L’émissaire de la CEDEAO au Mali Abdou Touré Chéacka à propos du financement de la MISMA : « Malgré la conférence des donateurs, aucun sou n’a été mis à la disposition de la CEDEAO »

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Depuis quelques jours l’impatience gagne les rangs des pays africains engagés au Mali à  propos du versement de leurs primes d’opération. Le Tchad, un des grands contributeurs de troupes après le Nigeria au Mali, était même monté au créneau à travers son ministre des affaires étrangères Moussa Faki Mahamat pour déclarer que son pays n’a toujours pas reçu l’argent promis par la CEDEAO. Dans une interview qu’il nous a accordée, l’ambassadeur de la CEDEAO au Mali, Abdou Touré Chéacka, a dégagé toute responsabilité de l’organisation sous régionale dans le versement des primes d’opération. Le diplomate de la CEDEAO a déploré que malgré la conférence des donateurs, aucun sou n’a été mis à la disposition de la CEDEAO.

 

CheakaL’Indépendant : Depuis quelques jours, la CEDEAO est accusée par certains pays contributeurs de n’avoir pas honoré ses engagements. Quel est le mécanisme de financement des pays contributeurs de la MISMA ?

 

Abdou Touré Chéacka : Il est bon de rappeler que lorsque le Mali a été envahi par les jihadistes, la CEDEAO a pensé que sans la force on ne peut pas libérer le pays. A l’issue du sommet du 26 avril 2012, les chefs d’Etat de la CEDEAO ont proposé au Mali l’assistance militaire de l’organisation sous-régionale pour l’aider à se libérer. Parce qu’il était clair que sans l’usage de la force, personne ne pouvait venir à bout de ce qui se passait.

 

Ce n’était pas uniquement des problèmes politiques. Si les problèmes politiques sont beaucoup plus visibles au sud, il était clair que ce n’était pas le cas au nord. Pour montrer qu’elle était sérieuse, la CEDEAO a activé son mécanisme de la force pour essayer de se préparer à toute éventualité. Et, dans cette logique, la CEDEAO a conçu la MICEMA. Il s’agissait tout simplement d’une assistance militaire. A l’époque, on n’avait pas encore les contours de ce que cela pourrait impliquer. Aussitôt fait, la CEDEAO a envoyé une mission technique  à Bamako en juillet 2012 pour faire une évaluation concrète du terrain. De là, le CONOPS avait été rendu disponible depuis juillet et soumis aux chefs d’Etat qui l’ont approuvé et, à partir de ce moment, la CEDEAO s’apprêtait à voir dans quelle mesure elle pouvait aider le Mali. Mais le gouvernement malien a exprimé de la résistance en indiquant que la CEDEAO ne pouvait intervenir que sur demande du gouvernement malien.

 

 

La CEDEAO,  depuis lors, a attendu. Il s’est avéré qu’à cause du blocage fait par le gouvernement, la situation s’est empirée au nord au point qu’une intervention rapide était nécessaire. La résistance du gouvernement a permis aux groupes armés de se renforcer mais aussi de s’équiper davantage à travers des destructions et violations des droits de l’homme. C’est ainsi qu’au niveau des chefs d’Etat, il est apparu nécessaire de recourir à la force. D’où l’idée d’une mission internationale.

 

 

Le CONOPS,  qui a été harmonisé en novembre 2012,  nous a fait passer du concept de la MICEMA à celui de la MISMA. Il est important de noter qu’à partir de ce moment,  la mission d’assistance au Mali ne relève  plus de la CEDEAO, elle n’avait plus de responsabilité. Mais puisque c’est notre espace qui était menacé, la CEDEAO a gardé le leadership de la mobilisation et du travail autour de ce concept.  La MISMA a été créé en novembre avec la résolution 2071 du Conseil de Sécurité qui a approuvé l’idée de l’intervention. Lorsque la résolution 2085 a été approuvée, tout ce qui devait se passer par la suite, ce n’est pas la CEDEAO qu’il faut interpeller. C’est plutôt la communauté internationale, précisément les Nations Unies. Du coup, le financement de cette opération n’est plus de la responsabilité de la CEDEAO. Le problème du financement devait être celui de la communauté internationale. La communauté internationale et l’UA prenaient la suite des opérations.

