Ma constitution en 12 points

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Dans le préambule, d’importants symboles trouvent leur place, notamment la référence à l’héritage des grands empires et royaumes, la lutte pour l’indépendance, la Révolution du 26 mars 1991 et la promotion des idéaux de la refondation portés par le Peuple malien.

Depuis plus d’une décennie, notre Patrie, le Mali, traverse une période particulièrement difficile de son histoire, sur fond de crise multidimensionnelle (sociopolitique et sécuritaire). Cependant cette situation de crise lui a offert, en matière de gestion étatique, des opportunités pour apprécier les grandes questions politiques, institutionnelles et/ou géostratégiques, en termes d’enjeux et de défis majeurs à relever.

Fort des faits constatés et des enseignements y afférents, le Président de la Transition, Chef de l’Etat, Son Excellence le Colonel Assimi GOÏTA, a instruit le Gouvernement d’entreprendre un processus de Refondation de la Nation. C’est ainsi que les Assises nationales de la Refondation (ANR) se sont tenues sur toute l’étendue du territoire national (dans les Communes, les Cercles, les Régions, ainsi qu’au niveau des Maliens établis à l’Extérieur), comme cadres privilégiés d’expression des vœux souverains du Peuple malien.

Après un diagnostic sans complaisance de l’État de la Nation, notamment lors de la phase nationale des ANR, tenues à Bamako, du 27 au 30 décembre 2021, sous la Haute présidence du Président de la Transition, Chef de l’Etat, plusieurs résolutions concernant les questions politiques, institutionnelles et de gouvernance ont été prises, au nombre desquelles « élaborer une nouvelle constitution».

En effet, la Constitution du 25 février 1992 a montré ses limites. Par conséquent, la majorité des maliens ont manifesté leur volonté de refonder le Mali en profondeur. Le présent projet de Constitution matérialise cette aspiration commune du Peuple malien (…).

Dans l’ensemble, le projet de nouvelle Constitution marque un compromis entre l’enracinement culturel, l’ouverture religieuse et l’affirmation identitaire. Le contenu du préambule est d’autant plus important qu’elle se voie accorder la même valeur que l’ensemble du texte, dont les articles s’interprètent les uns par rapport aux autres.

Dans le préambule, d’importants symboles trouvent leur place, notamment la référence à l’héritage des grands empires et royaumes, la lutte pour l’indépendance, la Révolution du 26 mars 1991 et la promotion des idéaux de la refondation portés par le Peuple malien.

Cette Constitution consacre l’essentiel des droits humains protégés dans les conventions internationales et les grandes démocraties, ainsi que la parité en matière électorale et les droits des femmes affirmés depuis l’indépendance. C’est pourquoi, elle a été, en tant que loi fondamentale, saluée par la plupart des observateurs avisés, pour les solides garanties démocratiques qu’elle procure en matière de fonctionnement des pouvoirs politiques et de la justice, à l’instar de la protection des libertés et des droits humains.

Aussi, la nouvelle Constitution regorge de plusieurs vertus, comme le principe d’égalité entre les citoyens, la valorisation des droits des femmes, la garantie des droits et libertés individuels, des droits collectifs, économiques, sociaux, culturels et environnementaux, la protection des droits de l’enfant, sans discrimination en fonction de la situation familiale, et des droits des personnes vivant avec un handicap.

Enfin, un élément non négligeable pour la protection des droits et libertés, la Constitution reconnaît aux conventions internationales approuvées par le pouvoir législatif une valeur certes infra-constitutionnelle, mais supra-législative. Généralement, chacun de ses chapitres illustre un compromis entre différentes couches et tendances de la société.

 

Point 1 : L’Interdiction des discriminations entre les maliens basées sur l’ethnie et la religion.

