Procès Sadi contre chefs d’Etat et de gouvernement CEDEAO : Si la politique s’égare, le droit doit éclairer

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Depuis le 19 juillet 2012, le Parti SADI a introduit une requête aux fins d’appréciation de légalité des décisions, instituant et organisant une période de transition politique en République du Mali. Contre la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, dite CEDEAO devant la Cour de justice «des peuples». Le procès a eu lieu le mardi 30 octobre 2012 à Abuja (Nigeria).

Les membres du jury

Ce jour là onze (11) affaires étaient inscrites. Outre le Parti SADI qui a porté plainte contre l’immixtion des chefs d’Etat et de gouvernement dans la crise malienne, les présidents togolais Faure Gnassingbé et le béninois Yayi Thomas Bony également étaient traduits devant l’auguste Cour par leurs compatriotes pour violation des droits de l’Homme.

Cependant, le procès SADI contre CEDEAO a étonné l’assistance au regard des faits : Comment est-on passé de l’intérim à la transition ? Que prévoit la Constitution par rapport à l’intérim ? La transition est-elle prévue ? A ces questions, l’avocat du Parti SADI dira que l’intérim est  prévu par la Constitution pour une période, ne pouvant dépasser 40 jours, assurée par le président de l’Assemblée nationale pour organiser de nouvelles élections.

Quant à la transition, elle n’en fait pas fait cas. Cela se comprend dans la mesure où une transition est anticonstitutionnelle. La Cour présidée par l’honorable juge Nana Awa Daboya et ses sages ont suivi avec intérêt la plaidoirie de Maître Mariam Diawara, avocate du Parti SADI. L’avocat, contradicteur des chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO certainement à court d’arguments, a éclairé la lanterne de la Cour et fourni d’amples informations à l’avocat du Parti SADI à travers ses  mémoires.

Interrogée par la présidente de la Cour, l’avocat du Parti SADI a demandé une procédure accélérée  compte tenu de l’urgence des évènements.  L’affaire a été mise en délibéré  pour le 10 décembre 2012 à Ibanda (Nigeria).

Sur cent trente sept (137) partis politiques, SADI est le seul à avoir osé intenter un procès contre les errements des chefs d’Etat de cet important regroupement qu’est la CEDEAO.

L’infatigable docteur Oumar Mariko et quelques inconditionnels du parti avaient fait le déplacement à Abuja. Attendons le verdict le 10 décembre, date anniversaire de la journée internationale des droits de l’Homme. Ce jour là, à Ibanda, le droit sera dit par les pouvoirs de femmes africaines (Taféfanga) au détriment des hommes.  Gageons que ces honorables juges seront capables de sauver la démocratie dans la zone CEDEAO.

La Cour est composée de sept (7) juges indépendants, de haute valeur morale, nommés par la Conférence des Chefs d’Etat et de gouvernement, parmi les ressortissants de la Communauté pour un mandat de quatre (4) ans non renouvelable. La Cour de justice de la CEDEAO est créée conformément aux dispositions des articles 6 et 15 du Traité révisé de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest.

Le Protocole A/P1/7/91 du 6 juillet 1991 amendé par le protocole A/SP1/01/05 du 19 janvier 2005 précise l’organisation, le fonctionnement et la procédure à suivre devant la Cour. Elle est une nécessité pour les citoyens de la Communauté.

La démocratie africaine souffre de manque de  décisions de justice bien rendues. Les chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO  foulent au pied la dignité de leurs peuples, une aspiration élémentaire et légitime. La Cour de justice de la Communauté devient alors le gendarme des droits de l’Homme de la zone CEDEAO.

Comment saisir la Cour ?

La Cour est saisie par une requête écrite adressée au greffe. La requête doit mentionner l’identité du requérant, la partie en cause, l’exposé des faits et des moyens à l’appui de la demande. Les décisions de la Cour ne sont pas susceptibles d’appel ; les décisions peuvent toutefois faire l’objet d’une demande en révision devant la Cour. Elles sont exécutoires et s’imposent à tous. Chaque Etat membre indique l’autorité nationale chargée d’assurer l’exécution des décisions de la Cour.

