La tension actuelle entre la France et le Mali est révélatrice du décalage entre les réalités politiques de certains pays du Sahel et la perception qu’en ont des classes politiques trop longtemps choyées et protégées par la Communauté internationale. Les réalités nationales constitutives de ces pays sont généralement ignorées et cela a persuadé une élite, fabriquée et formatée dans une zone de confort d’influence, que ses privilèges sont inaliénables et éternels. Elle ne réalise pas que le monde change et que la chape de plomb qui a protégé le système post-colonial, avec la bienveillance de l’ancienne puissance coloniale, ne pourra plus inhiber l’aspiration à la liberté des peuples et leur détermination à prendre en charge leur destin dans une organisation étatique qui garantirait leur épanouissement voire leur émancipation.
Quand des leaders de premier plan, censés incarner la réalité nationale dans sa diversité et sa complexité, épousent des postures extrémistes et versent dans un populisme de bas étage, ils ne peuvent mener le pays que vers le chaos et sa dislocation.
L’actuel Premier Ministre malien Choguel Maïga, connu pour son aversion à l’égard de certaines communautés de son pays, est représentatif de ces courants ethnocentrés qui croient encore que le Mali pourra prospérer sur la domination, voire la négation, de certaines communautés qui ont le tort de revendiquer leur droit à une citoyenneté pleine et entière identique pour tous les Maliens et pour toutes les communautés. Le non-dit à peine dissimulé derrière les déclarations de certains leaders d’opinion se résume à leur espoir de voir le groupe Wagner aller combattre non pas les organisations jihadistes mais les Mouvements politico-militaires qui portent les intérêts des populations de l’Azawad.
Cette posture peut s’avérer contre-productive pour sortir le pays du chaos. Si le Mali, en tant que pays souverain, a théoriquement le droit de choisir ses partenaires et organiser à sa guise ses relations internationales, il n’en demeure pas moins que persistent des contraintes objectives qui devront l’amener à davantage de réalisme politique. Introduire des acteurs aux contours non identifiés qui traînent une réputation sulfureuse dans la confusion actuelle constitue une prise de risque dont le pays et le Sahel n’ont certes pas besoin.
Les autorités de Bamako devraient se résoudre à plus de réalisme et à tirer les leçons de ces trente dernières années. Elles doivent comprendre enfin que la survie du pays dans ses frontières actuelles nécessitera inévitablement l’instauration d’un système fédéral consensuel correspondant à ses réalités géo historiques et socioculturelles. La fondation d’un nouvel Etat appelle également la constitution d’une véritable armée nationale composée, à tous les niveaux de sa hiérarchie, de l’ensemble des fils du pays dans des proportions qui correspondent à ses réalités régionales et socioculturelles. Une introspection sans complaisance destinée à purger la mémoire collective des pesanteurs et du passif des 60 dernières années sera nécessaire afin d’apaiser les mémoires et construire un nouveau vivre ensemble. Les victimes d’exactions commises par l’Etat au nom du peuple doivent être reconnues dans leurs droits matériels et moraux. Il s’agit de sortir de l’illusion d’un Mali dont l’essentiel des référents historiques et identitaires est puisé à une unique source, faisant abstraction de la richesse culturelle et humaine du pays. C’est seulement quand toutes ces conditions seront réunies que l’on pourra forger une définition claire de ce que représentent le Mali et son Etat et que les citoyens dans leur diversité pourront construire ensemble un sentiment patriotique à même d’être convoqué face à l’adversité.
Certains, dans leur immense naïveté, y compris parmi les ressortissants du Nord, pensent qu’ils peuvent reconstruire le Mali sans solder la mémoire collective du passif des exactions et autres massacres au Nord depuis les années 60. Pour nombre de ressortissants de l’Azawad, l’Etat malien est encore associé aux atrocités et à la négation de leur identité culturelle. Comment pourraient-ils alors en être suffisamment fiers au point de développer un patriotisme à opposer à toute adversité ?