Se référant à la richesse et aux valeurs cultuelles endogènes du Mali, sur lesquelles ont été bâtis les grands empires et royaumes, le projet de nouvelle Constitution a fait de la réconciliation nationale, un levier très important de la cohésion sociale, gage de stabilité institutionnelle et de développement durable. Le préambule et les premières dispositions du texte fondamental garantissent l’égalité de tous les maliens, en droits et en devoirs, depuis la naissance, sans distinction d’origine sociale, de région, de couleur, de langue, de race, d’ethnie, de sexe, de religion ou d’opinion politique (article 1er). Le Projet de Constitution fait une innovation fondamentale, en ajoutant à la liste des fondements de discrimination prohibée, l’ethnie et la région. Concrètement, les ethnies au Mali, se valent, comme c’est le cas des différentes régions du pays, elles sont égales. En conséquence, aucune discrimination ne peut être fondée ni sur l’ethnie, ni sur la région de provenance.

Le Projet de Constitution réaffirme le caractère sacré et inviolable de la personne humaine (article

2). Ces dispositions constituent des mesures de prévention et de lutte contre certaines pratiques sociales révolues, à l’instar de l’esclavage par ascendance (article 4), le trafic d’enfants et l’extrémisme religieux fondé sur la haine et le refus de l’autre, avec son cortège de crimes organisés (article 3).

 

Point 2 : La garantie des libertés religieuses.

De l’indépendance à nos jours, la forme républicaine et laïque de l’Etat a toujours été une constante au Mali. La laïcité ne s’oppose pas à la religion et aux croyances. Chacun est libre de pratiquer sa religion, car la foi est une caractéristique fondamentale de la culture malienne.

Ainsi, la coexistence des religions et celle des croyances a toujours servi de ciment entre les communautés. C’est pourquoi, la laïcité de l’Etat est réaffirmée dans le projet de Constitution comme le principal socle de la cohésion sociale et du vivre ensemble, fondés sur la tolérance, le dialogue et la compréhension mutuelle (article 32). A cet égard, elle ne peut faire l’objet de révision.

 

Point 3 : L’Officialisation des langues nationales.

Dans le cadre de l’affirmation de notre souveraineté et de la valorisation de notre héritage culturel, les langues nationales sont désormais les langues officielles du Mali. Le français est la langue de travail (article 31). Ce projet de Constitution offre la possibilité d’adopter toute autre langue comme langue de travail.

 

Point 4 : La Défense de la Patrie et le volontariat dans l’armée

  1. a) La défense de la patrie :

La défense de la patrie est un devoir pour tout citoyen. Dans ce cadre, la Constitution du 25 février 1992 ne fait pas référence à la mobilisation des citoyens. Par contre, ce projet de Constitution permet la mobilisation de tous les citoyens âgés de 18 ans au moins, aux côtés des Forces armées et de sécurité, pour la défense de la Patrie (article 24).

Le Président de la République peut ordonner la mobilisation générale et déterminer les modalités de participation des citoyens à la défense de la Patrie, lorsque la situation sécuritaire l’exige (article 63). En effet, malgré la militarisation de la Police et la redynamisation du Service National des Jeunes (SNJ), les effectifs pour la sécurisation du territoire demeurent insuffisants. Cette mobilisation est toutefois fondée sur le volontariat.

  1. b) La mobilisation générale et le recrutement dans l’armée sont fondés sur le volontariat: La mobilisation générale prévue aux articles 24 et 63, en matière de défense de la Patrie, est un acte particulier, voire exceptionnel, ne remettant pas en cause le principe de recrutement volontaire dans l’Armée, suivant des critères d’aptitude définis. Le volontariat demeure la règle et procède de la forme républicaine des Forces armées et de sécurité, consacrée par le présent projet de Constitution qui, en son article 90, dispose : «Les forces armées et de sécurité sont au service de la Nation .Elles sont républicaines, apolitiques et soumises à l’autorité politique ».

A cet égard, le volontariat pour le recrutement dans I ‘Armée, au-delà des aptitudes psychophysiques, est basé sur le sens de l’engagement patriotique, du sacrifice et du don de soi, au service de la Nation malienne. Par conséquent, l’Etat veille à ce que les Forces armées et de sécurité disposent en permanence de capacités en ressources humaines et matérielles nécessaires à l’accomplissement de leurs missions, sur la base de planifications, à travers des lois de programmation (article 93).

A noter que, être mobilisé aux côtés des forces armées et de sécurité, ne veut pas forcément dire prendre les armes, mais rendre service à son pays, d’une manière ou d’une autre, par des devoirs citoyens nécessaires à l’accomplissement efficient et efficace des missions des Forces de défense et de sécurité (action civique, soutien aux déplacés, situation d’urgence, etc.).