En matière de protection des droits de l’Homme, la Cour applique, en outre, les instruments internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par l’Etat ou les Etats mis en cause.

Amy SANOGO, envoyée spéciale à Abuja


Le point de droit des avocats

Me Zadi Philippe

Des questions relatives à la situation de la transition politique

Qui  a instauré la transition politique au Mali ? Sur quelle base juridique ou conventionnelle ? Quelle est la portée de l’Accord- cadre signé ? Quelle est la valeur juridique ?

Toutes ces questions résument la portée du recours et impactent sur le bien fondé du recours en appréciation de légalité.

La  réponse à ces interrogations obéit à une méthodologie particulière qui consistera à analyser les différents accords et déclarations pertinents, et à préciser la portée du recours.

 

A. La déclaration du 1er avril 2012 du chef du président du Comité national pour le redressement de la démocratie et de la restauration de l’Etat (CNRDRE)

En la forme, cette déclaration émanant des membres du CNRDRE n’a aucun effet de droit et constitue un engagement politique pris comme tel.

Dans son contenu, il comporte une série d’engagements politiques dont il résulte de l’économie :

– L’engagement solennel de rétablir la légalité constitutionnelle et républicaine ;

– L’option d’une transition avec un cadre de concertation populaire, pour en fixer les modalités et le cadre. (Le point 2 de la déclaration du 1er avril 2012 dit exactement : toutefois, compte tenu de la situation de crise multidimensionnelle que le nord de notre pays et afin de permettre une transition dans de bonnes conditions et de préserver la cohésion nationale, décidons d’engager, sous l’égide du médiateur, des consultations avec toutes les forces vives du pays dans le cadre d’une Convention nationale pour la mise en place d’organes de transition en vue de l’organisation d’élections apaisées, libres, ouvertes et démocratiques auxquelles nous ne participerons pas.)

Notons que la transition envisagée ici ne peut que se concevoir qu’après l’expiration de la période d’intérim constitutionnel et l’impossibilité matérielle d’organiser les élections du fait de l’occupation de la partie nord du pays.

En soi, cette déclaration n’appelle aucun grief particulier de l’égalité d’autant plus qu’il est un condensé d’engagement moral, voire politique.

 

B. De l’Accord-cadre de mise en œuvre de l’engagement du 1er avril 2012

Il pose des problèmes relatifs à sa nature juridique et à sa portée.

Cet accord a été signé par la CEDEAO, à travers le fondé de pouvoir du médiateur, qui est un sujet de droit international et le CNRDRE qui est association de fait prétendant agir au nom et pour le compte de l’Etat malien dont il a mis la légalité en vacance.

Aux termes de l’Article 1 paragraphe C de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 portant droit des traités seul un accord conclu par écrit entre Etats et régi par le droit international, ou entre un Etat et un sujet de droit international peut recevoir la qualification de traité.

Cependant, l’article 3 de ladite Convention stipule que : «Le fait que la présente Convention ne s’applique ni aux accords internationaux conclus entre des Etats et d’autres sujets du droit international ou entre ces autres sujets du droit international ni aux accords internationaux qui n’ont pas été conclus par écrit ne porte pas atteinte :

a) A la valeur juridique de tels accords ;

b) A l’application à ces accords de toutes règles soumis en vertu du droit international indépendamment de ladite Convention ;

c) A l’application de la Convention aux relations entre Etats régies par des accords internationaux auxquels sont également parties d’autres sujets du droit international».

d) Il suit de ce qui précède que l’accord signé par un signé de droit international (Etat ou organisation internationale) avec des personnes ou groupements n’ayant pas cette qualité est assimilé à un traité, donc a en la même valeur juridique, pour autant que ledit accord ait été conclu selon les exigences prévues par la Convention de Vienne du 23 mai 1969.