Dans le contexte de blocage actuel, les Mouvements de l’Azawad seraient légitimes à ne plus se sentir liés par des accords de paix que l’Etat malien refuse d’appliquer et donc à revisiter leur stratégie politique et sécuritaire. La question d’une totale réorganisation territoriale pourrait alors refaire surface avec encore plus d’acuité. Ceux qui s’acharnent à réduire la question du Nord à la naissance du MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad) et aux évènements de 2012 et 2013 manifestent là leur entêtement à ne pas reconnaître la légitimité des aspirations exprimées par les populations notamment touarègues et maures depuis l’indépendance. Ces revendications sont portées depuis les années 60 par des organisations qui les ont incarnées avant que d’autres ne les poursuivent au gré des contingences politiques de chaque époque.
Il y a incontestablement une forme d’ingratitude et d’absence de vision politique pragmatique dans l’attitude affichée dernièrement par le Premier ministre malien, aveuglé par une haine viscérale de certaines communautés du Nord qu’il souhaiterait évacuer de la scène politique et du roman national. Il devrait pourtant se résoudre au fait que la paix, la sécurité et la stabilité du Sahel ne pourront se réaliser de manière durable et constructive sans une implication politique et militaire de ces communautés dans une reconfiguration générale de cet espace et de sa gouvernance.
Le CSP : un espoir de renouveau politique pour l’Azawad, le Mali et le… Sahel
Les Mouvements politico-militaires de l’Azawad sont parvenus à se mettre d’accord sur une initiative devant aboutir à une meilleure lisibilité de leur apport politique pour leurs communautés, leurs territoires, leur pays et le Sahel.
Ainsi, la création du Cadre stratégique permanant (CSP) constitue un tournant majeur dans le processus de maturation et de prise de conscience des différents acteurs politiques qui s’inscrivent dans cette dynamique. C’est un signal fort qui indique la volonté de ses membres à se mettre en ordre et à réaffirmer leur rôle comme acteurs politiques incontournables pour la sécurité, la stabilité et le développement de leur espace et du pays. Ils réaffirment ainsi leur détermination à apporter une contribution active au processus de refondation de l’Etat, qui permettra demain aux citoyens maliens de se sentir égaux et libres dans un Etat qui les considère tous sans distinction.
Sans préjuger des évolutions futures de cette nouvelle structure, il importe qu’elle s’attèle à une cohérence de son action au regard des intérêts des populations et l’instauration d’un Etat viable et représentatif des communautés qui composent le peuple malien. L’unité d’un pays comme le Mali ne pourra être effective et pérenne qu’à travers le respect de la diversité de ses cultures et de ses communautés. Ceux qui sont enfermés dans une conception étriquée de leur pays le réduisant à une communauté ou une aire géographique limitée auront un réveil difficile face aux incontournables réalités qui se dessinent.
Abdoulahi ATTAYOUB
Consultant
Président de l’Organisationde la Diaspora Touarègue en Europe (ODTE)
Lyon 01 octobre 2021
Vous parlez du Nord malien , vous oubliez l’ethnie majoritaire les songhrai.
Et les peuls ?
Ce qui vous intéresse ce sont les blancs de peau .
Tout le monde se souviens comment par la surenchère , un certain Moussa AG ATTAHER sorti de nulle part , encouragé par une certaine presse française est apparu sur la scène malienne .
Si c’est ce coup que vous tentez c’est perdu ….
Et l’empire de Gao qui “a régné jusqu’au Sud ” était Songhrai…
L’Azawad est une invention. Le reste se réduit à un problème touargo-touareg : des aristocrates qui veulent préserver leur domination et ceux qui aspirent et se battent pour que ce système rétrograde change. Le reste n’est que du verbiage inutile. On ne peut pas noyer le poisson dans l’eau.
Par contre je pense pas que Wagner puisse être la solution.
Question : l’empire de Gao qui a régné jusque dans le sud était-il une fédération ?
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