Les chefs d’Etat et de gouvernements de l’Afrique de l’Ouest ont décidé de fermer les frontières avec le Mali. Seuls les produits de première nécessité pourront continuer à circuler.
Les dirigeants ouest-africains réunis à Accra ont décidé, dimanche 9 janvier, de fermer les frontières avec le Mali et de mettre le pays sous embargo, sanctionnant lourdement l’intention de la junte de prendre le pays « en otage » en se maintenant au pouvoir sans élection pendant des années.
Les chefs d’Etat et de gouvernement de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), siégeant à huis clos dans la capitale ghanéenne, ont réagi vigoureusement au projet de la junte, arrivée au pouvoir en août 2020, de continuer à diriger le pays jusqu’à cinq années supplémentaires, et au manquement de la part des colonels à l’engagement d’organiser, le 27 février, l’élection présidentielle et les législatives qui auraient ramené des civils à la tête du pays.
La Cédéao a décidé de fermer les frontières avec le Mali au sein de l’espace sous-régional et de suspendre les échanges commerciaux autres que les produits de première nécessité, annonce un communiqué lu à l’issue du sommet. Elle a aussi décidé de couper ses aides financières et de geler les avoirs du Mali à la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). Les pays membres vont rappeler leurs ambassadeurs au Mali, théâtre de deux coups d’Etat militaires depuis 2020 et en proie à une profonde crise sécuritaire.
Un pays pauvre en proie aux violences
Ces sanctions prennent effet immédiatement, ont-ils précisé. Elles ne seront levées progressivement que lorsque les autorités maliennes présenteront un calendrier « acceptable » et que des progrès satisfaisants seront observés dans sa mise en œuvre. La proposition de la junte malienne d’organiser la présidentielle en décembre 2026 est « totalement inacceptable », estime la Cédéao. Elle « signifie simplement qu’un gouvernement militaire de transition illégitime prendra le peuple malien en otage au cours des cinq prochaines années ».
Ces sanctions sont plus rigoureuses encore que celles adoptées après le premier putsch d’août 2020. En pleine pandémie, elles avaient été durement ressenties dans un pays enclavé parmi les plus pauvres du monde. Elles passent pour avoir forcé à l’époque la junte à accepter de s’engager à rendre le pouvoir aux civils sous dix-huit mois après des élections.
La junte dit aujourd’hui ne pas être capable d’organiser des élections présidentielle et législatives comme prévu à la fin de février, invoquant l’insécurité persistante dans le pays, en proie aux violences de toutes sortes : djihadistes, communautaires, crapuleuses… Elle souligne la nécessité de réformes préalables pour que les élections ne souffrent pas de contestations, à l’instar des précédentes.
« C’est de la rigolade »
Depuis le premier putsch d’août 2020, conforté par celui de mai 2021 intronisant le colonel Assimi Goïta comme président de « transition », la Cédéao pousse au retour des civils dans les meilleurs délais. Pressentant le courroux ouest-africain, la junte avait dépêché samedi à Accra deux ministres de son gouvernement chargés de soumettre un calendrier révisé. La nouvelle offre a été présentée dans le souci de « maintenir le dialogue et une bonne coopération avec la Cédéao », a dit samedi à la télévision nationale l’un des deux émissaires, le ministre des affaires étrangères, Abdoulaye Diop, sans en préciser le contenu.
« La contre-proposition malienne est une transition de quatre ans. C’est de la rigolade ! », a réagi un haut responsable ghanéen ayant requis l’anonymat, dont le pays assure actuellement la présidence de la Cédéao. Pour l’organisation dont la crédibilité est en jeu, il s’agit de défendre ses principes fondamentaux de gouvernance, de stopper la contagion du fait accompli et de contenir l’instabilité régionale.
La Cédéao avait déjà suspendu le Mali de ses organes de décision et imposé un gel de leurs avoirs financiers et une interdiction de voyager à 150 personnalités, coupables, selon elle, de faire obstruction aux élections. Ces sanctions restent en vigueur. Lors d’un sommet le 12 décembre, l’instance avait brandi la menace de sanctions « économiques et financières » supplémentaires. Mais la situation appelait de sa part des décisions délicates, l’exposant au risque de braquer les Maliens contre elle, disent les analystes.
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