En effet, il résulte de l’Article 7 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 que la capacité de conclure un accord international, susceptible de lier un Etat, appartient aux représentants légaux que sont les chefs de l’Etat, ministre des Affaires étrangères, diplomates et plénipotentiaires. Or en l’espèce, l’Accord- cadre qui a été conclu le 6 avril 2012 entre la CEDEAO et le CNRDRE pris en la personne de son président.

Il est à préciser en outre que le document a été signé au nom du CNRDRE et non au nom de l’Etat malien. Dans ces circonstances, l’Accord- cadre est dépourvu d’effet de droit et constitue aussi un engagement normal dénué de portée juridique dans l’ordonnancement juridique malien.

S’agissant de son contenu, il est structuré en 3 rubriques, à savoir :

– La réinstauration de la légalité républicaine ;

– La mise en place des organes de transition ;

– L’adoption de mesures législatives d’accompagnement.

 

De la réinstauration de la légalité

L’accord y consacre 4 articles concernant les démarches constitutionnelles à entreprendre pour réaliser la promesse du rétablissement de l’ordre constitutionnel par le CNRDRE, lequel processus est encadré par l’Article 36 de la Constitution du Mali.

 

De l’institution d’une transition politique

Les Articles 5 à 6 sont consacrés à l’institution d’une institution politique.

En effet, les parties signataires envisagent l’impérieuse nécessité d’instituer une transition politique, eu égard à l’impossibilité matérielle pour les pouvoirs intérimaires d’organiser l’élection présidentielle dans le délai constitutionnel de 40 jours. Ainsi, cette transition ne devait intervenir qu’au terme de l’intérim constitutionnel de 40 jours.

L’Article 6 de l’Accord- cadre stipule que «les parties signataires du présent accord conviennent de mettre en place des organes de transition…». Ce groupe de mots prouve à suffisance que l’institution de la transition et son cadre organisationnel relève d’un accord concerté à intervenir.

Ces stipulations sont réputées non écrites non seulement parce que l’Accord- cadre n’a aucune valeur juridique, mais aussi dénué de base légale tant par l’incompétence de la CEDEAO de réglementer le fonctionnement des institutions républicaines d’un Etat membre, mais aussi du fait que le président du CNRDRE n’agit pas formellement au nom de l’Etat malien.

 

Des mesures d’accompagnement

L’accord prévoit une série de mesures d’accompagnement qui devront être adoptées par le Parlement, et l’intervention d’une loi de prorogation des pouvoirs du Parlement. Ces dispositions sont apparemment soucieuses du respect de la légalité constitutionnelle. Il ne pouvait en être autrement d’autant plus que l’accord n’a qu’une portée politique.

 

C. Des décisions de la conférence des chefs d’Etats et de gouvernement de la CEDEAO

Le communiqué du sommet extraordinaire de la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO contient une série de décisions, à savoir :

– prendre acte de la mise en place des organes de la transition conformément à l’Accord- cadre du 6 avril 2012 ;

– décider de porter la transition à 12 mois, étendre les pouvoirs des organes de transition et déterminer les pouvoirs respectifs.

En effet, ces décisions s’adonnent sur l’Accord- cadre du 6 avril 2012 comme si celui-ci lui servait de base légale, alors que cet accord dit clairement que la transition serait déterminée d’accord parties, ainsi que son organisation et fonctionnement. Au surplus, ces mesures ont été prises au moment où les institutions républicaines ont retrouvé un fonctionnement normal avec l’entrée en fonction du président intérimaire conformément à la Constitution.

Par ailleurs, il convient de souligner que la Cour constitutionnelle dans l’arrêt constatant la vacance à fixer la durée du pouvoir intérimaire, les limites de ses attributions et fait injonction d’organiser les élections dans les délais constitutionnels.  La conférence a vraisemblablement outrepassé ses compétences.

Au total, la transition est l’œuvre de la conférence de la CEDEAO qui en a déterminé les bases et fixer les règles de fonctionnement, au mépris des textes régissant le fonctionnement des institutions républicaines, de l’esprit et de l’Accord- cadre du 6 avril 2012.

