Le secteur privé ouest africain juge nécessaire la mise en place d’une alliance objective pour faire face au commerce illicite et ses nombreuses conséquences.
Le vice-président de la Confédération nationale des employeurs du Sénégal (Cnes), M. Aboubacar Sedikhe Sy l’a fait savoir au lancement des travaux de la rencontre de haut niveau que son organisation a ouvert ce mardi 26 juin à Dakar.
Une rencontre à laquelle prennent les secteurs privés de la Côte d’Ivoire, du Burkina Faso, du Mali, du Nigéria et du Sénégal.
Selon lui, de plus en plus d’entreprises sont menacées par une informatisation rampante de certains canaux de commercialisation voire de production qui échappent à toute règlementation et déstabilisent les circuits de distribution licite.
Plus inquiétant encore, fait-il remarquer, ces réseaux mafieux s’attaquent de préférence aux produits sensibles à haute valeur ajoutée qui se trouvent aussi être, des produits pourvoyeurs de recettes fiscales.
« Nous sommes donc, État et industriels face à la nécessité d’une alliance objective pour, à la fois préserver le secteur productif et sauvegarder les recettes de l’État », a concédé M. Sy.
Une option presque incontournable du moment où le Nigéria estime à 150 mille emplois à cause du commerce illicite.
En Côte d’Ivoire, des usines comme UNIWAX sont contraintes à la fermeture à cause de la contrefaçon.
Dans cette même dynamique, M. Joseph Emoleke, Directeur adjoint Manufacturers Association du Nigéria estime qu’une mission de sauvetage s’impose face à l’ampleur des dégâts causés par le commerce illicite.
« C’est le moment d’agir ! », s’est-il exclamé en estimant que cette initiative de la CNES est une manière de relever le défi : « le devoir de dire non ! ».
Une posture qui s’impose du moment que, confie-t-il, avec ces phénomènes nos gouvernements enregistrent des pertes de revenus et des vies humaines sont menacées.
Ce qui fait dire à M. Amadou Mahtar Ba, CEO de AllAfrica Global Media que s’attaquer au commerce illicite, revient à faire face à un problème économique, humain et sociétal.
Si l’on sait que le phénomène est estimé à plus de 50 milliards de dollars US, représentant plus que l’Aide au développement de l’Afrique.
A l’échelle du monde, les chiffres avancés parlent de 1,7 trillions de dollars représentant plus que tout le PIB du continent réuni.
Une situation compréhensible avec un environnement marqué par des économies animées entre 40 à 80% par le secteur informel et souffrant globalement d’une faible intégration financière.
Ce qui, aux yeux du ministre sénégalais en charge du budget, constitue naturellement un terreau favorable aux activités illégales, avec des transactions qui se font souvent en liquide, échappant au système de contrôle et avec un grand risque de financer des activités terroristes
Devant cet état de fait, M. Birima Mangara, pense que « Alors que tous nos efforts sont tournés vers la rationalisation de notre dispositif fiscal et la transparence dans leur procédure, le financement de nos économies sur ressources propres et la sécurisation de nos populations, il n’est pas admis de laisser prospérer des activités criminelles qui présentent un grand potentiel de déstabilisation de nos Etats ».
Quand les fonds du commerce illicite nourrissent le terrorisme
Les orateurs qui se sont succédés au pupitre de ce panel de haut niveau de deux jours organisé par la CNES sont unanimes sur la liaison dangereuse qui existe entre le commerce illicite et le terrorisme.
A titre d’exemple, la zone CEDEAO, enregistre la présence de la secte Boko Haram avec des ports avec des systèmes très poreux. Ce qui fait de la région un passage et remonte vers les cours caravanières du Sahara pour aller vers l’Europe.
L’ambassadeur Boubacar Diarra, Représentant spécial des Grands Lacs fait savoir derrière les chiffres il y a des menaces sécuritaires qui assaillent nos pays.
A l’en croire, les ports et aéroports africains sont aujourd’hui des portes d’entrée de la drogue en provenance d’Amérique Latine. « 30 à 40 tonnes de cocaïne transitent chaque année en Afrique de l’Ouest », informe-t-il.
A cela, M. Diarra y ajoute les 4 à 8 millions d’armes qui circuleraient dans la région avec la Libye comme zone de rebond.
Dans la même veine, l’Ambassadeur Bruno Delay, Président-Entreprise et diplomatie confie que le commerce illicite de tabac est estimé à 800 millions d’euros par an.
Il ajoute que l’Afrique de l’Ouest est le continent par excellence victime de médicaments contrefaits.
Sur ce point, le conseiller Senior en facilitation des échanges dans la CEDEAO s’offusque du fait que « le continent et la région, en particulier, sont devenus des déversoirs de toute sorte de produits ». Ce qui, à son avis, constitue une préoccupation pour la santé et la sécurité des populations ». Une manne financière qui, selon Amadou Mahtar Ba, constitue la source du financement du terrorisme.
La CEDEAO est ainsi interpellé pour l’instauration d’un cadre juridique contraignant pérenne mais aussi de lutter contre la mauvaise gouvernance et jeter les ponts avec des partenaires engagés.
A cet effet, le secteur privé ouest africain parle d’une approche concertée pour que pouvoirs publics, industriels, opérateurs économiques, forces de sécurité et de défense puissent travailler ensemble pour s’attaquer à ce problème. Ce qui passera par des échanges et des partages d’expériences, pour pouvoir aller de l’avant.
Source Allafrica