 

Point 5: Les Principes directeurs de l’action publique.

La Constitution de 1992 ne donne aucune directive par rapport à l’orientation de l’action publique. Ce projet de Constitution fait une innovation majeure en disposant que : « L’action publique est guidée par les principes fondés sur le respect de la souveraineté de I ‘Etat, les choix souverains du Peuple et la défense de ses intérêts » (article 34).

Ces principes directeurs permettent au Peuple de suivre les actions gouvernementales et de s’assurer qu’elles correspondent à ses intérêts. Par exemple, l’Etat dispose du droit souverain sur les richesses et les ressources naturelles situées sur son territoire. L’exploitation de ces richesses et ressources naturelles doit être assurée dans le respect des règles de protection de l’environnement et dans l’intérêt des générations présentes et futures (article 42).

 

Point 6: L’Interdiction de la double nationalité pour les candidats à l’élection présidentielle.

La magistrature suprême est fortement liée à la vie de la Nation. Elire comme Président de la République du Mali, un citoyen d’un autre pays peut être dangereux pour l’Institution et la Nation, aux plans juridique et sociopolitique.

Une fois élue, cette personne peut ne pas accepter de renoncer à sa seconde nationalité. Même en l’acceptant, la procédure y afférente est souvent très longue. Cela peut constituer un blocage pour l’investiture.

Pour ces motifs, entre autres, la nouvelle Constitution précise que «Tout candidat aux fonctions de Président de la République doit être de nationalité malienne d’origine et ne posséder aucune autre nationalité à la date de dépôt de la candidature. Il doit jouir de tous ses droits civils et politiques, être de bonne moralité et de grande probité » (article 46).

 

Point 7 : L’Equilibre des pouvoirs.

Dans le cadre de l’équilibre des pouvoirs exécutif et législatif, le Président de la République peut dissoudre l’Assemblée nationale (article 69) et le Parlement peut destituer le Président de la République (article 73). Le pouvoir du Président de la République lui permettant de dissoudre l’Assemblée nationale a des limites. Notamment :

La dissolution n’est possible qu’après les douze premiers mois suivant l’élection des députés ;

Après la dissolution, de nouvelles élections législatives doivent être organisées deux (2) mois au moins et quatre (4) mois au plus ;

Une fois les députés élus, il est impossible de procéder à une nouvelle dissolution dans l’année qui suit ces élections;

Au cas où les élections ne sont pas organisées dans les délais prévus par la Constitution, l’Assemblée nationale est rétablie dans ses fonctions.

De même que le Président de la République peut dissoudre l’Assemblée nationale, le Parlement réuni en Congrès extraordinaire, sous la présidence du Président de la Cour suprême, peut procéder à la destitution du Président de la République, pour haute trahison. La haute trahison est constatée, quand le Président viole son serment.

Dans la pratique, la motion de destitution est initiée par l’une des chambres du Parlement. Les deux chambres se réunissent en congrès extraordinaire pour la destitution du Président de la République. La destitution ne peut être prononcée qu’à la majorité des 3/4 des membres du Congrès.

 

 

Point 8 : Le Réaménagement des institutions de la République.

Le Projet de Constitution procède à un réaménagement des institutions de la République. La Haute Cour de justice et le Haut Conseil des collectivités territoriales ont été supprimés. Le Sénat et la Cour des comptes ont été créés. Le Conseil économique social et culturel s’occupe désormais des questions environnementales (article 164).

Le Parlement comporte deux chambres : l’Assemblée Nationale et le Sénat (article 95).Cette innovation capitale émane de l’Article 6 de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger. La création du Sénat répond aux besoins de représentativité des autorités et légitimités traditionnelles dans les institutions de l’Etat.

Le pouvoir judiciaire a, lui aussi, été bonifié par la création de la Cour des comptes. Cette Cour est la juridiction supérieure des finances publiques et l’institution supérieure de contrôle des finances publiques (article 156).Elle remplace la Section des comptes de la Cour suprême. Après la cérémonie d’investiture et dans un délai de sept (7) jours, le Président de la République remet la déclaration écrite de ses biens au Président de la Cour des comptes.

