Vérité de soldat en tournée internationale : Le témoignage du Capitaine Soungalo Samaké, célèbre tortionnaire, mis en scène par Blonba

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La pièce "Vérité de soldat" est inspirée de l’étonnant témoignage du capitaine Soungalo Samaké, l’homme qui a arrêté Modibo Keïta, premier président du Mali. Ce récit plein de bruits et de fureur a été édité par Amadou Seydou Traoré dit Amadou Djicoroni, personnalité de la première République issue de l’Indépendance, qui fut lui-même torturé par Soungalo Samaké. Cette étrange relation et surtout les questions que se posent les deux hommes sont au cœur  de la pièce. Aveux, confessions ou regrets ?

Les terribles confidences du soldat croisent les interrogations de l’Afrique contemporaine hantée par le surgissement récurrent de régimes qu’on pourrait prendre pour des malédictions et qui pourtant sont le fruit de l’histoire. Septième création de la compagnie malienne BlonBa, "Vérité de soldat " interroge l’histoire contemporaine de l’Afrique, au moment où dix-sept pays, dont le Mali, célèbrent le Cinquantenaire de leur indépendance.

Le capitaine Soungalo Samaké, avec Amadou Traoré son éditeur et ancienne victime, mis en scène par Patrick Le Mauff par Adama Bagayoko, Maïmouna Doumbia et Michel Sangaré,  avec comme assistant à la mise en scène Ndji Traoré. C’est  Jean-Louis Sagot-Duvauroux  qui a été inspiré par le récit de Soungalo Samaké "Ma vie de soldat ".  Le 19 novembre 1968, Modibo Keïta, premier président de la République du Mali, est arrêté sur la route qui le ramène du débarcadère de Koulikoro à Bamako, la capitale. L’expérience socialiste qu’il conduit connaît des difficultés et contradictions. Un groupe de jeunes officiers a décidé d’y mettre fin par un coup d’Etat. Ils confient à Soungalo Samaké, un sous officier parachutiste, la mission d’arrêter le prestigieux fondateur du Mali indépendant. Le soldat entre ainsi dans l’histoire.

Son récit fait froid dans le dos, quand il raconte la répression anticoloniale française à laquelle il participe sans état d’âme, le viol collectif des femmes du quartier Djikoroni après l’humiliation d’un militaire par un civil ou les méandres de la politique répressive durant le régime de Moussa Traoré. Mais il éclaire aussi ce que furent les balbutiements des constructions nationales africaines, quand la force des armes donna le pouvoir à des hommes incapables de l’exercer pour le bien public. Soungalo Samaké aurait pu être un bon et solide cultivateur, imbibé de ce qu’il nomme "les valeurs bamanan" : franchise, respect de la parole donnée, endurance à la peine, sens de l’honneur. Force de la nature, il vit avec un crâne artificiel après s’être fait décalotter par une hélice d’avion.

Retournement du sort

Comme pour ajouter au romanesque, Amadou " Djikoroni " Traoré, l’éditeur du récit, longtemps interné par le régime militaire pour son influence durant la première République (1960-1978), a été personnellement torturé par Soungalo Samaké. Puis, dans un imprévisible retournement du sort, une espèce de connivence s’est établie entre les deux hommes. Cette connivence est un des mystères du livre et du spectacle. C’est de cette connivence que naît une vérité à deux voix, à la fois éclairante et terrible, où le Mali d’aujourd’hui peut scruter, pour la dépasser, l’histoire de ses cinquante années d’indépendance. "Vérité de soldat " s’inscrit dans le prolongement des festivités du Cinquantenaire qui culmineront le 22 septembre 2010, journée anniversaire de l’accession à la souveraineté.

Comment Soungalo Samaké a-t-il pu accepter de publier un texte dans lequel il témoigne de méfaits qui pourraient aujourd’hui encore lui causer de graves ennuis ? Comment Amadou Traoré, intellectuel engagé, a-t-il pu éditer un récit si problématique pour l’image de l’Afrique contemporaine ? Quels débats et quels affects un tel livre provoque-t-il chez les Maliens d’aujourd’hui ? Travailler ces questions ouvre sur une exploration de l’âme humaine qui déborde les frontières de l’Afrique. C’est aussi une façon d’interroger les trois Républiques qui se sont succédées au Mali depuis l’Indépendance. Enfin, cela permet de remettre en perspective un récit qui, à l’état brut et malgré la violence des faits racontés, peut apparaître comme un amas d’anecdotes.

Au-delà du théâtre, le spectacle fonctionnera, au Mali du moins, comme une " commission de la vérité ", à l’image de ce qui s’est fait en Afrique du Sud après l’apartheid. Il sera une contribution théâtrale pour une catharsis de l’Indépendance. De ce point de vue, il s’inscrit dans la longue lignée du kotêba ou du maana, moments de récit toujours joués ou dits dans l’objectif explicite de donner forme à la société. "Vérité de Soldat" était  en tournée les  24 et 25 septembre 2010 au Festival des Francophonies à Limoges. En octobre 2010, il sera  à Bamako, avant de repartir vers l’Europe et le Canada.

                                                                      Kassim TRAORE

 

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