La Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) au cours de son audience délocalisée à Bamako s’est penchée sur l’affaire de la dame Aminata contre l’État du Mali pour ” enlèvement, séquestration… de son mari Samassa “
Selon l’un des avocats de la requérante, courant 2014, le mari de sa cliente, Samassa, a fait un accident vasculaire cérébral (Avc) le rendant ainsi complètement inapte. Quelque temps après, les frères du mari de sa cliente, parmi lesquels se trouve un magistrat, sont venus chercher leur frère malade pour, disent-ils, le faire soigner en Allemagne. Depuis, sa cliente n’a aucune nouvelle de son époux. Pis, dit-il, les frères du mari de sa cliente continuent de gérer les biens de Samassa malade.
Dans son réquisitoire, il dira qu’après plusieurs démarches auprès des autorités judiciaires maliennes sans succès, sa cliente a été obligée de porter l’affaire devant la Cour de justice de la Communauté pour que le droit soit appliqué dans toute sa rigueur afin que la requérante puisse retrouver son mari et ainsi avoir la gestion des biens de ce dernier. Il convient de préciser que l’époux Samassa est propriétaire de plusieurs établissements dont des boulangeries et des immeubles à usage d’habitation.
Aussi, la requérante estime que la procédure judiciaire au Mali traine du fait de l’un des frères de son mari serait un magistrat. “Toutes les plaintes pour enlèvement et séquestration ont été confiées au même juge d’instruction qui serait de la même juridiction que le magistrat Samassa, l’un des frères de son mari. Nous pensons que c’est ce dernier qui entrave certainement la bonne marche de la procédure car depuis plusieurs mois, le dossier n’a pas connu d’évolution au niveau du juge chargé de l’instruction. Entre temps, les frères Samassa continuent de prélever la location des immeubles de sa cliente”, a martelé l’avocat de la dame Aminata.
“Il ne s’agit pas d’unenlèvement, mais plutôt d’exécution d’une décision de justice”
À en croire toujours l’avocat de la requérante, sa cliente accuse l’État malien pour son incapacité à distribuer équitablement la justice à tous les citoyens. À ce titre, elle réclame des dommages et intérêts à l’État malien car elle estime que tout ce qu’elle a subi (l’enlèvement de son mari, la gestion des biens de celui-ci par les frères Samassa…) est imputable de la responsabilité d’un agent de l’État. Donc, il revient à l’État, en tant que sujet de droit, de réparer ces dommages.
Quant à l’avocat de la défense, il a retracé les faits et apporté des précisions sur certains aspects évoqués par son confrère. Selon lui, après l’accident de Monsieur Samassa, compte tenu de son état de santé très critique, les frères Samassa ont décidé de l’évacuer vers des centres spécialisés en Allemagne pour y recevoir des soins. À le croire, malgré l’insistance de ceux-ci, ils ont buté au refus catégorique de la dame Aminata. “Tous les efforts des frères Samassa pour évacuer leur frère ont été vains. Je ne comprends pourquoi une femme peut s’opposer à l’évacuation de son mari, à moins qu’elle ne soit animée de l’unique volonté de le laisser mourir afin d’hériter de tous ses biens après son décès. Donc, il ne s’agit pas d’un enlèvement, mais plutôt l’exécution d’une décision de justice”, a fait remarquer l’avocat de la défense. Et de poursuivre que face au refus, les frères Samassa ont été obligés de recourir à une décision de justice. C’est ainsi que par une ordonnance, le tribunal a ordonné l’évacuation de Monsieur Samassa. Laquelle ordonnance a été notifiée à la dame Animata par voie d’huissier. “Malgré l’avis du juge ordonnant l’évacuation de Monsieur Samassa, Aminata s’est opposée à l’exécution de cette décision car elle s’est même munie d’un couteau à cet effet. Après toutes ces intimidations, Samassa a pu être finalement évacué”, a-t-il ajouté.
Aucune implication de l’Etat malien dans ce dossier
De sa lecture, l’État malien n’est impliqué en rien dans cette procédure. “Nous ne voyons pas l’implication de l’État malien dans ce dossier. L’État du Mali n’a aucune responsabilité civile dans cette affaire. C’est une affaire opposant deux citoyens maliens sur des faits qui relèvent du droit commun. Le magistrat qu’elle évoque n’a pas agi en tant que représentant de l’État, mais plutôt en tant qu’un des frères du mari de la requérante”, a-t-il précisé.
À ses dires, la dame Aminata, dans sa requête, demande à la Cour de justice de la communauté d’obliger l’État malien à adopter des textes de protection des femmes contre les violences. À ce sujet, il a été formel : “Cette Cour n’a pas cette compétence d’exiger à l’État du Mali d’adopter des textes pour protéger les femmes. D’ailleurs, elle a assigné l’État malien pour avoir violé ses droits. Aussi, l’État du Mali a ratifié tous les textes et conventions relatifs au droit de l’Homme. Nous ne voyons pas pourquoi la dame Aminata peut-elle exiger à l’État d’adopter des textes qu’elle estime violés”, a-t-il renchéri.
Après des débats houleux, la Cour a décidé de mettre le dossier en délibéré pour le mois de mai prochain à Abuja.
Boubacar PAÏTAO