Longtemps suspendu sur la tête des Maliens, le spectre de l’ogre punitive est finalement devenu une réalité, à l’issue du dernier sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO sur le Mali. Tenu à Accra sous la houlette du président en exercice de cette organisation, Nana Akoufuo Addo, le conclave avait été précédé d’une rencontre de niveau similaire de l’Uemoa, laquelle augurait déjà de la lourdeur des sanctions qui guettaient la Transition malienne.
«De toute évidence, la prorogation de la durée de la transition à 5 ans préoccupe l’ensemble de la région Ouest africaine. (…). C’est pourquoi il m’est paru nécessaire de nous réunir au sein de l’UEMOA notre organisation sous régionale…Autant nous sommes conscients de la complexité de la situation de ce pays, autant nous avons la conviction que toutes les réformes politiques, économiques et sociales visant la refondation du Mali ne pourraient être conduites que par des autorités démocratiquement élues », avait lancé le président burkinabé Roch Marc Kaboré à l’ouverture du conclave de l’UEMOA dont il préside aux destinées. Le ton était ainsi donné, quant à la plausibilité d’une réaction viscérale à l’échéance quinquennale proposée par les autorités de la Transition pour un retour à la normalité républicaine. Ainsi, le couperet tant redouté et longtemps brandi est tombé de la manière la plus brutale. Il s’agit d’une intensification des mesures punitives déjà en vigueur par des sanctions les plus effroyables jamais infligées au Mali depuis le lendemain immédiat du putsch et qui semblent refléter une réaction de l’organisation sous-régionale à l’ensemble des déconvenues que la junte malienne lui avait fait subir par le passé. Au renvoi de son ancien Représentant spécial elle a ainsi répondu, semble-t-il, par le retrait de l’ensemble des ambassadeurs du Mali tout en sollicitant par ailleurs l’accompagnement des partenaires stratégiques que sont l’Union africaine et les Nations Unies pour l’effectivité des mesures punitives.
Quant à la présence russe au Mali, elle lui a inspiré la mise en action des forces d’attente de la Cedeao, au détour de la menace déstabilisatrice que représente le déploiement de troupes qualifiées de mercenaires.
Mais les sanctions les plus affligeantes et catastrophiques sont manifestement d’ordre économique et financier. Elles interviennent avec effet immédiat selon le communiqué final du sommet et se déclinent dans la batterie de mesure sont dans la fermeture des frontières aériennes et terrestres, la suspension des transactions commerciales entre le Mali et ses voisins les plus immédiats, le gel des avoirs de la République à la BCEAO, la suspension de toute aide financière émanant d’institutions financières de la région telles la BOAD et la BIDC.
La lourdeur de ces sanctions est certes nuancée par la dérogation faite à l’accès de la population à des produits de première nécessité, dont des biens essentiels comme le pétrole, les produits de consommation courante, les fournitures et équipements médicaux, les produits pharmaceutiques, etc. Cet allègement parait certes atténuateur pour des secteurs sensibles comme la santé et l’alimentation, mais il aura un impact négligeable sur les leviers de la finance publique que sont la douane par exemple où la presque totalité desdits produits sont déjà exemptés de droits à cause de la vie chère. C’est dire que les recettes aux portes risquent de se réduire à néant en dehors des produits pétroliers également subventionnés, avec une plausible implication sur la fiscalité intérieure essentiellement dépendant du commerce de produits importés.
La combinaison de tant de facteurs ne peut qu’affecter la capacité d’un pays – dont les avoirs sont par ailleurs gelés à la BCEAO – de disposer de suffisamment de ressources pour assurer les salaires, le fonctionnement de l’administration et des services sociaux de base. Sans compter la plausibilité d’un effet subversif sur les prix, à normalement dans le secteur du transport qui risque de connaître une hausse vertigineuse avec le rallongement des distances aériennes imputables à l’embargo des pays de l’espace CEDEAO.
Seul bémol : le cas de la frange de la population malienne coupée de cet espace depuis longtemps par l’insécurité et est déjà aguerri par un régime commercial différent de qui prévaut dans le reste du pays.
Quoi qu’il en soit, les mesures privent manifestement la Transition de tout moyen de mise en œuvre des conclusions des ANR qu’elle a étalée sur 5 ans et ne lui laisse le choix, théoriquement, que d’accélérer le processus d’en sortir.
A KEÏTA