Un nouveau spectacle de Blonba Sud/nord, le kotèba des quartiers

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Un directeur de théâtre français a  demandé  à un artiste malien désabusé de monter un "kotèba" sur la ville de banlieue où il officiait. Le kotèba, comme vous le savez, est une satire jouée dans les cités de l”aire bamanan. Mais, dans ce cas précis, ce sont  des raisons extra artistiques que les acteurs recrutés à Bamako cherchent à venir en France. Une comédie grinçante sur la façon dont les déséquilibres planétaires tordent les relations humaines, à l”époque de la traque aux sans-papiers, des visas au compte-gouttes et de l”internet généralisé.

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Le kotéba est une forme ritualisée de théâtre utilisée autrefois dans les villages maliens pour mettre en scène, de façon burlesque, les maux de la société et pour inciter à les corriger. Le théâtre de Choisy-le-Roi, ville populaire de la banlieue parisienne avait déjà accueilli deux spectacles de BlonBa inspiré du kotèba : "Le retour de Bougouniéré" et "Bougouniéré invite à dîner".

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À la suite de cette expérience, l”équipe choisyenne a proposé à BlonBa d”imaginer la fabrication d”un spectacle inspiré du kotèba, en observant les modes de vie des Choisyens et, plus généralement, des habitants des banlieues. Cette proposition entrait dans le cadre de "Tous les Choisyens du monde", une initiative par laquelle le théâtre de Choisy propose à des équipes artistiques de créer un spectacle à partir de paroles de Choisyens.

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L”idée est, peut-être, séduisante, mais elle est porteuse d”une bombe à retardement : "Comment demander à des Africains de porter un regard sur la vie des Français, quand la France leur interdit l”obtention des papiers et des visas?". Si l’on ne se rencontre pas, on ne se comprend pas et la relation entre le Nord et le Sud ne peut se construire que sur de lourds non-dits.

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Le vrai sujet de la pièce commandée à BlonBa change alors de sens: non plus un kotèba sur la vie choisyenne, mais sur la demande faite par le théâtre et les malentendus qu”elle entraîne. "Sud-Nord, le kotèba des quartiers" met en scène des contradictions qui viennent contrecarrer les bonnes intentions d”un théâtre qui veut faire des habitants de sa ville et du monde les premiers héros de la représentation. Tous les Choisyens du monde oui, mais tous les Choisyens d”un monde bancal, qui tord les relations humaines.

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Le spectacle peut commencer. On y met en scène les tares de la communauté : tel père abusif, telle épouse médisante, tel avare invétéré, tel abus du chef de village. Le kotèba provoque le rire, un rire d”autodérision. Ce rire-là nous réunit dans une émotion commune. Il juge, mais console aussi. Il corrige, mais en provoquant de la joie. Il ne culpabilise pas inutilement et provoque immédiatement une décharge libératrice. Sud-Nord est mis en scène dans un dispositif bifrontal où les spectateurs sont placés dans une grande proximité avec les acteurs,

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Le texte, la mise en scène, le jeu des acteurs tentent de faire vivre pour aujourd”hui l”art populaire et drôle du kotèba. La fable que nous avons retenue est la suivante : le "Théâtre des quartiers", implanté dans une banlieue française, fait à une compagnie malienne à la dérive la proposition d”un kotèba sur la vie des banlieues, mais la frontière Sud-Nord est de plus en plus difficile à franchir. Pas de visas pour aller observer les Français. C”est donc sans pouvoir se rendre dans les quartiers concernés que la pièce va se construire.

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Pour la plupart d”entre eux, le spectacle est surtout un prétexte à franchir la frontière interdite, mais il ne faut évidemment pas que le commanditaire français comprenne la manigance. Il y a urgence à s”inscrire dans le désir de l”autre, à cacher le sien. Un jeune homme assure par Internet la liaison entre le groupe de comédiens et le "théâtre des quartiers". À défaut de pouvoir se rendre sur place, ces images constituent le matériau qui va servir à préparer un vague spectacle répondant à la demande.

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Dans l”équipe hétéroclite de comédiens et d”aspirants émigrés se glisse l”inquiétant personnage de Baniengo. Baniengo, "l”égoïste", est un personnage de fiction imaginée par Alioune Ifra Ndiaye et BlonBa pour l”émission "A nous la citoyenneté", diffusée chaque semaine par la chaîne nationale malienne.

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Égoïste, jaloux, tirant tous ceux qui l”entourent vers le bas, archétype du petit jeu dans lequel se complaisent des hommes et des femmes qui ont renoncé à toute ambition, le personnage de Baniengo est devenu depuis un vrai phénomène de société. Dans la pièce, il représente une forme perverse et destructrice de soumission au déséquilibre entre le Sud et le Nord… Autour de "Sud-Nord, le kotèba des quartiers" est en train de se réaliser un film dont la sortie est prévue pour le printemps 2008. Le making of du spectacle sera le fil rouge d”un documentaire dont l”ambition est de faire le point sur l”histoire du kotèba contemporain au Mali.

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La  pièce est  de Jean-Louis Sagot-Duvauroux, avec Nouhoun Cissé, Lassine Coulibaly "King", Hamadoun Kassogué, Alimata Keïta, Didier Mouturat, Souleymane Ouattara, Michel Sangaré et Diarrah Sanogo. Mise en scène de Patrick Le Mauff assisté d”Oumar Fofana ; administration: Mantchini Traoré (Mali) et Jean-Jacques Barey (France); réalisation vidéo : Acrobates films – BlonBa. Le tout sous la direction de  Alioune Ifra Ndiaye. "Sud-Nord, le kotèba des quartiers" a été créé en coproduction avec le théâtre de Choisy-le-Roi (Val-de-Marne, France). Le spectacle a reçu le soutien du Psic (ministère de la Culture, Mali), du Centre culturel français de Bamako, de l”Organisation internationale de la Francophonie, de la région Île-de-France et des conseils généraux du Val-de-Marne, de la Seine-Saint-Denis et de l”Essonne.

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23 novembre 2007

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