La décision des dirigeants d’Afrique de l’Ouest de lancer une force régionale censée intervenir contre le djihadisme, mais aussi en cas de coup d’État, a suscité des doutes et des critiques de la part des analystes interrogés par Sputnik. Pour eux, la mise en œuvre de ces déclarations sera “difficile”.
“Cette initiative me paraît tout à fait saugrenue et à la limite irréaliste et inefficace”. Au micro de Sputnik, Dr Bakary Traoré, expert en relations internationales et en géopolitique à la Mission d’appui à la refondation de l’État (MARE) du Mali s’est montré plutôt sceptique vis-à-vis de l’annonce des chefs des États membres de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) du lancement d’une force régionale face aux djihadistes et contre les coups d’État.
“On a l’impression que les chefs d’État se sont retrouvés pour meubler le temps, en ce qui concerne les pays qui focalisent l’attention, à savoir la Guinée, le Mali, le Burkina Faso (…). Ça me paraît vraiment une initiative irréaliste dans le contexte actuel de la sous-région.”
Une meilleure maîtrise des frontières
L’analyste estime que l’idée aura du mal à se concrétiser sur le terrain. Pour quelles raisons? D’abord, sur le plan diplomatique, les pays où sévit le terrorisme, dans la sous-région ouest africaine, notamment le Mali, le Burkina Faso, “sont en froid avec la CEDEAO parce qu’il y a eu des luttes constitutionnelles dans ces différents pays”. Ainsi, M.Traoré voit mal comment ces États pourraient coopérer avec la CEDEAO pour réaliser cette initiative.
“Sur le plan militaire, je pense que le contexte actuel de la lutte contre le terrorisme requiert une coordination entre les forces armées des États de la sous-région et non la création d’une autre forme, d’une autre force, disons, pour combattre le terrorisme.”
Selon l’interlocuteur de Sputnik, la façon la plus efficace de confronter les terroristes, c’est de créer les conditions d’une bonne coordination des forces au niveau des États, notamment le long des frontières.
“La meilleure maîtrise des frontières et cela revient à revoir, notamment en ce qui concerne ce qu’on appelle le droit des suites, qui permet à un État voisin d’intervenir dans un autre État, bien sûr, sur la base des conventions préétablies. Donc, je pense qu’il vaut mieux revoir ce droit des suites et mettre en place les mécanismes de coordination au plan du renseignement, au plan opérationnel pour faire face au terrorisme. Ceci me paraît plus efficace.”
Mises en œuvre difficile
Et comme l’a rappelé à Sputnik Serge Atiana Oulon, journaliste-écrivain burkinabè, spécialiste dans les questions de sécurité, ce n’est pas la première fois que la CEDEAO annonce des mesures pour lutter contre le terrorisme dans la région.
“Il faut attendre de voir la création et l’existence de cette force avant d’apprécier. À mon avis ce sont des déclarations dont les mises en œuvre seront difficiles d’autant que d’un pays à un autre les réalités démocratiques et de gouvernance ne sont pas les mêmes.”