Crise institutionnelle et sécuritaire : La Cedeao aurait-elle cédé face à Sanogo ?

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Le sommet des chefs d’Etat de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao) de ce jeudi 3 mai à Dakar était très attendu. Différents observateurs étaient désireux de savoir, comment l’instance sous-régionale réagirait après la récente pique de colère du chef de la junte, le capitaine Amadou Haya Sanogo suite à la décision unilatérale sur le Mali des dirigeants ouest-africains du 26 avril dernier à Abidjan.

On sait que le chef de la junte avait particulièrement mal accueilli l’éventualité du déploiement d’une force sous-régionale en charge de la sécurisation des organes de la transition, et de la fixation du délai transitoire à douze mois, contrairement aux quarante jours prévus par la constitution du 25 février 1992 et l’accord- cadre signé entre la junte et la Cedeao, le 6 avril 2012. Au finish, on a l’impression que les présidents réunis à Dakar n’ont pas été insensibles aux menaces proférées par le capitaine depuis son quartier général à Kati.

La Cedeao a bien essayé de sauver la face. Mais au-delà de l’exercice formel et de la subtilité des termes diplomatiques, on peut dire que les résolutions ayant sanctionné le sommet de Dakar portent bien les stigmates de la sortie médiatique fracassante du capitaine Amadou Haya Sanogo au lendemain du sommet extraordinaire de la Cedeao à Abidjan.

Certes, à l’ouverture du sommet de Dakar, Alassane Ouattara et ses pairs ont davantage voulu afficher la gravité actuelle de la crise institutionnelle que la fermeté qui a été la leur lors du sommet d’Abidjan. Cette évolution se manifeste particulièrement dans les propos ci-après du président en exercice de la Cedeao : «La gravité des événements au Mali et le rejet de la junte de nos résolutions ralentissent l’élan de la mise en œuvre de nos résolutions ». C’est presque même un constat d’impuissance qui ne dit pas son nom.

Or, les termes des résolutions ayant sanctionné le sommet sont encore plus éloquents quant à la nouvelle disposition des chefs d’Etat. En effet, le communiqué final de la rencontre stipule clairement : «La conférence instruit la commission de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) de préparer la force en attente de la CEDEAO en vue de son déploiement immédiat dès que le Mali en fera la demande».

N’est-ce pas que le capitaine Sanogo avait subjugué toute idée de déploiement d’une force de l’organisation sous régionale sur le sol malien à une requête préalable du pouvoir ?

Le message semble être tombé dans de bonnes oreilles du côté des chefs d’Etats de la Cedeao. Le leader de la junte s’était également désolé du peu d’intérêt que les chefs d’Etat avaient manifesté à l’égard du sort fort regrettable que traverse aujourd’hui le nord Mali. Là aussi, la réaction de la Cedeao semble plutôt favorable. En témoigne cet autre extrait du communiqué final, selon lequel les forces armées maliennes sont invitées à «se consacrer aux missions régaliennes de défense du territoire ».

Peut-être bien que ce léger retournement de veste procède d’un réalisme que les dirigeants des pays de la sous-région avaient négligé lors de leur précédente rencontre. Mais il est également possible que cette nouvelle donne soit dictée par une pusillanimité que les déclarations du capitaine Sanogo et les derniers événements du 30 avril au 1er mai entre derniers fidèles du président déchu et membres de la junte, auront fini par créer au sein du syndicat des chefs d’état.

Au cas où cette dernière hypothèse se révélerait exacte, l’instance sous-régionale pourrait avoir implicitement signé un chèque en blanc pour que la junte se pérennise à la tête du Mali.

Nouhoum DICKO

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