Suspendues depuis le 20 mars 2020 pour raison de Covid-19, les activités de la Cour de Justice de la Cédéao ont repris, mais de façon virtuelle compte tenu de la pandémie. La Cour a eu même à tenir des audiences virtuelles. Une première !
C’est au cours d’une conférence de presse virtuelle tenue le mardi 23 juin que le président de la Cour de Justice a fait cette annonce. Ladite téléconférence était relative à la reprise des activités de la Cour et aux sessions virtuelles qu’elle débutera la semaine prochaine qui permettront à la Cour de continuer à jouer son rôle dans la dispensation de la justice.
Dans son allocution, l’Hon. Juge Edward Amoako Asante, président de la Cour de Justice de la Cédéao, a évoqué plusieurs sujets ayant trait au fonctionnement de la Cour.
En plus de prouesses louées, il a aussi dénoncé des insuffisances dans le fonctionnement de la Cour.
Ainsi, il a rappelé que, dans l’exercice de son mandat, la Cour a soutenu que la protection des droits de l’Homme est une valeur cardinale et fondamentale de la Communauté et que les Etats membres demeurent les seuls garants du respect, de la protection et de l’exercice des droits de l’Homme en vertu des instruments internationaux relatifs aux droits de l’Homme dont ils sont signataires.
Evoquant des chiffres, le président Asante dira que quelque 466 affaires ayant essentiellement trait à la violation des droits de l’Homme ont été portées devant la Cour depuis 2003, année où la première affaire y a été portée. Pendant cette période et à la date du 19 juin 2020, ajoute-t-il, la Cour a tenu 1048 audiences, rendu 235 arrêts, 121 ADD et reçu 34 demandes en révision d’arrêt. Elle a également rendu 18 décisions de révision, rendu 31 ordonnances et quatre avis consultatifs. “En raison du nombre d’affaires pendantes héritées par les juges actuels, qui était de 108 en 2018 et qui est passé à 119 en 2019, nous étions déterminés à réduire ce nombre en vue de préserver la confiance des citoyens de la Cédéao dans la Cour en tant que Tribunal de recours pour l’administration de la justice en temps opportun. Dans le cadre de cet engagement, entre le 16 septembre 2018 et le 15 septembre 2019, la Cour a rendu 35 décisions dont 28 arrêts et 7 ADD. Cela a permis aux juges actuels de battre le record dans l’histoire de la Cour. Aussi, pendant ladite période, la Cour a tenu 95 audiences. De plus, un nouveau record a été battu en 2018 relativement au nombre d’affaires déposées par an, étant donné que 61 nouvelles affaires ont été portées devant la Cour en 2018 et 116 affaires étaient pendantes devant la Cour à la fin de cette année”, a-t-il expliqué.
Malgré la pandémie du Coronavirus, la Cour n’est pas restée désœuvrée. Elle a ainsi travaillé sur des affaites pendantes. C’est ainsi que les premières audiences virtuelles de la Cour se sont tenues le lundi 22 juin 2020 avec un arrêt et une audition des parties. “Nous osons espérer que, d’ici le 10 juillet 2020, des arrêts seront rendus dans 15 autres affaires, un ADD sera rendu dans une affaire et 18 autres affaires seront examinées à l’aide de cette technologie”, espère le président de la Cour.
La Cour s’est félicitée de la tenue de ces premières audiences virtuelles pour ses avantages au bénéfice des citoyens de la Communauté qui ne paieront plus de billet d’avion et de frais d’hôtel pour eux-mêmes et leurs avocats pour se rendre à Abuja pour prendre part aux audiences de la Cour.
Pour rendre durable cette audience virtuelle ainsi que les systèmes de gestion et de dépôt des dossiers d’affaires dont le lancement vient d’avoir lieu, le président a fait savoir que la Cour doit être soutenue et bien outillée en termes de dotation en personnel informaticien. “La substance de mon assertion ici est que la Cour a besoin d’être soutenue pour embaucher immédiatement au moins trois informaticiens pour satisfaire entièrement tous ses besoins informatiques”, a déclaré le président.
Pour une Cour dynamique, son président a évoqué des insuffisances à corriger. Celles-ci sont relatives à la réduction du nombre de traducteurs de neuf (9) à six (6) dans l’organigramme de 2018.
Dans son plaidoyer, l’Hon. Juge Edward Amoako Asante, président de la Cour de Justice de la Cédéao a expliqué que les Juges ont besoin de la traduction rapide des actes de procédure dans les trois langues officielles pour faciliter leur travail quand on sait que l’insuffisance des capacités au niveau de la Division des services linguistiques ne peut que conduire à des retards excessifs dans l’administration de la justice.
A ses dires, à présent, il y a 431 actes de procédure qui attendent d’être traduits dont 98 vers l’anglais, 89 vers le français et 224 vers le portugais: “Actuellement, nous comptons de plus en plus sur les traducteurs indépendants pour la traduction des actes de procédure en portugais. Les actes de procédure et les arrêts sont hautement confidentiels et doivent être traités par des agents rémunérés accrédités qui peuvent être tenus responsables de toutes fautes dans l’exercice de leurs fonctions. En réalité, la Cour a besoin d’au moins douze traducteurs pour les trois langues”.
Une autre préoccupation de la Cour, selon son président, est le problème de l’exécution de ses arrêts. A l’en croire, bien que les arrêts de cette Cour aient force obligatoire pour les Etats membres, les Institutions, les personnes physiques et morales, le niveau de conformité ou d’exécution des arrêts de la Cour est inquiétant.
Dans son explication, il indique que le Protocole relatif à la Cour tel qu’amendé impose aux Etats membres l’obligation d’exécuter les décisions de la Cour conformément aux règles de procédure civile des Etats membres concernés. “La Cour n’a pas le pouvoir d’exécuter ses propres décisions, d’où son incapacité d’aider les parties à cet égard. Par conséquent, nous continuerons de faire appel respectueusement aux Etats membres pour résoudre cette question le plus vite possible afin de renforcer la confiance en la Cour”, a-t-il suggéré.
A cette première téléconférence de presse, plusieurs personnalités de la Cédéao ont pris part dont le Président et le vice-président de la Commission de la Cédéao, des chefs d’institutions, des Directeurs généraux de l’OOAS et du Giaba, les Commissaires des Ressources humaines et des Technologies de l’information.
Alassane CISSOUMA