Avec le passage en force de Assimi Goita et Choguel Maiga à la Primature : Le délai de la Transition pourra-t-il résister à une révision ?

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Tel qu’annoncé par les oiseaux de mauvais augure, le retour de Bah N’Daou sur la scène régalienne s’est derechef conclu par une démission. L’épisode se distingue toutefois des précédents par la réédition d’un drame d’une contrainte similaire à celle infligée à IBK il y’a moins d’une année ou encore à Cheick Modibo Diarra il y’a près d’une décennie.

C’est aussi depuis une décennie qu’un syndrome putschiste cyclique a fissuré le système démocratique malien et semble s’y être installé confortablement avec le deuxième coup de maître du CNSP. Demeurée en embuscade malgré sa dissolution officielle, cette structure a rejailli la semaine dernière tel une réplique volcanique pour conduire à coups de godasses le dépositaire des armoiries de la République, Bah N’Daw, par les mêmes couloirs que son prédécesseur à Koulouba. Le Colonel-major en retraite et son Premier ministre, après plusieurs jours de détention, ne résisteront pas si longtemps au rapport de force (à la séquestration peut-être) et finiront par rendre le tablier dans la foulée des efforts engagés par la Cedeao, garant de la Transition, pour sauver les meubles.

 

Que d’alibis superficiels

Cette tournure rocambolesque de la Transition est consécutive à la formation d’un nouveau gouvernement dont l’avènement devait affranchir la Transition d’une gênante emprise de sa frange militaire, en consacrant notamment le retour des portefeuilles de souveraineté dans l’escarcelle de Bah N’Daw.

Mais le puissant quatuor de colonels putschistes ne l’entendait point de cette oreille. Et, à défaut de réussir à en dissuader le duo exécutif installé avec leur bénédiction, ils choisissent de s’affirmer en dénouant par les muscles le bras-de-fer longtemps entretenu autour de la formation du nouveau gouvernement. Au bout d’un accouchement au forceps sur fond de refus catégorique du président de Transition de fléchir devant les injonctions, la nouvelle équipe gouvernementale longtemps attendue arrive finalement mort-né. C’est l’avatar, manifestement, d’un malaise beaucoup plus profond, qui s’explique plus par l’installation d’un mur de méfiance que par la panoplie de motifs fallacieux évoqués lors des apparitions sporadiques du porte de la vice-présidence, à savoir : la violation de la Charte de Transition ou encore la gestion de la grève de l’Untm.

Il nous revient de source bien introduite, par ailleurs, que le retour fracassant du Général Moussa DIAWARA, l’ancien directeur de Sécurité d’Etat arrêté dans la foulée, est également brandi par Assimi Goïta et compagnie comme le seuil déterminant d’un projet de liquidation qu’aurait mijoté le président de la Transition contre ses gênants collaborateurs. De la même déloyauté participe, selon eux, la divulgation aux autorités françaises d’importants dossiers en rapport avec des commandes d’armement passées avec la Russie.

Autant d’ingrédients qui confortent une atmosphère devenue graduellement irrespirable, depuis l’annonce du chronogramme des élections avec un cap qui ne semble guère du goût des putschistes tapis dans les différents organes de la Transition. En atteste du reste le ton donné par l’adepte politique attitré et autoproclamé d’Assimi Goita, Issa Kaou Djim, membre du CNT, qui savait visiblement de quoi il parlait en s’opposant au terme de la transition dans le délai retenu dans la Charte. La mise hors de prérogatives du président et de son Premier ministre n’est-elle pas en définitive la rançon de leur attachement à une échéance que la frange militaire de Transition voudrait plus longue et flexible ?

 

Entre condamnations tous azimuts et approbations silencieuses

Toutefois, pour que les deux hautes autorités de la Transition soient devenues des proies si facilement prenables, la vicieuse grève de l’UNTM devrait être passée par-là. Sa suspension aussitôt après le coup de force en dit long et traduit une caution implicite de la principale centrale syndicale au renversement d’un pouvoir transitoire avec lequel le désamour était insurmontable depuis une certaine remise sortie maladroite du président Bah N’Daw à Abidjan contre le droit de grève.

Le M5-RFP, allié politique naturel du putsch du 18 Août, devrait se prévaloir d’une raison beaucoup moins subjective d’afficher une indifférence face au sort infligé à ses inflexibles interlocuteurs de la veille, avant que sa posture n’évolue vers une logique adhésion de fait suite à la main-tendue et assurances offertes par le vice-présidente de la Transition et homme fort autoproclamé de Koulouba.