 

Pourquoi donc l’attitude de la CEDEAO est dénoncée par certains pays?

Je tiens à préciser que l’Union européenne avait accepté de mettre à la disposition de la CEDEAO 50 millions d’euros pour l’aider à assister le Mali. Mais quand les Nations Unies ont décidé de basculer d’un concept d’opération CEDEAO à un concept d’opération internationale, il était clair que c’était aux Nations Unies,  dans le cadre du chapitre 7,  de mobiliser les ressources pour que cette mission se mette en place. Constatant que rien ne se faisait malgré la conférence internationale des donateurs d’Addis Abeba, la CEDEAO a alors décidé sur ses propres fonds de mobiliser 10 millions de dollars pour aider les premières troupes qui ont été déployées dans l’urgence. Quand les jihadsites ont déclenché les hostilités, personne n’était prêt, ni les Nations Unies, ni l’UA.

 

 

C’est au contraire la CEDEAO qui a été la première à mettre en place le commandant de la force, son adjoint, l’Etat-major depuis le 10 janvier et qui a coordonné l’arrivée des troupes Serval. La CEDEAO a dû utiliser ses propres ressources pour faire en sorte que les premières troupes africaines arrivent en se basant sur son concept d’autonomie de trois mois. C’est-à-dire que chaque fois qu’elle concevait une mission, par mesure de prudence et de responsabilité, il est demandé aux Etats contributeurs de s’assurer qu’ils ont les moyens d’entretenir, d’équiper leurs troupes au moins pendant trois mois en espérant que pendant ce temps la mission étant déployée sous le chapitre 7, la communauté internationale pourrait mobiliser les ressources nécessaires pour prendre la relève.

 

Hélas, la communauté internationale n’a rien fait. Même avec la conférence de mobilisation des ressources jusqu’à la fin de la MISMA en juin, aucun sou n’a été donné aux Africains. C’est grâce aux 10 millions de dollars de la CEDEAO que le commandement de la MISMA a pu fonctionner. Et les troupes sur le terrain ont toujours relevé de la responsabilité des Etats. De la même manière, le même principe est appliqué aux Tchadiens. Le Tchad devait s’assurer que pendant les trois mois, il appartenait au gouvernement d’assurer totalement la prise en charge de ses troupes. Tous les Etats sont restés dans ce schéma. En avril, il était clair d’élaborer les mémorandums d’entente entre les pays contributeurs et la MISMA pour que les modalités de remboursement, de préfinancement puissent être prises en compte. Lorsque l’atelier a eu lieu à Abuja, les pays ont fait des observations sur le projet de texte. Ces observations nous ont amené à reprendre à plusieurs reprises le projet de texte jusqu’au 30 juin.  Donc les textes n’étaient pas encore prêts pour servir d’éléments juridiques de payement.

 

Aussi, le commandant de la MISMA jusqu’à son départ le 30 juin n’avait pas reçu toutes les listes. Les Tchadiens n’ont donné la liste totale qu’après que la MISMA soit terminée. La MISMA ne pouvait même pas dégager des ressources parce qu’il n’y avait pas de mémorandum d’entente.

 

C’est la communauté internationale qui avait la responsabilité de cette mission et la mobilisation des ressources. L’UA a fait ce qu’elle a pu. A ce jour, je ne suis pas sûr que les ressources promises par la communauté internationale aient été encaissées par l’UA. C’est la CEDEAO seule qui a financé toutes les troupes à travers les pays contributeurs.

Abdoulaye  DIARRA

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