En milieu de semaine dernière, les chefs d’Etat de la Cédéao se sont réunis en sommet ordinaire à Yamoussoukro (Côte d’Ivoire) pour demander à la communauté internationale, notamment l’Onu, de leur fournir neuf cent cinquante millions de dollars américains. Soit plus du double de ce qu’ils avaient demandé (450 millions USD) quelques semaines plus tôt pour l’intervention des forces de la Misma (Mission internationale de soutien au Mali).
Le prétexte tout trouvé pour justifier cette énième quête est que les effectifs des militaires devant intervenir au Mali est passé de 3 300 à 8000. Les Occidentaux sont présentement en train d’apprécier cette requête, notamment la France qui, aux dires de ses dirigeants, est pressée de passer le relais à la force africaine. Une armée qui visiblement n’existe pas encore concrètement. Bien sûr, des Nigériens sont à Gao, des Burkinabé, dans la région de Ségou, d’autres dans le Sahel occidental, mais sur le véritablement front, il n’y a personne, pas un seul soldat des pays de la Cédéao censés venir au secours du Mali.
En revanche, les Français et les Tchadiens sont bien présents dans le vaste désert et mènent avec succès des opérations d’envergure. Pour preuve, quelques heures après les parlotes du syndicat sous-régional des chefs d’Etat en Côte d’Ivoire, les Tchadiens déclaraient la mort de deux hauts responsables des jihadistes. Abdelhamid Abou Zéïd, un des chefs opérationnels d’Al Qaëda au Maghreb islamique (Aqmi), serait tué vendredi dernier, Moktar Belmoktar, dissident d’Aqmi et fondateur de la brigade des signataires par le sang, aurait trouvé la mort le lendemain samedi. Les deux hommes auraient été liquidés par les forces tchadiennes dans les profondeurs de la chaine montagneuse du Tegharghar qui leur servait de refuge. Si l’armée française, présente sur les lieux, et les forces maliennes n’ont pas confirmé l’information donnée par les Tchadiens, les groupes islamistes et terroristes ne l’ont pas encore démentie. Dès lors, on peut féliciter les soldats tchadiens qui, censés être derrière les forces de la Misma, sont les seuls Africains à se battre et à faire le boulot de la Cédéao. Et ils ne perdent pas de temps à quémander de l’argent auprès de la communauté internationale.
Excédé et remonté, Idriss Déby, le président tchadien, invité spécial de ce sommet, n’a pas manqué de signaler à ses pairs qu’il ne comprenait pas toujours pourquoi l’armée malienne et la force africaine ne sont pas encore sur le terrain. Il a raison car si le problème est fondamentalement malien, il relève également de la Cédéao dont le Mali est membre, pour laquelle des Maliens se sont battus dans d’autres pays. Avec 1 800 soldats, les Tchadiens sont en train de démontrer qu’on peut vaincre les terroristes pendant que la Cédéao pense à mobiliser 8000 hommes. Pourquoi ne commencerait-elle pas par envoyer les 3 300 soldats qu’elle prétend pouvoir mobiliser ? En réalité, l’organisation sous-régionale est aussi démunie que le Mali et compte sur la communauté internationale pour renflouer ses caisses. Elle veut faire de la guerre de libération du nord malien son fonds de commerce florissant.
Toutefois, il est vrai que la Misma devrait se battre derrière les forces armées maliennes parce qu’il s’agit avant tout de la libération de zones maliennes, mais avec toutes les visites effectuées au Mali et toutes ces évaluations, les responsables civils et militaires ont dû se rendre depuis longtemps à l’évidence: avec une chaine de commandement rompue et des troupes démobilisées, l’armée malienne est déstructurée et presqu’inexistante. D’où ce besoin urgent de formation et d’instruction militaires pour une remise à niveau, encore que cette solution tarde à entrer dans sa phase concrète.
Si les pays occidentaux savent que les Etats africains sont avides d’argent mais approuvent néanmoins le concept opérationnel sous-régional d’intervention et promettent de le financer, ils tardent encore à délier le cordon de la bourse. Eux aussi comptent sur l’Organisation des Nations Unies qu’ils appellent à la rescousse pour transformer la Misma en Mission onusienne de maintien de paix, pour les uns, en mission d’interposition, pour les autres.
Et pendant que la bataille sémantique et opportuniste fait rage, les Tchadiens continuent d’avancer et font honneur à cette Afrique qui ne doit pas éternellement tendre la main. Histoire de compter sur ses propres forces.
Cheick Tandina
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