Du soutien le putsch newlook en a également reçu du côté de quelques frustrés de l’équipe gouvernementale mort-née comme le parti ASMA, dont le communiqué tardif n’exprime en tout cas aucune réprobation de l’opération de destitution conduite de main de maître par le président et le chef du Gouvernement. En revanche, le parti de Soumeylou Boubeye Maiga fait partie d’un regroupement ayant formellement condamné l’acte, en l’occurrence l’EPM, ancienne majorité présidentielle.

Au nombre des forces politiques qui s’en sont clairement démarquées figure l’alliance Djiguiya-Koura charriée par la CODEM d’Alhoussein Amion Guindo, principal déclencheur de la salve de condamnations sur la scène politique nationale.

Quant aux réprobations à l’échelle internationale, elles émanent en premier lieu des instances sous-régionales ouest-africaines avec un puissant tandem front de la Cedeao en tandem avec l’Union Africaine et l’ONU pour dénoncer l’interruption irrégulière du cours de la Transition au Mali. A l’unisson, ces différentes organisations ont aussi désapprouvé la détention à Kita et réclamé le retour à une transition civile sous peine de sanctions ciblées contre les acteurs du « coup d’Etat ». Même posture du côté des Etats-Unis, qui se sont singularisés par la suspension de toute coopération militaire au Mali dans la foulée.

 

Et après … ?

Ces retentissements négatifs de la démission forcée du président Bah N’Daw n’ont pas empêché la Cour constitutionnelle de ramer dans le courant de la vice-présidence de Transition qui, par correspondance en date du 27 Mai 2021, faisait constater la vacance de la présidence de la République à l’effet d’en faire assurer la continuité par le Colonel Assimi Goïta. Quoiqu’habilement contournée dans le processus initial d’installation des organes de la Transition, la haute juridiction a consenti à dénouer l’équation et développé une kyrielle d’arguments en soutien aux prétentions du vice-président de Transition. Nécessite de combler le vide occasionné par la démission du président de Transition et la dissolution, carence juridique de la Charte quant à la procédure de saisine de la Cour pour les vacances, installation du vice-président dans les mêmes conditions que le président, etc. Tels sont entre autres, aux yeux des Sages de la Cour constitutionnelle, les arguments qui prévalent à l’installation d’Assimi Goïta dans les prérogatives et attributs dont le retrait avait d’ailleurs précédé la démission de Bah N’Daw.

Quoi qu’il en soit, l’arrêt Numéro 2021-02/CC/du 28 Mai 2021 consacre du même coup une matérialisation des engagements pris par le vice-président de choisir le remplaçant du Premier ministre Moctar Ouane dans les rangs du M5-RFP. Les choses évoluent pour le moins dans cette dynamique et tout porte à croire que la conduite du Gouvernement reviendra à Choguel Maiga, dont le choix n’a rencontré aucune voix discordante lors du dernier point de son mouvement. Seulement voilà : il n’est pas superflu de s’interroger sur les motivations profondes d’une normalisation des rapports avec le M5-RFP ainsi que sur la préférence faite en son sein au président du Comité scientifique, l’acteur politique le plus opposé à la communauté internationale ainsi qu’aux pouvoirs maliens déchus sur le délai retenu pour la Transition.

Le président du Comité scientifique du M5-RFP n’a eu de cesse de le ressasser à qui veut l’entendre que les 18 mois retenus dans la Charte sont en deçà des missions d’une transition au Mali et ne résistera certainement pas à la tentation de combler les attentes de ses partenaires militaires discrètement opposés à Bah N’Daw sur la question.

On a pu en définitive avoir posé les jalons d’un très plausible retour au point de départ de la Transition alors que l’arrêt de la Cour constitutionnelle tout comme les instances sous-régionales ainsi qu’une majorité écrasante de la classe politique malienne n’envisagent dans tous les cas de figure qu’une « conduite de la Transition à son terme » initialement convenu.

Une dernière barrière vient d’être érigée par les chefs d’Etat de la Cedeao à Accra où ils se sont montrés très intransigeant sur le délai alors que sa  révision n’est nullement verrouillée par la Charte et que s’y prête une véritable équipe gouvernementale inclusive.

A KEÏTA

 

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