Les membres du Gouvernement, de l’Assemblée nationale et du Sénat remettent au Président de la Cour des comptes les déclarations écrites de leurs biens dans un délai maximum de trente (30) jours après leur installation officielle.

Le Président de la Cour des comptes informe l’opinion nationale de l’accomplissement de la formalité de la déclaration des biens et de leurs mises à jour.

La Cour des comptes vérifie les comptes des partis politiques.

La création de cette Cour contribue à la lutte contre la corruption, l’enrichissement illicite, le blanchiment d’argent et le détournement de deniers publics.

 

Point 9 : L’encadrement de la vie politique et des parlementaires.

Le Président de la République, les Présidents de l’Assemblée nationale, du Sénat et du Conseil économique, social, environnemental et culturel peuvent, tous, être destitués.

La responsabilité du Président de la République peut être engagée pour des faits qualifiés de haute trahison (article 73). Aussi, il est désormais pénalement responsable, devant les juridictions de droit commun, des crimes et délits commis en dehors de l’exercice de ses fonctions (article 74).

Les membres du Gouvernement sont pénalement responsables des crimes ou délits commis dans l’exercice de leurs fonctions (article 82).

Le champ d’action de l’immunité des parlementaires a été fortement réduit suite aux abus et dérives constatés. Ainsi, « les députés et les sénateurs ne bénéficient de l’immunité parlementaire que dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions » (article 103).

Le projet de Constitution met fin au nomadisme politique. Pour la quiétude du climat social et l’équilibre politique, toute adhésion à un autre parti politique ou une autre organisation, en cours de mandat, est considérée comme une démission (article 106), avec ou sans notification écrite, et entraine la déchéance de la personne intéressée.

 

Point 10: L’Indépendance du pouvoir judiciaire.

La justice est rendue au nom du Peuple.

De ce fait, le Peuple doit être représenté au niveau de l’instance de prise de décision qu’est le Conseil supérieur de la magistrature. Cette préoccupation est prise en compte dans le projet de Constitution (article 137).

Aussi, la possibilité est donnée aux justiciables de saisir directement le Conseil supérieur de la magistrature et indirectement la Cour constitutionnelle via la Cour suprême (articles 136 et 153).

 

Point 11 : L’Institutionnalisation du statut des autorités et légitimités traditionnelles.

La crise multidimensionnelle que le Mali traverse depuis 2012, a révélé le rôle vital joué par les autorités et légitimités traditionnelles. Elles sont les gardiennes de nos valeurs sociétales et les symboles vivants de la dignité, de l’engagement, de la cohésion sociale, du patriotisme et du vivre ensemble. Par conséquent, le projet de Constitution les a institutionnalisées, en tant que sénateurs (article 97). Ce qui représente une innovation majeure.

 

Point 12: Les Maliens établis à l’Extérieur

L’une des grandes innovations du projet de nouvelle Constitution est la représentation des Maliens établis à l’Extérieur au sein de deux (2) institutions de la République : le Parlement et le Conseil économique, social, environnemental et culturel. Ils sont représentés dans les deux chambres du Parlement, à savoir l’Assemblée nationale (article 96) et le Sénat (article 97), ainsi que dans le Conseil économique, social, environnemental et culturel (article 168).

Cette représentation répond au souci, longtemps exprimé, par les millions de maliens de la Diaspora, de faire entendre leurs voix, pour la prise en compte de leurs préoccupations légitimes au niveau des instances de prise de décisions nationales. Ce souci est concrétisé dans le Projet de Constitution. L’innovation est de taille car, si dans la Constitution en vigueur, ils sont représentés dans le Haut Conseil des Collectivités territoriales, cette institution n’a pas le même statut que le Sénat. De plus, ils n’étaient point représentés dans l’Assemblée nationale. Désormais, ils sont éligibles pour être des Députés, des Sénateurs et des Conseillers de la République.

Cette grande innovation soutiendra fortement les actions des pouvoirs publics auprès des structures et organes de dialogue social, et contribuera par conséquent à l’apaisement du climat social.

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