Une nouvelle série de rencontres entre les représentants de la Coordination des Mouvements Armés (CMA), de la Plate-forme, et l’Algérie, chef de file de la médiation internationale pour la paix au Mali est à l’origine de nombreuses controverses.
En effet, il s’agit d’une étape supplémentaire dans une immense campagne médiatique visant le conditionnement de l’opinion nationale et internationale contre le gouvernement malien, accusé de lenteurs coupables dans la mise en œuvre de l’accord de paix issu du processus d’Alger signé le 15 mai et parachevé le 20 juin 2015 à Bamako.
Cette situation délétère, dramatiquement renforcée par la recrudescence de l’insécurité exploitée par l’opposition et les ennemis du Mali est source de profondes préoccupations et inspire au moins deux réflexions, dont l’une de forme et l’autre de fond.
LA FORME :
Il y a lieu de se demander pourquoi le choix d’Alger, pour débattre de questions relatives à un accord définitivement scellé à Bamako, et pour lequel des instruments de suivi de la mise en œuvre ont été consacrés par toutes les parties.
Jusqu’à preuve du contraire, aucun signataire n’a dénoncé les termes de l’Accord qui engageait toutes les parties. Dès lors, le Comité de Suivi de la mise en œuvre de l’Accord, qui siège régulièrement, n’est-il pas le lieu indiqué pour l’examen de toute difficulté ?
Le Mali a toujours affirmé, par les voies les plus autorisées, sa gratitude pour le travail immense abattu par ce pays frère, l’Algérie, qui n’a ménagé aucun effort, de longs mois durant, pour que se retrouvent les maliens pour une paix sincère et la réconciliation nationale dans leur pays. Depuis, conformément à la volonté du Président de la République, avec l’adhésion de la communauté internationale massivement présente à Bamako à la signature de l’Accord, tout le reste devait se résoudre à l’interne, dans un dialogue franc et sincère entre maliens.
Dorénavant, le Comité de suivi de la mise en œuvre, composé de tous les acteurs et de la médiation, et non de la seule Algérie, est l’instance ad hoc pour résoudre tout différent.
Alors pourquoi ce nouveau cycle à Alger ?
LE FOND :
Si force est de reconnaitre que le rythme de la mise en œuvre de l’Accord peut être diversement évalué, notamment dans certaines de ses dispositions, à qui peut-on imputer le retard ?
Une analyse des engagements des partenaires permet de répondre objectivement à cette question fondamentale.
L’Accord consacre quatre partenaires principaux : le Gouvernement, le CMA, la Plateforme et la Communauté Internationale.
QUI A FAIT QUOI ?
- Le Gouvernement peut faire prévaloir des actes concrets, parfois impopulaires, mais déroulés avec détermination parce que profondément engagés dans une dynamique de paix, et de développement. Citons, entre autres :
- La Loi N° 2016-11/AN-RM du 31 mars 2016 nouveau code des Collectivités Territoriales, et une avancée dans l’adoption des textes afférents aux Autorités Intérimaires dont la mise en place tant réclamée dépend uniquement des partis signataires autre que le Gouvernement ;
- La création et la dotation en Ressources des Agences de Développement Régional,
- La création de nouvelles régions et la nomination des Gouverneurs ;
- Les campagnes de mobilisation, de sensibilisation et d’apaisement sur tout le territoire, pour une appropriation et implication de tous les maliens de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation,
- La création de la Commission Justice Vérité et Réconciliation,
- L’implication et la mise en branle de toute la diplomatie malienne en vue de la mobilisation internationale des partenaires pour le financement des programmes prioritaires de l’Accord, à travers la Conférence pour le Développement du Mali, le 22 octobre 2015 au siège de l’OCDE à Paris
- La mise en place de la commission de mise en œuvre de l’Accord ;
- Le comité de suivi de mise en œuvre de l’Accord.
