « Imghane » et alliés bouleverse la chefferie par les urnes. En effet, rien qu’à Ménaka, cette communauté représente à elle seule plus de 70% de la population locale et près de la moitié à Kidal. Il est normal et légitime que cette population majoritaire mais opprimée par une minorité « Ifoghas » depuis des générations.
Certainement l’une des raisons pour lesquels non seulement ATT a décidé d’ériger Kidal en région pour permettre à la famille Intalla de rester au pouvoir, que les autorités maliennes ont toujours considéré comme leur plus grand allié dans la région… nous avons assisté à la création de nouvelles circonscriptions électorales, qui pour certaines, comptaient à peine une dizaine d’électeurs en réalité (hors bourrage) et dans les rares localités où les Ifoghas et alliés sont majoritaires. Ce qui emmène la famille Intalla à obtenir trois députés au parlement (père et fils) et un troisième fils porté à la mairie de Kidal.
L’on se rappelle que concernant une partie de la mise en application des accords de paix à la fin des années 90, la communauté Ifoghas, à travers le MPA dirigé par Iyad Ag Haly avait enregistré 1.200 de ses combattants intégrés dans les rangs de l’armée et de l’administration malienne contre seulement une centaine pour les combattants d’ARLA, dirigé par El Hadj Gamou.
Aujourd’hui cette communauté minoritaire continue de persécuter les communautés locales qui ne sont pas de leur tendance (communautés Imghane, Imouchane, peulh, sonrhaï…). C’est cette persécution, cette inégalité (ajoutées à) l’impuissance de l’état qui est à la base de la création du GATIA pour soutenir et protéger leurs communautés ethniques des arrestations arbitraires, tortures, assassinats, vols… une irresponsabilité qui court depuis des décennies.
Aujourd’hui, « les enfants de Ménaka ont libéré Ménaka » tout comme d’autres localités attendaient cette date fatidique du 15 mai pour décider de la suite des événements.
Les communautés Imghane, Imouchane et alliés sont décidés à en découdre avec les oppresseurs pour assurer la sécurité des personnes et de leurs biens pour l’Honneur des Leurs.
« Le MNLA et acolytes refusent de signer les accords de paix malgré toutes les négociations et toutes les concessions du gouvernement du Mali… Nous, nous avons décidé de signer ces accords et d’en respecter scrupuleusement les termes… Nous ferons tout pour stopper ces exactions d’une simple minorité sur nos populations et cela sur toute l’étendue du territoire national » confie un des responsables GATIA de passage à Bamako avant d’ajouter : « Désormais nous combattrons avec la dernière rigueur tous ceux qui persécutent nos populations, nous n’hésiterons pas, qu’ils aient signé l’accord ou pas, peu importe ! ».
Que l’on ne s’y trompe pas, la principale source de financement du GATIA est le fruit de l’engagement des hommes et des femmes convaincus que leur salut, la quiétude de leurs familles ne passera que par le don de soi, la mobilisation de ressources personnelles pour une cause commune, prêts à aller jusqu’au sacrifice suprême.
Je m’incline devant la mémoire de tous ceux qui sont tombés sur le champ de l’Honneur et une pensée particulière pour les familles des disparus.
Les cadres des communautés concernées ou engagées avec le GATIA se saignent pour produire les ressources nécessaires à la lutte armée, les familles fournissent la main d’œuvre, des combattants prêts à mourir pour l’Honneur de leur communauté, de leur patrie… chacun se battant pour sa terre natale, pour sa terre paternelle, pour sa famille, pour sa communauté sur la base de certaines valeurs qui ont tant disparu au Sud du pays. L’Individu au service de la Communauté !
Cela devient extrêmement inquiétant mais « légitime » à leurs yeux. Les populations civiles elles même ne veulent plus rester en marge de cette vendetta libératoire qui s’annonce.
Dans une démocratie quand c’est la minorité qui gouverne sans partage, il faut se poser des questions et même s’inquiéter. Les cas du Rwanda, de l’Afrique du Sud… sont là pour nous le prouver, et cela est valable même dans les dictatures où les minorités s’arrangent à gouverner par la terreur.
Force est de reconnaitre que la détermination des combattants du GATIA aura permis d’assurer une plus grande quiétude des populations jusque là sous l’influence du MNLA et alliés à l’exception de Kidal. Là encore, les populations issues des tribus Imghane, Imouchane, peulh, sonrai… qui n’ont fait preuve de leur ralliement à la cause séparatiste. Parfois, nous assistons malheureusement à des exécutions sommaires de ressortissants de ces communautés, qui aujourd’hui, par la force des événements se retrouvent au sein du GATIA pour assurer la sécurité des personnes et des biens issues de leurs communautés respectives et de toutes les populations civiles.
Maintenant que les accords ont été signés par les uns, et paraphé par les autres, nous osons espérer que ceci marquera la fin des hostilités pour éviter une nouvelle vague d’affrontements entre les communautés du Nord.
Et c’est seulement la veille de la date de signature que la Coordination des Mouvements de l’Azawad, pro séparatistes, ont accepté de parapher le document à Alger tout en refusant de signer les accords tant que d’autres négociations ne sont pas ouvertes avec le gouvernement du Mali pendant que Bamako reçoit une dizaine de chefs d’Etat et une multitude de chefs gouvernements et de délégations impliqués dans la résolution de cette crise.
Et ça aussi l’ensemble de la communauté internationale cautionne encore une fois.
Le chef de l’Etat lui-même, dans son discours improvisé a mis le doigt sur la partialité dubitative de l’organisation des Nations Unies à travers certains de ces hauts responsables et de leurs conclusions. Pourtant, Kadhafi, avant lui Fidel Castro avaient mis à nu les velléités de l’ONU. Déjà à la veille des indépendances africaines, le chef de la révolution cubaine, Fidel Castro, décrète 3 jours de deuil national au lendemain de la mort de Patrice Lumumba et pointe du doigt l’Organisation en ces termes : « Lumumba a été sous l’égide des Nations Unies… ».
Espérons que les signatures apposées par le gouvernement du Mali et les groupes armés permettent un arrêt des hostilités et de la violence dans le nord du Mali.
Jusque là, sur le terrain, les deux principales tendances armées sus citées s’affrontent pendant que l’armée malienne respecte scrupuleusement le cessez – le – feu à l’exception des ripostes de légitime défense.
Boubou Doucouré
Consultant en Communication & Relations Publiques
Ecrivain
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