Si au début le fléau du terrorisme ne touchait essentiellement que la zone nord du Mali, actuellement il se propage au centre, à quelques centaines de kilomètres de Bamako la capitale du pays.
En 2013, la situation critique du Mali, en raison de l’occupation militaire du nord du pays (près des deux tiers de sa superficie) par des groupes terroristes, a forcé l’intervention de la communauté internationale.
Grâce au leadership de la France, la communauté internationale est parvenue à rétablir la souveraineté du pays sur la plus grande partie de son territoire, détruisant les bases de la coalition terroriste ainsi qu’une bonne partie de sa logistique. En termes de sécurité, depuis 2015 l’attention se porte de plus en plus sur le centre du pays.
Dans un livre publié en 2017, Adam Thiam parle d’une crise provoquée par la négligence du gouvernement central, du retrait des forces armées suite aux attaques du groupe terroriste dirigé par Amadou Kouffa.
Pour sa part, Nicolas Normand explique également la propagation djihadiste au centre du Mali par l’exploitation de la faible présence de l’État mais aussi des frustrations accumulées, des conflits locaux liés à la terre et des rivalités qui en découlent, la stratification sociale et religieuse au centre.
A cela ajoutons également que, partout au Mali, le comportement de certains représentants de l’administration n’est pas exempt de reproche, les droits humains, la justice, l’équité ne sont très souvent que des mirages. Cette situation de corruption gangrenée contribue largement à créer un sentiment d’injustice chez les populations qui pourraient se sentir attirées par le discours des djihadistes. Ceci est une réalité commune pratiquement à tous les Etats du sahel occidental, ce qui rend vraiment difficile la lutte contre le terrorisme dû au fait qu’ils sont nombreux ceux qui n’hésitent pas à choisir entre l’administration corrompue et le « sauveur » djihadiste.
Dougoukolo Alpha Oumar Ba-Konaré, professeur de l’Institut National des Langues et de la Civilisation Orientale (INALCO) de Paris, fait référence à de faux djihadistes et de faux Dozos créant l’amalgame entre les différentes communautés, il fait également allusion au royaume théocratique du Macina qui émergea au centre du pays au XIXe siècle en tant que facteur favorable à la propension du djihadisme dans la région.
D’autre part, dans une interview, Abdel Aziz Diallo, président de l’association “Tabital Pulaku”, accuse les miliciens de bénéficier du soutien de militaires maliens à la retraite mais également de mercenaires ivoiriens. Tout en rapportant que les terroristes ont tué beaucoup de personnes de l’ethnie peule en éliminant tous les dirigeants qui ne sont pas d’accord avec eux, il insinue également que la sécurité est en train d’être déléguée aux milices.
Si au nord du pays, la création de milices d’auto-défense a contribué à l’équilibre des rapports de forces sur le terrain, le cas du centre se traduit pratiquement par un nettoyage ethnique, toute chose qui renforce la position des groupes djihadistes. Dans ces conditions, tout effort, aussi bien des autorités maliennes que de la communauté internationale, risque de ne pas avoir l’effet escompté. L’Etat a le devoir de désarmer tous les groupes armés, ne laisser aucun doute par rapport à une quelconque relation avec une milice et assurer la sécurité de tous.
Quant au représentant de la CEDEAO au Mali, Cheaka Aboudou Touré, il explique la situation du centre due à une mutation du terrorisme dans le tissu social, passant d’un phénomène exogène à un phénomène endogène.
Malheureusement les massacre de ces derniers jours nous montrent clairement que le terrorisme s’est transformé en affrontements entre des communautés qui on vecu en symbiose depuis des siecle.
Face à cette situation, il est urgent que l’Etat s’assume en abordant le problème à ses racines, accompagner la réponse militaire (disciplinée et sans amalgame) par un véritable programme de développement.
Il n’ya pas longtemps de cela, la coordination terroriste Nusrat al-Islam wal-Muslimin (Groupe de soutien pour l’islam et les musulmans) a publiait un communiqué dans lequel il revendiquait la responsabilité de l’attaque du 21 janvier 2019 contre une caserne de l’armée malienne évoquant comme motif celui de défendre et protéger la communauté peule du Mali contre l’armée soutenue par la milice “Dozo”.
Le 28 février 2019, France 24 diffusait également une vidéo dans laquelle le leader djihadiste Amadou Kouffa niait sa propre mort en affirmant l’arrivée de nombreux combattants peuls en soutien à son organisation terroriste.
A la lumière de tous ces arguments, il est évident que le problème du nord s’est progressivement déplacé vers le centre, une zone encore plus fertile aux manipulations, et qu’ici (au centre) les uns et les autres tombent progressivement dans le piège de l’ennemi qui trouve désormais une oreille attentive à son discours.
En tout état de cause, Yvan Guichaoua affirme que la lutte antiterroriste emprunte des voies extrêmement dangereuses, se traduisant par des massacres de civils, ce qui facilite des relations ambiguës avec des milices coupables de violence ou nourrit l’amalgame à l’égard de communautés entières.
Ces pratiques sont des arguments qui aident les djihadistes à obtenir des soutiens locaux. Il remarque également que pour l’heure, les djihadistes apparaissent comme de meilleurs sociologues et hommes politiques que les représentants de l’État, ne pas en tirer les conséquences, c’est compromettre sérieusement les possibilités de renforcer la légitimité de l’État.
Comme conclusion, en guise de possibles solutions faisons recours à des auteurs comme Thierry Deffarges qui misent sur l’importance d’un vrai programme de développement économique et social, proposent de diminuer la pauvreté et rendre accessible l’éducation, voilà des mesures efficaces qui constituent la base d’une bonne politique pour lutter contre la demande et l’offre du terrorisme. En limitant ainsi les revendications sociales, nous réduisons considérablement l’appui dont les organisations terroristes peuvent bénéficier en limitant leur capacité de recrutement.
La communauté internationale se doit de réagir également face à cette situation, jusque là la MINUSMA se contente de son simple rôle de spectatrice, elle devrait entendre toutes les voix qui réclament un renforcement de son mandat au Mali. /.
Oumar Diallo
Doctorant en Sciences Sociales
Université de Séville.