Le sommet extraordinaire de la CEDEAO a approuvé de lourdes sanctions contre le Mali qui sont diversement appréciées, mais fortement rejetées au Sénégal. Outre les conséquences de ces mesures sur le Mali, elles vont aussi sévèrement affecter la Côte d’ivoire et le Sénégal, deux pays de l’UEMOA, qui sont les principaux destinataires des produits maliens. En 2020, ils ont abordé respectivement 35,9% et 54,9% des exportations d’animaux vivants du Mali. Par ailleurs, ces deux pays sont également les deux principaux fournisseurs du Mali avec 35,4% et 45,5% en 2020.
Fermeture des frontières avec le Mali, gel des avoirs de l’État malien, sont entre autres sanctions décidées contre notre pays au cours du sommet extraordinaire CEDEAO-UEMOA. Ces mesures pour contraindre les autorités de la transition qui, selon les chefs d’État de ses institutions internationales, trainent le pas pour se maintenir au pouvoir, à tenir les élections pour un retour à l’ordre constitutionnel.
Les sanctions disproportionnées et illégales selon certains observateurs et responsables politiques de ces deux organisations ne sont pas sans conséquences pour les autres États. Mais, elles affecteront davantage, en plus du Mali, le Sénégal et la Côte d’ivoire. Parce que le Mali commerce plus avec ces deux pays en exportations comme importations dans l’espace UEMOA, selon la Balance des paiements et position extérieure globale du Mali-202o dont le contenu a été rendu public en décembre dernier. Ensuite cette fermeture des frontières avec le Mali aura des répercussions sur le Burkina Faso.
Contrairement à ces pays, c’est la Guinée Conakry qui profite très peu du commerce avec le Mali.
En extrapolant la situation, l’Afrique étant le plus grand fournisseur et client du Mali, ces sanctions de l’UEMOA vont davantage affecter les économies de l’espace déjà fragilisée par la pandémie à Coronavirus, l’insécurité et la corruption.
C’est l’analyse que nous faisons du rapport de la BCEAO sur la balance de paiement du Mali en 2020. En effet, que dit ce document sur les exportations et importations du Mali dans l’espace UEMOA où il occupe une place de choix en termes de sa contribution dans le commerce de l’Union.
Selon la BCEAO, sur la base des estimations des échanges intra-communautaires réconciliés en 2019 et 2020, le commerce entre le Mali et les autres pays de l’UEMOA a enregistré une diminution de 2,7% de la valeur totale des flux échangés, la ramenant à 1.304,2 milliards en 2020, contre 1.341,1 milliards en 2019.
De même, la part des pays de l’UEMOA dans les exportations du Mali a diminué de 11,9 milliards, avec une valeur de 219,8 milliards (8,0% des exportations totales) en 2020, après 231,7 milliards en 2019 (10,8%), en décalage avec les objectifs d’intégration de la zone UEMOA.
Pour l’institution financière, les ventes à destination des autres pays de l’UEMOA restent dominées par les animaux vivants. En effet, poursuit-elle, les exportations de bétail sont ressorties à 73,3 milliards en 2020, soit 33,3% des exportations totales vers les pays de l’Union.
« La Côte d’Ivoire et le Sénégal, principaux destinataires de ce produit, absorbent respectivement 35,9% et 54,9% des exportations d’animaux vivants », affirme la Balance de paiement et position extérieure globale du Mali – 2020 élaborée par la BCEAO.
Par ailleurs, les exportations d’engrais vers la zone ont diminué en 2020, en s’établissant à 12,4 milliards, soit 5,6% du total des exportations vers les pays de l’UEMOA, après 25,1 milliards, soit 10,8% en 2019. Le Burkina Faso reste le principal pays de destination pour ce produit.
Outre ces produits, le Mali approvisionne l’UEMOA en fers et aciers 4,3%, produits énergétiques 4,4%, légumes et fruits 2,7%.
Ces différentes transactions du Mali contribuent à maintenir la stabilité sociale dans ces pays et participent également au développement socio-économique, à travers des emplois et revenus qu’elles créent.
En ce qui concerne les importations dans l’espace UEMOA, les importations communautaires du Mali mettent en évidence le Sénégal et la Côte d’Ivoire comme principaux fournisseurs.
« Les parts respectives de ces deux pays dans les importations communautaires du Mali sont de 45,5% et 35,4% en 2020, après 51,7% et 30,8% en 2019 », précise le document de la BCEAO.
Les importations en provenance des pays de l’UEMOA restent dominées par les produits pétroliers. En effet, si le Mali approvisionne le Sénégal et de la Côte d’Ivoire d’animaux vivants, ces deux États fournissent notre pays en produits pétroliers qui représentent respectivement 53,0% et 36,7% des importations communautaires de ces produits.
« Les importations intra-UEMOA portent également sur les matériaux de constructions et les produits alimentaires. Ces produits ont représenté respectivement 8,9% et 5,9% du total des importations en provenance de l’Union », peut-on lire dans le document de la BCEAO.
Pour ces produits, les pays de l’Union restent les principaux fournisseurs du Mali. En effet, ils l’ont approvisionné en hydrocarbures pour 93,8%, en matériaux de construction pour 30,0% et en produits alimentaires pour 15,9%.
« Le continent africain a consolidé sa place de principal fournisseur du Mali, suivi de l’Asie et de l’Europe », a indiqué le rapport de la Balance de paiement et de position extérieure globale du Mali en 2020.
A l’analyse de ces données d’importations, le Mali reste un pays fragile en rompant ces relations avec l’UEMOA dont les membres sont ces principaux fournisseurs. La situation est davantage pesante pour le Mali parce qu’il n’a pas de débouché direct sur la mer. Celle-ci pourrait être atténuer en renouant la coopération avec la Mauritanie et la Guinée Conakry qui ont manifesté leurs soutiens aux autorités de la transition.
Toutefois, ces alternatives ne vont pas tout régler comme la dépendance énergétique du Mali à la Côte d’ivoire.
Cependant, en termes de transferts en capital correspondant aux projets financés par les partenaires techniques et financiers du Mali dans différents secteurs, il ressort que l’Union a une part très faible pour soutenir le Mali dans le cadre des investissements. A ce titre, les dons aux projets en faveur du Mali sont provenus de la Banque mondiale (21,3%), de l’Agence française de développement (13,6%), de l’Union européenne (11,0%), de la KFW (17,1%).
PAR SIKOU BAH