Le 9 juillet dernier, la Cour de justice de la Cédéao a donné raison à deux citoyens maliens qui l’avaient saisie pour détention arbitraire par la justice malienne. Après avoir constaté les faits, la Cour a estimé que l’Etat du Mali a violé l’article 6 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, avant de prononcer une condamnation à verser 25 millions de nos francs à chacun des requérants, en guise de réparation.
Par l’Arrêt N°ECW/CCJ/JUD/21 du 09 juillet 2021, la Cour de justice de la Cédéao, statuant en audience publique virtuelle, conformément à l’article 8 (1) des Instructions pratiques sur la gestion électronique des affaires et des audiences virtuelles, de 2020, a déclaré arbitraire la détention de Georges Keïta et de Yacouba Mounkoro pour les périodes respectives du 24 octobre 2015 au 11 novembre 2019 et du 27 octobre 2015 au 18 octobre 2019. Selon la Cour : “L’Etat du Mali a violé l’article 6 de la Charte africaine des droits et des peuples”.
Après ce constat, la Cour a condamné l’Etat du Mali “à verser à chacun des requérants la somme de vingt-cinq (25) millions de francs Cfa à titre de dommages et intérêts” et a aussi condamné l’Etat du Mali aux dépens. Mais que s’est-il passé au juste pour qu’on en arrive à cette sentence ?
Le 20 janvier 2020, Georges Keïta et Yacouba Mounkoro ont déposé au greffe de la Cour des céans, une requête introductive d’instance contre l’Etat du Mali pour violation de leur droit à ne pas être détenu arbitrairement. Cette requête a été notifiée à l’Etat du Mali le 22 janvier 2020. L’Etat du Mali, représenté par la Direction générale du Contentieux de l’Etat, avait face à lui les avocats des requérants, notamment ceux de la Société civile professionnelle d’avocats (SPCA) Do-Fini Consult, Alifa Habib Koné Avocats près la Cour d’appel de Bamako.
Les requérants affirment que les violations dont ils ont été victimes sont intervenues à l’occasion de procédures judiciaires engagées contre eux et qui ont conduit à leur placement sous mandat de dépôt. Ils étaient poursuivis, l’un pour tentative d’assassinat et l’autre pour pédophilie. Finalement, ils ont été blanchis par la Cour d’assises qui les a acquittés.
Mais entretemps, malgré les multiples efforts qu’ils ont déployés pour recouvrer leur liberté, même provisoire, ils ont été gardés en prison et en plus au-delà du délai légal pour la détention préventive. L’Arrêt de la Cour de justice mentionne : “Les requérants allèguent qu’ils ont non seulement été maintenus illégalement en détention, mais aussi qu’ils ont ainsi été privés de plusieurs années de jouissance de leur jeunesse pour des faits dont ils ne sont pas coupables comme l’atteste la décision d”acquittement rendue en leur faveur par la Cour d’assises”.
Cet Arrêt de la Cour de justice de la Cédéao vient alimenter le débat sur l’abus du mandat de dépôt dans les procédures judiciaires et le Procureur général près la Cour d’appel tirait la sonnette d’alarme lors de l’ouverture de la session de la Cour d’assises qui se déroule actuellement à Bamako. Il prône une utilisation intelligente des mandats de dépôt parce que l’abus contribue à encombrer les prisons. Mais, devons-nous ajouter : l’abus amène aussi des condamnations du genre présenté ci-haut et ne contribue pas à redorer le blason du Mali en général et de sa justice en particulier.
Amadou Bamba NIANG