- Plus récemment, la mise en place et la nomination des membres de la commission pour la Révision Constitutionnelle ;
LES MOUVEMENTS ARMES :
- On ne saurait retenir les différentes rencontres dans le cadre du processus d’Anefiss, dans la mesure où le Gouvernement malien n’a pas été convié à la Rencontre de Kidal, quand bien même il l’aurait financé…
- Par contre, quelle évaluation faire du préambule de l’Accord de Paix et la Réconciliation qui stipule :
Titre I : Principes, Engagements et Fondements pour un règlement durable du Conflit
Chapitre 1 : les parties, dans l’esprit de la Feuille de route, réitèrent leur attachement aux principes ci-après :
- « Respect de l’unité nationale, de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de l’Etat du Mali, ainsi que de sa forme républicaine et son caractère laïc,… »
Ce préambule, est-il appliqué par les mouvements armés signataires ? Les zones sous leur contrôle sont-elles administrées par l’Etat ? Les mouvements armés signataires ont- ils honoré cet engagement préalable à la mise en œuvre de l’Accord ?
Quel appui ont apporté les signataires de l’Accord aux autorités maliennes pour lutter contre l’insécurité grandissante souvent reprochée à tort au seul gouvernement du Mali ?
LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE
Le Mali apprécie à sa juste valeur l’accompagnement de la Communauté internationale qui est indéniable.
Mais le Mali a aussi toujours sollicité une amélioration de cet accompagnement, notamment par un mandat plus efficient de la MINUSMA, l’accélération des engagements financiers de la Conférence de Paris pour la mise en œuvre des programmes de développement du Nord, et plus de soutien dans la restructuration et l’équipement des Forces Armées et de Sécurité du Mali.
EN DEFINITIVE
Au regard de tout ce qui précède, qui bloque réellement la mise en œuvre de l’Accord de Paix ? L’opinion publique se doit d’être éclairée. Entre celui qui s’engage de manière volontariste dans la mise en œuvre, celui qui ne respecte même pas le préambule et, dans une autre mesure, celui qui traine à mettre à disposition les ressources indispensables prévues dans l’Accord, qui est le plus coupable ?
Objectivement, cela ne saurait être le Gouvernement du Mali qui, de manière progressive réunit toutes les conditions et travaille sur les mesures d’ordre législatif et réglementaire à une vitesse supportable par l’Etat et les populations.
C’est dire donc que les accusations et la cabale médiatique contre le Gouvernement du Mali sont injustes et profondément injustifiées.
La paix ne se décrète pas seulement, elle se construit surtout. Et cela, le Gouvernement s’y attelle quotidiennement.
Le paradoxe de la mise en œuvre de l’Accord devient alors patent. Comme largement démontré lors des pertinentes Assises de la Société Civile début mai 2016 soutenues par ces partenaires fiables que sont le PNUD et le NDI, contrairement au bon sens, l’Accord de paix au Mali a été entamé par son pied, en place et lieu de sa tête.
La logique recommandait plutôt que le redéploiement de l’Administration à Kidal comme pour reconnaissance de l’Intégrité territoriale du Mali soit un préalable à la mise en œuvre de l’Accord. Ces régions libérées auraient bénéficié de la tutelle de l’Etat pour assurer ses mission régaliennes, garantir le retour des populations, faire démarrer les projets de développement et organiser les élections, avec un accompagnement efficient de la communauté internationale.
Avant que l’adversaire commun à toutes les parties signataires de l’Accord, à savoir le terrorisme, ne prenne définitivement le dessus, il est grand temps de faire preuve de bonne foi, revenir chercher la solution aux écueils inhérents à tout Accord de paix au sein des Instances convenues dans l’Accord.
Il est à espérer que c’est ce langage de réalisme et de vérité que tiendra le Chef de file de la médiation, l’Algérie.
Il y va de l’intérêt de tous, la communauté internationale comprise.
La vigilance également devra rester permanente, tant il est vrai que de nos jours, la bonne foi n’est certainement pas la valeur la mieux partagée.
Paris le 01 Juin 2016
Société Civile malienne en France