 

Me Mariam Diawara

La procédure accélérée est édictée par l’Article 59 du règlement de la Cour de justice de la CEDEAO du 3 juin 2005 à cas d’urgence. Notre requête principale  tend à annuler les décisions illégales et illégitimes prises par les chefs d’Etat et de gouvernement à Abidjan le 26 avril 2012, instaurant un président de la transition au Mali, en violation de l’Accord- cadre du 6 avril 2012 et les textes de la communauté.

Cette décision a permis le retour de l’ordre ancien, représenté par le Pr. Dioncounda Traoré. Quand on sait que le Nord a été vendu par cet ordre ancien et que tous les dérapages de notre soit disant démocratie provient de lui.

On ne peut pas être étonné qu’il veuille se maintenir au pouvoir avec l’appui des chefs d’Etat de la CEDEAO par tous les moyens. C’est cela qui fait que les chefs d’Etat de la CEDEAO ont fait l’ouverture aux Nations unies de nous envoyer des troupes d’intervention militaires afin de sécuriser les intérêts de l’impérialisme international.

La procédure d’urgence, c’est pour faire échec à cette intervention, prévue dans moins d’un mois.

Je suis optimiste. Mais je réserve ma réponse après le verdict.

 

 

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4 COMMENTAIRES

  1. Toutes ces ressources, tous ces efforts, tout ce temps, qui seront consummés, gaspillés, pour tenir et faire suivre cette procédure judiciaire, qui ne va aboutir sur rien de concret, en tout, rien de satisfaisant pour les playants, car, la mise en place de la transition malienne, qui n’a été que faciliée par la CEDEAO, a respecté la logique du droit constitutionnel malien et la logique du droit international, et c’est cela que les playants semblent ou feignent d’ignorer.

    Mais, ce qui est clair aussi, c’est que l’opinion nationale et internationale a compris depuis fort longtemps que la plainte du SADI repose sur sa logique farouche de contestation de toutes les actions de la CEDEAO au Mali, son opposition à toute ingérance étrangère CEDEAO ou autre, dans la crise malienne.

    A quelle fin ??? Que le Mali reste à la merci des militaires putshistes qui vont aisement imposer un régime militaire, avec une position confortable pour leur amis du SADI et du COPAM ??? Que le Mali implose sous l’effet de la discorde et des divisions fratricides au sein de la classe politique et de la société civile qui allaient inélluctablement conduire à des actes de violences, pires, de guerre civile ??? que le pays reste à la merci des aggresseurs indépendantistes et islamistes qui en controlent déjà les 2/3 et qui ne revent de voir l’ensemble du reste du pays (le sud, l’ouest et le centre) tomber dans le chaos, pour mieux asséoir leur domination et leur main mise ??? Que le pays reste indéfiniment isolé ???

    Qu’on veuille l’admettre ou non, force est de constater qu’une certaine alcalmie regne en ce moment sur le front politique et social, car, du fait de l’évolution de la crise qui a laissé entrevoir certaines réalités tangibles, une certaine convergence de vue commence à émerger au sein des forces vives. Mais, si la logique du SADI et ses alliés avait été suivie, il n y aurait point eu de convergences de vue, ni d’acalmie sur le front socio politique. Ce serait une lutte farouche entre deux clans retranchés, qui aurait conduit le pays dans des scènes de violences au quotidien. Et bien entendu, le pays allait continuer sa déscence aux enfers.

    Pas besoin de dire que ni la CEDAO, ni l’ONU, ni les USA, ni la France, ni les autres pays de l’UE etc…seraient en ce moment au côté du Mali pour nous aider à sortir de la crise, car, tout simplement, la système retrograde que le SADI et ses alliés, allaient mettre en place (si leur plan marchait ou avait marché), allait definitivement isoler et couper le pays, non seulement de ses voisins, mais aussi de ses alliés stratégiques.

  2. Continuez à dormir débout, vous ne dirigerez jamais cette transition au Mali. Quelqu’un qui se dit avocat et qui ne sait pas lire entre les lignes d’une constitution. Quelle honte!

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